On reconnaît le degré de civilisation d’une société à la manière dont elle traite ses personnes âgées. La société capitaliste leur réserve un traitement d’autant plus inhumain qu’elles sont dépendantes. La pauvreté des personnes âgées s’aggrave d’année en année. Aujourd’hui, plus de 10 % des plus de 75 ans sont pauvres.
Dans les maisons de retraite, qu’elles soient publiques ou privées, le manque de moyens s’aggrave sans cesse, provoquant des situations de maltraitance. Les personnels soignants de ces établissements – essentiellement des femmes – s’alarment de cette situation et commencent à se mobiliser. Les salariées des EHPAD se mobilisent de plus en plus contre leurs conditions de travail précaires et harassantes, mais aussi contre les conditions de vie des patients dont elles s’occupent. Ce fut le cas, par exemple, des salariées de l’EHPAD des Opalines, dans le Jura, qui ont engagé un mouvement de grève au printemps dernier.
Quinze minutes par résident
Elles dénonçaient les sous-effectifs et, en conséquence, l’impossibilité de faire correctement leur travail. Les témoignages de ces salariées sont éloquents : « Le soir, vous rentrez chez vous et vous pleurez. Vous avez honte de vous ! » ; « Nous sommes huit par jour – et seulement deux, la nuit – pour nous occuper de 77 résidents. En cas d’absence d’une collègue, ce qui peut arriver jusqu’à cinq fois par semaine, c’est une journée de 10h30 assurée. Nous sommes toutes conscientes d’être au bord du burn-out » ; « Nous avons une pause d’une demi-heure par jour. Mais en réalité, il est très difficile de la prendre » ; « On se bat en premier lieu pour le bien-être des résidents. Mais on dispose chaque jour de seulement quinze minutes par résident pour le lever, faire sa toilette, lui donner ses médicaments, l’aider à prendre son petit-déjeuner et l’habiller ».
Au mois de juillet, après 117 jours de grève, elles ont fini par obtenir une victoire partielle : une prime annuelle de 450 euros et l’embauche de deux aides-soignantes supplémentaires.
Au mois d’octobre, les salariées de l’EHPAD de la Chênaie, près de Toulouse, se sont mobilisées dans la grève, elles aussi. Comme dans tous les EHPAD, les personnes âgées sont de plus en plus dépendantes, voire grabataires. Or les salariées n’ont pas suffisamment de moyens, ce qui a des répercussions sur la prise en charge des patients. Elles sont seulement dix aides-soignantes, au total, pour 60 résidents, plus deux infirmiers et l’équipe hôtelière. Et parce qu’elles n’ont pas le temps de bien s’occuper des patients, elles ne peuvent que constater la maltraitance qui leur est infligée, malgré elles.
Quant à direction de l’EHPAD, à part réorganiser les plannings, elle ne fait rien pour améliorer les choses, « rendement » oblige, alors qu’il faudrait un minimum de deux agents de soins supplémentaires par équipe.
La direction de cet EHPAD s’est fermement opposée aux revendications des salariées grévistes. Elle a même fait venir des salariées d’autres établissements pour casser la grève. Elle a déclaré que la grève était illégale, car les salariées n’avaient pas déposé de préavis de grève cinq jours à l’avance, comme c’est la règle dans le public. Or cet EHPAD est une société privée... La direction a même demandé à Radio Mon Païs de ne plus donner la parole aux salariées !
Soutenues par les familles des patients, les salariées ont quand même réussi à arracher des concessions : la subrogation en cas de congé maladie, 150 euros de prime de Noël et 30 euros mensuels de prime de pénibilité. Seuls deux jours de grève sur dix ont été payés.
Nationalisation !
Les luttes des salariées des EHPAD sont exemplaires. Elles soulignent la nécessité de traiter en profondeur la situation dramatique qui existe dans ces établissements, à l’échelle nationale. Les promesses des gouvernements successifs ne sont jamais tenues ; le cauchemar de la dépendance continue ; elle est même devenue une importante source de profits.
Des moyens suffisants doivent être dégagés pour assurer le maintien à domicile, en accord avec le patient. Les maisons de retraite privées, tout comme les cliniques, doivent être nationalisées – sous le contrôle des salariés – et intégrées au service public. C’est ce qui permettra de bien planifier la répartition des chambres, et ce du foyer de retraités jusqu’à la maison de retraite médicalisée.
Un plan d’embauche doit être mis en place pour mettre un terme au sous-effectif chronique. Les institutions dédiées aux personnes âgées devraient être repensées, avec pour objectif d’offrir des conditions de vie dignes à nos anciens. Un trop grand nombre de personnes âgées finissent leur vie dans la maltraitance, l’ennui et la solitude. A l’inverse, une société socialiste les dispensera de l’obligation de travailler, bien sûr, mais leur donnera aussi la possibilité de s’investir dans des projets collectifs et, ainsi, d’enrichir la société de leur expérience.