Révolution a interviewé un ouvrier délégué CGT de l’usine PSA de Saint-Ouen (93), qui est menacée de fermeture. Peu après cet entretien, un accord actant la fermeture d’ici 2021 a été signé par certains syndicats majoritaires chez les cadres et techniciens. La direction du groupe a décidé de procéder à une « rupture conventionnelle collective », comme le permettent les ordonnances Macron sur le Code du travail. La CGT, majoritaire chez les ouvriers, dénonce les garanties insuffisantes pour l’emploi et appelle les salariés à poursuivre la lutte et à ne pas quitter le groupe. En parallèle, PSA vient d’annoncer vouloir fermer également le site historique de la famille Peugeot à Hérimoncourt près de Sochaux (528 salariés).
Pourquoi la direction de PSA veut-elle fermer l’usine de Saint-Ouen ?
Cette usine existe depuis un siècle et demi. Aujourd’hui, on est spécialisé dans l’emboutissage. On fournit des pièces automobiles à d’autres usines du monde entier. Pourtant, la direction de PSA mène depuis longtemps une politique de fermeture dissimulée. L’usine comptait encore près de 700 salariés il y a 4 ans ; il n’en reste plus que la moitié. Un cabinet de recrutement a été installé dans l’usine pour mener une politique de « décroissance pilotée », en poussant aux départs « volontaires » ou aux recrutements par d’autres employeurs au sein même de l’usine – y compris des emplois précaires chez Mc Donald’s ! Les départs en retraite ne sont pas remplacés. L’objectif était de vider l’usine autant que possible.
Quand l’APHP (Hôpitaux de Paris) s’est manifestée, l’année dernière, pour reprendre le site et y construire son nouvel hôpital « Paris Nord », la direction de PSA a sauté sur l’occasion pour annoncer la fermeture définitive du site. PSA et l’APHP souhaitaient réaliser d’importantes suppressions de postes – en plus d’une juteuse opération immobilière. On va dire qu’ils se sont bien trouvés.
Quelle a été la réaction des salariés et des syndicats ?
Cette fermeture est vécue comme inacceptable. Il y a 324 salariés sur le site : leur avenir est en suspens. Dans le même temps, le groupe PSA a réalisé 3 milliards d’euros de profits, l’année dernière. Les ventes sont en hausse. Le groupe rachète des sites dans le monde entier. Et partout, il supprime des postes et recourt systématiquement aux intérimaires.
La CGT a défendu la nécessité de la grève contre la fermeture – et, en cas de fermeture, pour garantir les postes en CDI et de bonnes compensations financières. Les autres syndicats cherchent à « négocier » directement avec la direction. Mais ces ententes dans le dos des salariés, sans mandat clair, ont accentué leur colère. Les débrayages ont été nombreux. Deux journées de grève ont été organisées en janvier. Mais elles sont difficilement suivies tant qu’on reste isolés et qu’il n’y a pas de stratégie de lutte à l’échelle de tout le groupe.
Avez-vous été soutenus et par qui ?
Oui, on a été soutenus, par la CGT PSA, bien sûr, et par la fédération CGT Métallurgie. Jean-Pierre Mercier, délégué central CGT du groupe PSA, est venu transmettre l’expérience des 3000 travailleurs du site d’Aulnay, qui ont lutté dur contre sa fermeture en 2014. Certains d’entre eux ont été recasés dans notre usine et expliquent eux aussi aux collègues qu’on n’obtient rien sans lutter, qu’il faut rester unis et solidaires.
On a aussi été appuyés par les élus locaux du PCF et de la France insoumise. Le député Eric Coquerel (FI) nous a invités à prendre la parole dans de grandes réunions publiques en Seine-Saint-Denis. Un lien a été établi avec les collectifs organisant les luttes dans le secteur. Par exemple, le nouvel hôpital prévu sur notre site remplacerait deux hôpitaux du Nord parisien, Bichat et Beaujon, en réduisant fortement le nombre de lits et le personnel.
Et les directions confédérales des syndicats ?
Pas de contact. C’est dommage. Martinez (CGT) devrait venir nous aider. Toute la CGT devrait inciter l’ensemble des salariés à étendre la lutte.
Comment le mouvement des gilets jaunes est-il perçu par les salariés ?
Les gilets jaunes veulent vivre dignement de leur travail et dénoncent les injustices. Forcément, on les soutient. Leur mouvement a même changé l’ambiance dans l’usine. Beaucoup disent : « nous qui portons le gilet jaune dans l’usine, on le porte aussi dehors ! » D’ailleurs, nous avons participé collectivement à une manifestation parisienne un samedi.
Face aux menaces de fermetures, Révolution défend le mot d’ordre « nationalisation sous le contrôle des travailleurs » ? Qu’en penses-tu ?
La direction de PSA ne se laisserait pas faire. Elle menace constamment tous les sites de délocalisations et organise déjà le transfert de machines dans des sites plus rentables ou chez des prestataires. Donc pour le moment, c’est compliqué, mais beaucoup de collègues se posent des questions. Ce mot d’ordre pourrait être repris par les salariés à terme si les menaces de fermeture se multiplient dans le groupe.