Tous les travailleurs seront négativement impactés par la réforme de l’assurance chômage que prépare le gouvernement. Mais elle aura un impact spécifique sur les assistantes maternelles, comme sur tous les salariés qui ont des employeurs multiples. Cette réforme prévoit en effet une réduction de l’allocation de retour à l’emploi (ARE) pour les salariés conservant une activité, sous prétexte « d’inciter davantage les personnes à privilégier les revenus d’activité ». Selon la lettre de cadrage publiée fin 2018, il ne serait plus admis que des salariés disposent d’un revenu proche d’une activité à temps plein en cumulant revenus d’activité et allocations chômage.
Pour qu’une assistante maternelle puisse gagner l’équivalent d’un SMIC, elle doit garder plusieurs enfants. Or il est fréquent qu’elle perde la garde d’un enfant suite au déménagement de la famille, à la scolarisation de l’enfant ou à son entrée en crèche. Chaque contrat de garde s’élevant en moyenne à 500 euros, la perte de cette somme doit être compensée en attendant de trouver un nouveau contrat. Les périodes de chômage partiel sont un risque structurel de ce métier. En cas de perte de contrats, le complément d’activité versé par Pôle Emploi est indispensable pour assurer le minimum vital. Aussi la réforme de l’ARE serait-elle dramatique pour cette profession. D’où le mouvement des « gilets roses », qui depuis deux mois organise des rassemblements et participe aux manifestations des gilets jaunes.
Un métier difficile et dévalorisé
Pour vivre décemment, une assistante maternelle doit travailler jusqu’à 50 heures par semaine pour un tarif horaire net qui s’élève, en moyenne, à 3,38 euros par enfant. La profession se caractérise aussi par des horaires atypiques : grandes amplitudes horaires (jusqu’à 12 heures d’affilée), mi-temps, etc. « Il faut savoir qu’on n’a pas droit à la médecine du travail et que si on veut se mettre en arrêt maladie, on a 11 jours de carence », souligne Nathalie, syndiquée CGT à Toulouse. Elle insiste aussi sur le manque de reconnaissance de la profession : « on aimerait bien que notre profession soit plus valorisée. On a l’impression d’être prise pour des fainéantes. En tous cas, c’est le discours qu’on entend chez les politiciens ».
Cette dévalorisation n’est pas étrangère à la nature de la profession et au fait que plus de 99 % des assistantes maternelles agréées sont des femmes. Sous le capitalisme, le travail lié à la petite enfance est largement effectué – par les femmes – dans la sphère privée. Eduquer les enfants, s’occuper d’eux ne serait pas « un vrai travail », mais une activité « naturelle » des femmes. Que cette activité sorte du domaine privé et soit un métier ne change pas la conception qu’en ont les politiciens – et surtout les politiciens de droite.
Comme l’explique Nathalie, les « gilets roses » luttent contre la précarité et de meilleures conditions de vie : « on a nos revendications sur la réforme de l’ARE, la revalorisation des barèmes horaires, donc on se bat pour ça. Mais on se bat aussi pour la même chose que tout le monde : gilets jaunes, roses, verts, tout est lié. Le gouvernement veut faire des économies en allant chercher l’argent chez les plus pauvres. Parfois, ils desserrent le collier qu’on a autour du cou en lâchant des miettes, mais on a toujours le collier autour du cou. La liste des revendications elle est longue, très longue... ».
Service public de la petite enfance
Nathalie craint que la profession finisse par disparaître : « c’est une profession vieillissante et peu attractive, vu le nombre d’heures qu’il faut faire pour avoir un salaire décent ». La réforme de l’assurance chômage aggravera cette situation – et les femmes en seront particulièrement affectées : « les crèches sont déjà bondées, il n’y a plus beaucoup de place. Si en plus il y a moins d’assistantes maternelles, certains parents vont devoir sacrifier leur emploi. Et on sait quels parents font le plus souvent ce choix : ce sont les femmes. »
L’élaboration d’un système de prise en charge des enfants et de la petite enfance devrait être une préoccupation centrale dans une société moderne. Actuellement, la France manque de crèches, et Nathalie explique que l’ouverture de ces dernières peut se faire au détriment des assistantes maternelles, les deux modes de garde se partageant le même « marché » ! Pour Révolution, des investissements massifs dans ce secteur (construction de crèches, recrutement de professionnels rémunérés à hauteur de leurs compétences), couplés à une organisation rationnelle des différents modes de garde, permettraient de poser les bases d’un vaste système de service public gratuit de prise en charge de la petite enfance. Ce service public jouerait un rôle central dans la promotion d’une réelle égalité femmes/hommes. La cellule familiale pourrait ainsi s’appuyer sur l’aide de la collectivité dans le domaine de la prise en charge des enfants.