L’entreprise Prosegur a été fondée en 1976, en Espagne. Elle est implantée en France depuis plus de 30 ans et se veut l’un des leaders mondiaux de la sécurité privée. Elle a conquis une importante part du marché des transports de fonds en France. Revendiquant un chiffre d’affaires de plus de 2 milliards d’euros, Prosegur est une société solide, dont on peut penser qu’elle ne risquerait pas à la légère un conflit social.
C’est sans compter sur le mépris dont fait preuve la direction de l’entreprise envers ses salariés, en Rhône-Alpes. En effet, celle-ci a décidé de rectifier unilatéralement une « erreur de calcul » : une prime intégrée sur le calcul des congés payés devait, selon elle, ne plus l’être. Une « erreur » qui durait tout de même depuis plus de 20 ans et qui a été rectifiée... sans prévenir les salariés concernés ! Résultat : plusieurs centaines d’euros ont été supprimés sur les fiches de paie des convoyeurs de fonds, au moment des vacances. Il semble que le « numéro 3 mondial de la sécurité privée » n’ait pas les moyens de payer quelques timbres pour, au minimum, prévenir ses salariés qu’ils allaient perdre en moyenne 300 euros.
Une décision unilatérale et illégale, dans la mesure où cette pratique d’intégration des primes était constante depuis plus de 20 ans et avait donc acquis la force d’un « usage d’entreprise », selon le Code du travail. Elle aurait dû être dénoncée au moins six mois à l’avance, avec information préalable de tous les salariés concernés. Procédure obligatoire dont la direction de l’entreprise s’est généreusement dispensée.
Face à cette attaque sournoise, les salariés ne se sont pas laissé faire. A l’appel des syndicats CGT et SUD, ils se sont mis en grève illimitée pour défendre leurs droits. D’entrée de jeu, le conflit a été marqué par la morgue de la direction, décidée à passer en force et à n’ouvrir aucune négociation avec les salariés.
Ceux-ci ne s’en sont pas laissé compter. Ils ont organisé des piquets de grève devant les dépôts de Lyon, Saint-Étienne, Valence et La Talaudière (Loire). Plus un camion ne sortait. A tel point que les distributeurs automatiques de billets de la région menaçaient d’être tous vides.
Choisissant la voie de l’intimidation judiciaire, la direction a attaqué les convoyeurs devant le tribunal de grande instance pour faire déclarer les piquets illégaux et, ainsi, briser le mouvement. Sans même attendre le résultat du jugement, le préfet a fait intervenir les forces de police pour dégager les piquets.
Patatras ! Au grand désespoir du patron et du préfet, le tribunal a déclaré légale la grève des convoyeurs. Les policiers ont dû quitter les lieux l’oreille basse. Cette déconvenue judiciaire n’a pas empêché la direction de faire assigner en justice à deux nouvelles reprises les grévistes de Lyon et Saint-Étienne. Mais à chaque fois, la justice a donné raison aux salariés.
Déçu par la justice publique, le patron a eu recours à la justice privée. Le 1er octobre au matin, les grévistes du site de Lyon ont vu débarquer une trentaine de vigiles privés venus évacuer le piquet de grève. Si vous en avez les moyens, vous pouvez donc vous payer votre propre police, quand celle de la République vous lâche. Formidable non ? Mais les salariés en lutte ne se sont pas laissé faire – et le piquet est resté en place.
Cet acharnement a eu lieu alors même que l’un des salariés grévistes a été tué, fauché par un accident de la route aux abords du piquet de grève. Mais on a beaucoup moins parlé du décès de ce travailleur que de la devenue célèbre chemise déchirée d’un certain DRH.
Finalement, après 35 jours de grève, le mouvement s’est terminé sur une victoire partielle. Certains jours de grève seront payés et les sommes perdues, suite au nouveau calcul des congés payés, seront partiellement compensées par une augmentation de prime. La dureté du conflit, où la direction a fait feu de tout bois pour briser le mouvement et a repoussé pendant des semaines toute négociation, est symptomatique du durcissement de la lutte des classes en cette période de crise du capitalisme. Face aux attaques patronales, la détermination et l’organisation des travailleurs seront toujours leurs meilleures armes.