La situation des transports dans la région Provence-Alpes-Côte-D’azur (PACA) reflète la situation au niveau non seulement national, mais aussi international. A partir des années 1980, d’abord aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, puis dans toute l’Europe, un long processus de privatisation des transports publics a commencé. Le droit à la mobilité a cédé la place aux lois du marché, à la course aux profits. Des attaques ont été portées contre la qualité du service, sa sécurité et, bien sûr, contre les conditions de travail des salariés de ce secteur.
L’exemple italien
L’Italie est un exemple frappant de ce processus. Plus de 35 milliards d’euros ont été investis dans la ligne Turin-Lyon TAV (TGV). Mais à côté de cela, la situation des transports régionaux italiens est désastreuse, du nord au sud du pays : augmentation des tarifs, baisse des fréquences, problèmes de sécurité... Pendant ce temps, le TAV Turin-Lyon est un gouffre financier et un projet inutile – avec un impact négatif énorme sur le plan écologique. Depuis plus de 20 ans, un vaste mouvement réunissant de nombreuses associations – le mouvement « NO-TAV » – lutte contre ce projet. De local, ce mouvement est devenu national.
La démagogie d’Estrosi
En France, la privatisation rampante des transports publics mène au même type de situations. On le voit clairement dans le cas de la région PACA.
Le Collectif des Cheminots Communistes de la région PACA rapporte que lors de la réunion du Conseil Régional du 24 juin dernier, son président, Christian Estrosi, a présenté un rapport concernant l’avenir du Service Public Ferroviaire Régional. Il s’est appuyé sur la dégradation de la qualité des transports publics pour déclarer que la SNCF n’était pas à la hauteur des enjeux de mobilité de notre territoire – et pour en faire porter la responsabilité aux cheminots, qui selon lui feraient trop de grèves. En conséquence, Estrosi propose de « développer une offre alternative au TER, pérenne et performante, s’appuyant sur des services routiers » et d’étudier « les possibilités qu’offre le caractère transfrontalier de notre région ». Ainsi, les mêmes qui détruisent le service public s’appuient sur ses déficiences pour promouvoir sa privatisation.
Estrosi entend bien utiliser la loi Macron, reflet de la volonté de la classe dirigeante : il exige la privatisation massive du transport public au profit d’une poignée de propriétaires, businessmen en tous genres, qui nous font subir l’austérité et la précarisation du travail. Cela s’accompagne déjà d’une dégradation des conditions de transport pour les usagers. Les « trains du quotidien » subissent le frein de l’austérité, leur usage est dévalué au profit d’autres projets de la direction régionale. C’est le cas de la Ligne Grande Vitesse (LGV PACA, rebaptisée Ligne Nouvelle – PACA), qui consiste à relier Paris à Nice en 4 heures, en passant par Toulon, un projet imposé depuis 2008.
Loin de répondre aux besoins de transports de qualité que sont en droit d’attendre les usagers de la région, les propositions d’Estrosi consistent en un transfert du fer vers la route, une ouverture à la concurrence et un service « lowcost » qui va dynamiter le service public ferroviaire. Dans le rapport concernant l’adaptation du service 2016 pour les TER, on constate une forte réduction du plan de transport. Christian Estrosi entérine une diminution de la commande régionale de 67 988 km/trains, soit près de 85 TER supprimés par jour sur 540 en circulation sur l’ensemble du territoire régional (plus d’un sur sept). Ces trains du quotidien ne constituent pas la priorité des capitalistes ; de nouveaux marchés sont mis en avant pour satisfaire leur soif de profits.
L’impact de la Ligne Nouvelle-PACA
La Ligne Nouvelle-PACA en est le reflet. Le projet est tout simplement inacceptable : disparition de terres (1500 hectares), massacre de sites à forts enjeux écologiques, dommages aux systèmes hydrogéologiques essentiels pour les réserves en eau potable de la région, salinisation des terres agricoles littorales et mise à mal de l’alimentation en eau des villes côtières. Il s’agit d’un projet inutile et très coûteux. En 2005, il était estimé à 5 milliards d’euros. En 2016, l’estimation est passée à 20 milliards d’euros pour 187 km (Toulon-Nice), ce qui en fait le projet le plus cher au monde ! Il n’a aucune utilité pour les habitants, les viticulteurs, les vignerons, les jeunes ou toute personne en situation précaire. Ils seraient condamnés à « regarder passer » un train qui va très vite d’une métropole à une autre. Et ils en paieraient les frais dans tous les sens du terme : en argent, en pollution visuelle et sonore, en saccage des terres agricoles, avec des conséquences désastreuses sur les conditions de vie.
Nous voulons des trains du quotidien pour aller à l’école ou en faculté, aller travailler, nous rendre à l’hôpital, faire du tourisme. Il faut répondre aux besoins réels des usagers avec des TER à cadence correcte, améliorer les conditions de travail et la planification du transport ferré public. Les voies existantes doivent être rénovées, les ressources en eau et les terres agricoles préservées.
Les cheminots sacrifiés
En région PACA, où le réseau est vieillissant et nécessite de gros travaux de rénovation, les cheminots subissent de multiples attaques de leur direction : fermeture de gares, de guichets, de boutiques SNCF, d’ateliers de réparation et d’entretien ; dégradation des conditions de travail et des possibilités d’évolution au sein de l’entreprise… Sur le terrain, la direction de la SNCF met en place des « audits » (environ tous les deux ans) pour identifier les dysfonctionnements, mais ne donne pas les moyens aux cheminots d’y remédier, ce qui augmente les risques de déraillements ou de collisions de trains.
En avril 2014, une enquête ASNO (Audit de Sécurité National Opérationnelle) révélait des problèmes importants en termes de sécurité de circulation dus au mauvais entretien des voies et des caténaires, en région PACA. Cet audit pointait du doigt la surveillance des installations de sécurité : « de nombreuses anomalies sont constatées et ne sont pas traitées faute d’effectifs suffisants ». Un agent de voirie nous faisait remarquer : « avant, nous faisions beaucoup plus de préventif que de correctif ; aujourd’hui, c’est tout le contraire ». La direction n’embauche plus, anticipant la nouvelle organisation du travail. Elle diminue les effectifs et fait appel à la sous-traitance pour l’entretien et la sécurisation des voies. Elle n’a que faire de la qualité du travail et du savoir-faire des cheminots.
Après le volet consacré à l’organisation et à l’aménagement du temps de travail, qui était en discussion dernièrement, le prochain grand volet de la convention collective nationale des cheminots portera sur la classification des métiers. Elle abordera – entre autres – la polyvalence et la grille salariale. La direction veut créer un « grand métier » regroupant la SUGE (police ferroviaire), les agents d’escales (agents de gares) et les contrôleurs. Un conducteur témoigne : « s’il y a un incident sur la ligne, je devrais à la fois détecter la panne, la réparer et m’assurer de la sécurité des voyageurs... Impossible ».
En 2015, sur la région PACA, 18 % des trains affichaient des retards. 4 % d’entre eux étaient supprimés. Peu d’informations circulent auprès des usagers sur ces problèmes. La suppression de postes d’agents de gares se répercute sur les conditions de transport et de renseignement. Lors d’incidents (retards ou suppressions de trains), les usagers se retrouvent entassés sur les quais, voire bloqués dans leur train, avec très peu d’informations.
Bien que la qualité de service des TER en région PACA se dégrade, leur utilisation ne fléchit pas dans une région où les autoroutes sont surchargées autour des grandes villes. Sur 16 lignes et plus de 1000 kilomètres de voies reliées à 145 gares, plus de 100 000 usagers sont transportés quotidiennement. La volonté du gouvernement et de la direction de la SNCF est claire : continuer à fermer les guichets, les lignes et les ateliers pour faire disparaître une des dernières grandes entreprises du service public, au profit du privé. Nous devons lutter – syndicats de cheminots et associations d’usagers – pour des réponses sociales efficientes et pour un service public de qualité. Les négociations de la prochaine convention collective en seront l’occasion.