« Un petit Metaleurop », « L’équivalent de deux ou trois Metaleurop ». Devant l’ampleur des charrettes de licenciements, l’expression est souvent revenue, ces dernières semaines, dans la bouche des syndicalistes du Pas-de-Calais et des militants communistes. A juste titre.
Souvenez-vous : en janvier 2003, le groupe Metaleurop SA, une filiale de la firme suisse Glencore, déposait le bilan de son usine de Noyelles-Godault afin d’éviter la mise en œuvre d’un plan social et la dépollution d’un des sites les plus pollués d’Europe. 830 emplois étaient supprimés : un véritable drame social et humain, qui a marqué les esprits dans tout le pays. A l’époque, même Jean-Pierre Raffarin et Nicolas Sarkozy se sont sentis obligés de fustiger les « patrons-voyous » – avant de poursuivre leur travail pour leur compte…
Quatre ans plus tard, rien n’a changé, et dans le Pas-de-Calais, ce sont des dizaines d’entreprises qui licencient dans un silence médiatique presque complet. A Corbehem, près d’Arras, c’est le papetier finno-suédois Stora-Enso qui ferme deux lignes de production et supprime 400 emplois. A Hénin-Beaumont, Sublistatic, une entreprise d’impression de papier transfert pour les textiles d’ameublement, qui emploie 224 salariés, est mise en liquidation judiciaire. Energy Plast, qui a repris en 2005 le bagagiste Samsonite et ses 205 salariés, pourrait lui aussi être mise en liquidation judiciaire.
L’équipementier automobile Faurecia annonce 232 suppressions d’emplois, auxquelles s’ajoutent les 135 emplois supprimés dans l’usine Faurecia de Marles-les-Mines, et les 108 emplois supprimés dans l’usine d’Auchel. A Grenay, c’est encore un équipementier automobile, Mann-Humel, qui ferme ses portes. Les 107 salariés du site se sont vus proposer un poste sur la nouvelle usine de Mann-Humel, à Laval, c’est-à-dire à 500 km de la région de Lens ! La plupart des salariés ont évidemment refusé. Enfin, à Lens, c’est la société DPN (Dindes du Pays du Nord), dans laquelle travaillent 175 salariés, qui pourrait fermer ses portes.
Des drames sociaux qui illustrent la logique du capitalisme
Fatalité ? Pas si sûr… Chacun des drames sociaux qui frappent le Pas-de-Calais ne fait qu’illustrer les dégâts de la course au profit. Sublistatic est endetté à hauteur de 28 millions d’euros ? Mais l’entreprise héninoise a été récemment reprise par le groupe Atland, un groupe immobilier contrôlé par un fonds de pension britannique. Or, en 2004, le groupe Atland a prélevé 14 millions d’euros pour ses actionnaires !
Energy Plast, l’entreprise de fabrication de panneaux photovoltaïques qui a repris l’usine Samsonite d’Hénin-Beaumont, n’a toujours pas fabriqué le moindre panneau photovoltaïque ! 2,5 millions d’euros auraient été détournés au détriment du site et des salariés. Energy Plast n’en est pas à son premier coup d’essai : en mai 2006, c’est une usine du bagagiste Delsey, située à Montdidier, dans la Somme, qui a été mise en liquidation par le tribunal de commerce d’Amiens, après avoir été reprise par Energy Plast. A Samsonite comme à Delsey, les patrons préfèrent trouver un repreneur aux méthodes scandaleuses, comme Energy Plast, plutôt que d’avoir à payer un plan social. Mais au final, ce sont toujours les salariés qui trinquent.
A Corbehem, les salariés de Stora-Enso sont parvenus à créer une association, « Les Géants de Papier Solidaires », et ont proposé à Stora-Enso de lui racheter les deux unités de production condamnées, afin de produire des sacs de chanvre. Ce projet de reconversion permettrait de sauver au moins 200 des 400 emplois supprimés. Mais coup de théâtre : au mois d’octobre, la direction de Stora-Enso s’inquiète de la concurrence que pourraient lui faire les salariés qu’elle licencie, réévalue à la hausse le prix de ses machines et annonce qu’elle les vendra au Brésil !
Entre lutte et découragement
Les salariés commencent à s’organiser et à lutter. Mais beaucoup cèdent au découragement. Au mois de septembre, à Lens, les conducteurs de bus de l’entreprise Westeel se sont mis en grève. Plus d’une centaine de salariés de Westeel ont fait grève pendant cinq semaines pour exiger une revalorisation de 5 % de leurs salaires. Des revendications loin d’être exorbitantes lorsqu’on sait qu’un conducteur de bus de Westeel gagne 1100 € de mois après 23 ans d’ancienneté, alors que dans le même temps, le groupe Kéolis, dont dépend Westeel, a versé 5 millions d’euros à ses actionnaires en 2001, 7 millions en 2002, 13 millions en 2003, 20 millions en 2004 et 46 millions en 2005… Au final, les salariés ont obtenu le versement d’une prime de vacances et une augmentation des salaires de 2 % dès le mois de décembre.
A Hénin-Beaumont, à l’appel de la CGT et de l’UNSA, une manifestation pour l’emploi a rassemblé une centaine de personnes, le 14 novembre dernier. Les manifestants étaient 150 le 8 décembre. Le 27 décembre, ce sont 120 salariés de Sublistatic qui ont mené une opération escargot sur l’autoroute A1, entre Hénin-Beaumont et Arras, où une délégation des salariés de l’entreprise a rencontré un collaborateur du préfet.
Inutile de compter sur les élus de l’UMP – ni, malheureusement, sur les élus du PS – pour venir en aide aux salariés du Pas-de-Calais. Daniel Percheron, le « patron » socialiste du Conseil Régional, mise sur l’attractivité du territoire à coups d’exonérations de taxes pour les entreprises, mais ne se bat pas pour garder les emplois ou empêcher les licenciements.
Les sections du Parti Communiste et les élus communistes sont souvent les seuls à soutenir les salariés victimes de la logique du capitalisme. Ceci-dit, contre la casse de l’emploi, les combats défensifs ne suffiront pas. Les communistes doivent être à l’offensive sur un programme de rupture avec le capitalisme. S’ils ne le font pas, le Pas-de-Calais subira bien d’autres « petits Metaleurop ».