Altran est une société de sous-traitance en ingénierie informatique et industrielle. Elle fournit des ingénieurs et des techniciens (appelés « consultants ») qui interviennent directement dans les équipes de gros donneurs d’ordre, comme Airbus. En France, Altran compte environ 10 000 salariés, dont 2200 sur Toulouse. Les gros donneurs d’ordres demandent en permanence des réductions de coût à leurs sous-traitants. Elles se font toujours sur le dos des salariés de ces boites, qui fournissent de la main-d’œuvre flexible et corvéable.
En 2016, le résultat net d’Altran a augmenté de 22 % par rapport à 2015, pour un chiffre d’affaires dépassant les 2 milliards d’euros. La direction a proposé d’augmenter les dividendes aux actionnaires de 26 %.
Altran maximise l’exploitation de ses « consultants » par différents moyens. Conséquence : l’entreprise connait un turn-over de ses salariés très important, jusqu’à 25 % par an. Les salaires d’embauche pour des ingénieurs peuvent tomber assez bas : aux alentours de 2100 euros bruts mensuels (1600 nets). Les salaires de base n’évoluent pratiquement pas : environ 1% par an. Les femmes sont payées 6 % de moins que les hommes. Il y a sans cesse des sanctions disciplinaires, notamment contre les salariés en « intercontrat » – ou encore des injonctions de signer un avenant de transfert de société sur fond de menaces à la mobilité géographique.
Périodes d’essai abusives
Altran n’hésite pas à utiliser les périodes d’essai de manière abusive. Quand un ingénieur est recruté en CDI, son contrat stipule systématiquement une période d’essai de 4 mois, renouvelable pour 3 mois. Il peut donc avoir une période d’essai de 7 mois. Parfois, Altran en profite pour envoyer le « consultant » sur une ou deux missions de courte durée (moins de 7 mois au total), puis renvoie le salarié au chômage. Par exemple, un consultant est embauché par Altran pour travailler chez un client sur Toulouse, puis le client n’ayant plus besoin de lui, on lui propose de l’envoyer à Bordeaux sur une autre mission, pendant sa période d’essai. La mission se prolongeant, on lui propose de renouveler sa période d’essai pour trois mois. Il n’a pas d’autre choix que d’accepter. La mission s’arrête avant les 7 mois de période d’essai – et le salarié est alors renvoyé au chômage. C’est tout bénef pour l’employeur : pas de justification, pas d’indemnités de licenciement, pas de prime de précarité.
Heures supplémentaires non payées
Pendant des années, la direction d’Altran a fait travailler des milliers de salariés sans leur payer leurs heures supplémentaires. Elle imposait un forfait hebdomadaire conventionnel de 38h30 (souvent dépassé), sans respecter les contreparties de la convention collective. Selon Loïc Deschamps, délégué syndical central CGT, « ils n’ont pas respecté la rémunération minimale associée nécessaire pour que les ingénieurs travaillent 10 % de plus ». Par exemple, sur un salarié qui gagne 32 000 euros par an, Altran faisait des économies en ne payant pas les heures comprises entre 35h et 38h30, soit, sur trois ans, 13 200 euros que le salarié aurait dû toucher.
Après des années de bataille juridique, Altran a été condamné par le Conseil de Prud’hommes de Toulouse à verser près de 6 millions d’euros de rappels de salaire à près de 300 salariés. Cela fait plus de deux ans que la CGT Altran gère plus de 1000 dossiers similaires. Des salariés subissent des pressions pour se retirer des procédures juridiques. Bien sûr, Altran n’est pas seul concerné, car, selon la CGT, « les entreprises de la branche usent et abusent des heures supplémentaires non payées ».
Répression et harcèlement anti-syndical
Evidemment, le combat que mènent les militants syndicaux pour faire respecter les droits des salariés ne plait pas à la direction. Les militants sont régulièrement convoqués à des entretiens préalables à licenciement. Depuis 2012, huit délégués syndicaux (CGT, FO et SUD) ont subi une tentative de licenciement. Elles ont été systématiquement refusées par l’inspection du travail, mais cela génère beaucoup de stress pour les salariés, et les oblige à consacrer beaucoup de temps à préparer leur défense.
Selon la CGT, les affichages d’information des délégués du personnel (DP) sont systématiquement arrachés. Les droits d’alerte des DP ne sont pas pris en compte. Lors des réunions avec les DP, la direction apporte des réponses fallacieuses. Pire, chaque réunion avec les élus devient l’occasion, pour la direction, d’émettre des accusations calomnieuses contre les représentants du personnel, qui reçoivent d’innombrables courriers en ce sens. Certains ont dû porter plainte au commissariat.
Quand les délégués syndicaux organisent des Assemblées générales de salariés, ils y trouvent régulièrement un ou plusieurs représentants de la direction qui viennent avec huissier et vigiles. La direction d’Altran Sud-Ouest notifie des avertissements contre les syndicalistes qui ont tenu l’AG...
Tout ceci constitue des formes d’entraves au fonctionnement des Instances Représentatives du Personnel. Ces comportements ont été favorisés par la loi Macron de 2015, qui a retiré toute peine de prison pour ces entraves.
La direction d’Altran, cependant, continue de demander aux salariés de montrer l’intérêt qu’ils portent à l’entreprise !