Le 5 novembre, les groupes Auchan et Michelin annonçaient de vastes plans de licenciements. L’enseigne de la grande distribution prévoit la fermeture d’une dizaine d’établissements et la suppression de 2389 postes. L’industriel automobile ferme deux usines – l’une à Vannes, l’autre à Cholet – qui emploient au total 1300 salariés.
Ces deux annonces brutales, le même jour, confirment le fait suivant : le capitalisme français est entré dans une période de destruction massive d’emplois. De nombreux secteurs sont concernés.
Automobile, BTP, chimie...
Selon un rapport de la CGT, 182 fermetures de sites industriels ont été annoncées entre septembre 2023 et septembre 2024. Plus de 100 000 emplois directs et indirects sont concernés. Cela touche toute une chaîne de fournisseurs et de sous-traitants – qui procèdent, eux aussi, à des licenciements.
L’industrie automobile est frappée de plein fouet. L’équipementier Valeo prévoit 1500 licenciements et la fermeture de trois usines. Forvia, anciennement Faurecia, annonce 10 000 licenciements dans toute l’Europe, y compris sur des sites français. Stellantis envisage la fermeture de ses sites de Poissy (78) et Douvrin (62), qui regroupent 3300 salariés. L’équipementier MA France, dont Stellantis est le principal donneur d’ordres, supprime 280 postes.
Selon la Fédération Française du Bâtiment, 150 000 emplois du BTP seraient menacés d’ici 2025. Les répercussions dans l’industrie liée au BTP se font déjà ressentir. Par exemple, le fabricant de chaudières et de pompes à chaleur Saunier Duval vient d’annoncer le licenciement de 250 travailleurs sur son site de Nantes, soit un tiers de l’effectif.
La fédération France Chimie anticipe la perte de 15 000 emplois dans le secteur de la chimie, les trois prochaines années. Vencorex veut fermer son usine de production dans l’Isère et licencier ses 464 salariés. La direction de l’usine WeylChem Lamotte, dans l’Oise, prévoit 101 suppressions de postes. ExxonMobil, le géant américain de la pétrochimie, a annoncé le licenciement de 677 salariés liés à sa plateforme de Gravenchon, en Normandie.
La fausse naïveté de Michel Barnier
Suite à l’annonce des plans sociaux de Michelin et Auchan, Michel Barnier a demandé ce que ces entreprises avaient fait « de l’argent public qu’on leur a donné ». Il faisait notamment référence au « Crédit d’impôt compétitivité emploi », mis en place sous le quinquennat de François Hollande. Entre 2013 et 2019, quelque 100 milliards d’euros d’argent public ont été versés à ce titre dans les coffres des grandes entreprises, sous forme d’allègements fiscaux. Auchan, par exemple, en a bénéficié à hauteur de 500 millions d’euros.
En 2021, suivant la même logique, Macron annonçait le plan « France 2030 », qui prévoyait 54 milliards d’euros de dépenses publiques pour la « réindustrialisation » de la France.
Le seul résultat concret de ces mesures, c’est le creusement de la dette publique – dont l’addition est présentée aux travailleurs, comme toujours. Pour le reste, les capitalistes n’investissent pas dans la production parce qu’on leur donne des milliards, mais uniquement lorsqu’ils en attendent des profits. Or, dans la conjoncture économique actuelle, un nombre croissant de capitalistes calculent que le plus profitable est de fermer des sites.
En 2023, Auchan – propriété de la famille Mulliez, l’une des plus riches de France – a réalisé 1,5 milliard d’euros de bénéfices. C’est pour défendre ces bénéfices qu’ils ferment des magasins. Donc, pour répondre à Michel Barnier, qui fait mine de se demander ce que Mulliez et consorts ont fait de l’argent public : il a fini dans les poches des actionnaires et dans les paradis fiscaux qui leur permettent d’échapper à l’impôt.
Nationalisation !
Le 7 novembre, la dirigeante de la CGT, Sophie Binet, est venue soutenir les salariés en grève illimitée du site de Vencorex, en Isère. A cette occasion, elle a présenté le « plan » adopté la veille par le Comité Confédéral National (CCN) de son organisation. La direction de la CGT exige un « moratoire » sur les licenciements, a expliqué Sophie Binet.
A qui cette demande est-elle adressée ? Au gouvernement Barnier, de toute évidence. Problème : c’est le gouvernement des riches, de la classe dirigeante, des grands patrons qui exploitent et licencient. Autant demander à un tigre de devenir végétarien. Pour faire pression sur le tigre, Sophie Binet annonce une « journée de convergence pour l’emploi », le 12 décembre prochain. Et puis ? Et puis, rien.
De son côté, l’aile gauche de la CGT – Unité CGT – avance un programme offensif : « Il faut exproprier et nationaliser, sous contrôle ouvrier, les grands groupes industriels, des donneurs d’ordre aux sous-traitants ». Nous sommes parfaitement d’accord. L’ensemble de la CGT devrait défendre cette revendication et tâcher d’en faire l’axe central des luttes contre les fermetures d’entreprises et les plans de licenciements. Au-delà des entreprises concernées à ce jour, une vaste campagne d’agitation sur la nécessité d’exproprier les grands patrons qui licencient aurait un énorme impact sur la conscience et la combativité de millions de travailleurs. Il faut passer à l’offensive !