L’économie française est frappée de plein fouet par la crise du capitalisme. La hausse du chômage est la conséquence directe de cette situation. Le nombre de travailleurs privés d’emploi augmente régulièrement depuis le printemps 2001. Dans le but de sauvegarder leurs profits, les employeurs multiplient les licenciements et les plans sociaux. Pendant que des spéculateurs s’efforcent de s’enrichir sur les variations chaotiques de la Bourse, les entreprises ferment les unes après les autres.
Cette situation place plus que jamais le mouvement syndical devant ses responsabilités. Il faut mettre un coup d’arrêt à l’hémorragie d’emplois et à la précarisation qui l’accompagne. Il faut aussi bien voir que, dans le contexte économique actuel, le patronat ne cèdera pas facilement à la pression des mobilisations sociales. Pour défendre la rentabilité de leurs investissements, les capitalistes frappent fort et sont peu disposés à faire des concessions. C’est l’une des leçons du mouvement de mai et juin dernier contre la " réforme " des retraites. Malgré les manifestations massives et les grèves, le gouvernement n’a rien lâché - à part les quelques miettes que valait la trahison de Chérèque.
Les signataires de cet appel estiment que nos directions confédérales n’ont pas pris la mesure de la détermination du gouvernement et du patronat à renforcer leur pression sur les travailleurs. Il est grand temps de renoncer à la doctrine erronée du " dialogue social ". Dans la bouche d’un Raffarin ou d’un Fillon, cette formule creuse n’a d’autre fonction que de désamorcer les luttes sociales. Nous devons prévenir les salariés que derrière les déclarations de bonne volonté et l’apologie du " dialogue ", le gouvernement et le patronat s’efforcent par tous les moyens de placer le poids de la crise sur les travailleurs et les plus démunis. Le gouvernement Raffarin lance des attaques en règle contre les plus précaires et les plus pauvres sans demander l’avis de quelque " partenaire social " que ce soit - excepté le MEDEF.
Dans le contexte actuel, le gouvernement et le patronat ne cèderont à nos revendications que s’ils font face à un mouvement massif et déterminé. L’expérience récente a démontré que des manifestations -aussi impressionnantes soient-elles - et des mouvements de grèves isolés ne suffisent pas. Seul un mouvement impliquant une large majorité de salariés des secteurs public et privé pourrait jeter le gouvernement sur la défensive. La préparation d’une grève générale de 24 heures serait une étape importante dans le développement de la lutte de grande envergure qui s’impose. Même si une telle grève ne faisait reculer le gouvernement que temporairement (comme ce fut le cas récemment en Espagne et en Italie), elle aurait tout de même l’énorme avantage de renforcer la combativité du salariat et sa confiance en ses propres forces.
Nous ne doutons pas de la grande capacité de lutter du salariat. Il en a donné la preuve à maintes reprises dans l’histoire du mouvement syndical. Le fait que la classe capitaliste ne soit pas disposée à céder facilement ne doit pas nous rendre pessimistes. Cela nous oblige, par contre, à repenser notre stratégie de lutte face à des adversaires de plus en plus implacables. La qualité de la direction du mouvement jouera nécessairement un rôle déterminant dans l’issue des combats qui s’annoncent. Nous avons besoin de dirigeants déterminés et offensifs. La docilité de nos directions, loin d’attendrir le patronat, ne ferait que renforcer son arrogance et l’inciter à frapper encore plus fort.
La plate-forme syndicale suivante ne prétend pas répondre à toutes les situations qui peuvent exister, mais constitue à nos yeux un programme général susceptible de renforcer la lutte syndicale contre le chômage et la précarité de l’emploi. Nous invitons tous les syndicalistes et militants de gauche à la diffuser autour d’eux et à l’appuyer de leur signature.
1 - Pour la mise en œuvre d’un programme de travaux publics de grande envergure, de façon à créer des emplois et répondre aux besoins sociaux. Face à cette revendication, le gouvernement poussera son cri habituel : " Mais les caisses sont vides ! ". Cependant, les caisses ne sont pas vides lorsqu’il s’agit d’augmenter les dépenses militaires ou de faire des cadeaux financiers aux capitalistes. Nous manquons cruellement de logements, d’universités, d’hôpitaux, de centres culturels - et, dans le même temps, le cortège des chômeurs ne cesse de croître !
L’objectif d’un programme de travaux publics ne doit pas être de fournir une nouvelle source de profit au patronat. Pour l’exécution des travaux, les entreprises publiques existantes doivent être mobilisées, et les grandes entreprises privées du bâtiment doivent être intégrées au secteur public sur la base d’une amélioration sensible des conditions de travail et de rémunération des salariés de l’industrie. Enfin, des comités de contrôle composés de représentants syndicaux doivent être étroitement associés à la planification et à la marche des travaux.
2 - Contre les licenciements : diminution du temps de travail et nationalisations. Les salariés n’ont pas à faire les frais de la crise économique et des baisses d’activité qui en résultent. S’il diminue, le travail disponible doit être partagé entre les salariés au moyen d’une réduction du temps de travail sans perte de salaire et sur la base de 35 heures par semaine. Si la direction ou les actionnaires refusent cette mesure, l’entreprise doit être immédiatement nationalisée et faire l’objet d’un plan de financement public, sous le contrôle d’une commission syndicale. Il en va de même dans le cas de fermetures annoncées sous prétexte de rentabilité insuffisante. L’intégration d’une entreprise au secteur public ne doit pas faire l’objet d’un achat, mais d’une expropriation : seuls les petits actionnaires doivent être indemnisés. Les autres ont eu tout le temps de faire fortune grâce aux richesses produites par les salariés. Il n’y aucune raison de les enrichir davantage.
Lorsque, suite aux investissements hasardeux des capitalistes ou à la saturation du marché, l’entreprise se trouve dans l’impossibilité d’écouler ses marchandises de façon viable, la nationalisation devrait s’accompagner d’un plan spécifique de reconversion industrielle. Cette reconversion doit se réaliser sans licenciement, sans augmentation du temps de travail et sans baisse des salaires. Pour les salariés qui devront changer de métier, des formations rémunérées au niveau du salaire normal doivent être assurées.
3 - Pour le renforcement des effectifs de la Fonction Publique. Le gouvernement veut réduire de façon drastique les effectifs de la Fonction Publique, et se fixe pour objectif de ne remplacer qu’un départ à la retraite sur deux. Cela ne peut qu’accroître massivement le nombre de chômeurs et réduire la qualité des services publics. Exigeons qu’à chaque départ à la retraite corresponde une embauche. Cette revendication s’applique également au secteur privé. Par ailleurs, les innombrables travailleurs précaires de la Fonction Publique devraient être titularisés. Cela mettrait fin à la scandaleuse situation actuelle, où le plus grand exploiteur du travail précaire, dans ce pays, n’est autre que l’Etat. Enfin, dans chaque service, des commissions spéciales composées de représentants des salariés doivent établir le nombre d’embauches que nécessite le niveau d’activité de leur service.
4 - Contre la précarité de l’emploi. La précarité est une forme de chômage larvé. Alors que le mouvement syndical a toujours lutté pour le partage du travail, les employeurs ont imposé, au moyen de la précarité de l’emploi, le partage du chômage. Soumis à la pression des agences d’intérim, des contrats à temps partiels ou à durée déterminée, des centaines de milliers de salariés vivent dans l’angoisse permanente du lendemain. Les CDD ne doivent être proposés que pour remplacer des salariés temporairement absents (maternité, maladie, etc) ou pour des travaux proprement saisonniers. Tout recours à un CDD en dehors de ces cas précis doit être validé par les instances syndicales ou, à défaut, par le délégué du personnel.
La généralisation de la précarité est devenue une énorme source de profits pour les agences d’intérim. Il faut revendiquer la nationalisation des plus importantes d’entre elles, sans indemnisation, sauf pour les actionnaires les plus modestes. Les ressources matérielles et humaines de ces agences d’intérim doivent alors être intégrées dans les structures de l’ANPE, afin de renforcer le dispositif public d’aide et d’accompagnement des chômeurs.
5 - Pour une indemnisation correcte des chômeurs. Pendant que le patronat licencie et freine les embauches, le gouvernement taille dans le système des allocations chômage. La remise en cause du RMI et des droits des chômeurs de longue durée a pour objectif de pousser le plus de chômeurs possible à accepter des emplois précaires et des salaires de misère. Ces contre-réformes sont aussi destinées à alléger le coût du chômage pour le patronat et pour l’Etat, quitte à plonger les chômeurs dans une plus grande misère.
Le système d’indemnisation du chômage est très insatisfaisant. La pauvreté frappe des centaines de milliers de chômeurs. Or, ce n’est pas aux travailleurs de faire les frais de la crise du capitalisme. En attendant de trouver un emploi, les chômeurs doivent bénéficier d’un revenu qui ne soit jamais inférieur à 80 % du SMIC, quels que soient leur âge et leur expérience professionnelle.
6 - Face à la crise du capitalisme : l’alternative socialiste. Le mouvement syndical se fixe pour objectif de défendre les intérêts de travailleurs. Mais il ne peut y parvenir que très partiellement dans le cadre d’un système capitaliste en pleine crise. Par conséquent, il est nécessaire de lier les revendications précédentes à la perspective d’une rupture avec le capitalisme, c’est-à-dire d’une transformation socialiste de la société. La satisfaction des besoins sociaux se heurte dans tous les domaines à la mainmise d’une petite minorité de profiteurs sur les ressources productives. Les chômeurs forment une " armée de réserve " - pour reprendre l’expression de Marx - qui permet aux capitalistes de comprimer les salaires de ceux qui travaillent tout en ayant la possibilité de faire face aux périodes de plus forte activité. A notre époque, le capitalisme n’a rien de mieux à offrir que le chômage et la précarité de l’emploi qui l’accompagne.
Aujourd’hui, le salariat constitue 86 % de la population active. Il assure toutes les fonctions essentielles de l’économie et des infrastructures sociales. Il dispose, en conséquence, d’une immense puissance potentielle. Rien n’est produit sans le consentement des salariés. C’est au salariat que doit revenir le contrôle et la gestion des banques et de l’appareil industriel du pays, qui doivent être gérés collectivement et démocratiquement dans l’intérêt de l’ensemble de la société, et non pour le profit d’une poignée de capitalistes.
Sur la base d’une gestion démocratique et socialiste de l’économie, les salariés se fixeraient comme objectif immédiat d’éliminer le chômage. Lorsque les capitalistes introduisent une machine plus productive, ils se demandent combien de salariés cela va leur permettre de licencier. A l’inverse, dans un système socialiste, de tels progrès rendront possible une diminution graduelle du temps de travail de tous les salariés. Dans tous les domaines, l’organisation de la société sur des bases socialistes permettrait d’améliorer les conditions de vie de la vaste majorité de la population. Il est temps que le mouvement syndical renoue avec cette grande perspective d’émancipation sociale.