Alors que la société Airbus présente un carnet de commandes plein pour les 10 années à venir (pour plus de 650 milliards de dollars), elle programme une baisse de charge estimée à 30 % d’ici 2017, avec un impact d’environ 50 % sur les effectifs de la sous-traitance. La direction d’Airbus annonce une baisse de 11 000 équivalents temps plein (sur 26 000), d’ici 2018, dans le secteur Bureau d’étude d’Airbus en Europe, sous-traitants inclus.
Cela place les sociétés sous-traitantes de l’aéronautique en grande difficulté. La pression sur les coûts les fragilise et les force à recourir de plus en plus à la délocalisation de leurs activités.
Paradoxalement, alors que les cadences et la production augmentent, l’innovation et la recherche et développement (R&D) sont en chute libre, dans un secteur qui depuis 2007 a créé 17 000 emplois en Midi-Pyrénées. C’est une situation historique : c’est la première fois depuis les débuts de l’aéronautique, dans les années 50, que l’on observe un tel trou d’air dans les activités de développement d’Airbus, mais aussi de Boeing et des autres concurrents.
Les Etats généraux de l’industrie aéronautique, organisés en juin dernier par la coordination CGT d’Airbus et de ses sous-traitants, ont montré comment le désengagement public dans cette industrie, maintenant cotée en bourse, l’a soumise à l’appétit des actionnaires et à l’exigence de rentabilité à court terme, qui ne tolère pas des investissements massifs à long terme dans la R&D. A cela, il faut ajouter qu’Airbus ne prévoit pas de nouveau « programme avion » majeur avant au moins 15 ans.
Le plan Power 8 d’Airbus, en 2006, visait une réduction des coûts et une réorganisation de la chaine de sous-traitants. Il exigeait de ces derniers une diminution des coûts de 30 %. Cela a conduit à une réduction du nombre de fournisseurs. C’est une pression énorme sur les sociétés sous-traitantes, qui ont un taux de dépendance de 85 % par rapport à Airbus. Plus largement, Airbus étrangle ses sous-traitants par sa recherche de rentabilité à tout prix : enchères inversées, délocalisations imposées et surtout baisse unilatérale des prix – le tout sur fond d’omerta chez les sous-traitants, qui ont peur de perdre les marchés liés à ce donneur d’ordre tout puissant. Pourtant, 80 % de la valeur ajoutée du produit est générée par la sous-traitance.
La coordination CGT suit mois après mois les conséquences de la baisse des charges de l’engineering Airbus. Le constat est clair : une chute des effectifs de 6 à 16 %. A terme, la baisse des effectifs dans les SSII en Midi-Pyrénées pourrait concerner jusqu’à 50 % des effectifs des SSII. Dans ces conditions, comment conserver les compétences clés, avec un risque majeur de réduction aveugle des effectifs ?
Les SSII, qui fournissent essentiellement une prestation intellectuelle, ne peuvent s’appuyer que sur une seule variable d’ajustement : les effectifs. Ces diminutions d’effectifs se font sans « plan social », sans mesures d’accompagnement. C’est donc par des méthodes de harcèlement et de pressions que les salariés sont brisés, dégoutés, poussés vers la sortie et sans autre alternative que le chômage. Cela se traduit par une souffrance au travail : augmentation des arrêts maladie (+12 % en un an chez Altran), tentatives de suicide, management par la peur, mobilités forcées, turn-over important, aucun plan de carrière.
Les salariés sous-traitants qui mènent des actions pour sensibiliser l’opinion publique sur leur sort subissent des pressions importantes. Mais cela n’empêche pas la coordination de continuer son combat, bien au contraire, pour unir la communauté de travail de tout le secteur et faire un maximum de communication sur la situation. Elle continue d’informer l’ensemble des salariés bien sûr, mais aussi la population.