Mercredi 14 octobre, les salariés de Blizzard France ont démarré une grève contre la décision de l’éditeur de jeux vidéo de fermer ses bureaux en France, situés à Versailles.
Au total, ce sont 285 travailleurs qui perdraient leur emploi. « Parmi nous, certains ont 30 ans de bons et loyaux services et pourraient être confrontés à d’importantes difficultés pour retrouver un emploi », précise le tract publié par l’intersyndicale constituée des syndicats CGT, SPECIS-UNSA et CFE-CGC, qui appellent à la grève et à la mobilisation pour empêcher les licenciements et la fermeture du site.
Les syndicats dénoncent le plan d’ensemble de l’entreprise, qui tente de supprimer un maximum de postes depuis 2 ans. Déjà en 2019, Activision-Blizzard avait licencié 8 % de ses effectifs dans le monde, soit 775 salariés.
La multinationale est pourtant loin de connaître des difficultés. Après la fusion des firmes Activision (Call of Duty) et Blizzard (World of Warcraft, Hearthstone), le groupe est devenu le leader mondial du jeu vidéo, détenant tous les records en termes de dividendes.
L’entreprise ne connaît aucun problème financier, en 2018, année précédant la vague de licenciements, elle venait d’obtenir le plus gros chiffre d’affaires de son histoire, un gigantesque 7,5 milliards de dollars, pour un bénéfice net de 1,8 milliard. Une situation déjà dénoncée à l’époque par le syndicat Sud Solidaires Blizzard : « Activision Blizzard King est une société aux finances solides : une marge opérationnelle équivalente à l’industrie du luxe », « un endettement net négatif et une distribution de dividendes en progression à la fois sur 2018 et en prévision sur 2019 ».
Cerise sur le gâteau, en 2019, le groupe avait offert à son nouveau directeur financier un chèque de 15 millions de dollars en guise de cadeau de bienvenue. Pendant que les salariés sont mis à la porte, les dirigeants et les actionnaires de Blizzard se portent bien. Selon un rapport de la commission américaine de Sécurité et d’Echanges (SEC), le PDG d’Activision-Blizzard aurait obtenu près de 100 millions de dollars sous forme d’actions, rien que dans les quatre dernières années.
La firme a même pu profiter de la crise du COVID pour s’enrichir encore plus, comme le précise l’intersyndicale : « Ce projet de fermeture de la société censé préserver la compétitivité du groupe, pourtant leader du secteur est d’autant plus incompréhensible que le secteur du jeu vidéo est l’un de ceux qui a le moins souffert de la crise sanitaire et a même profité des périodes de confinement pour accroître significativement ses revenus. »
Finalement, pour parvenir à ses fins, l’entreprise semble avoir recours au harcèlement de ses employés. Les syndicats dénoncent un climat dangereux pour les salariés : « La direction a ainsi dégradé le climat de travail à tel point que les risques psychosociaux ont dangereusement augmenté, ce qui a conduit l’inspection du travail à intervenir et le CSE à déclencher, en 2020, une expertise et un droit d’alerte. »
Face à la résistance des salariés, Blizzard a déjà été forcé d’abandonner plusieurs projets de licenciements, comme celui qui devait renvoyer 133 employés de Blizzard France (soit 30 % des effectifs) en 2019, celui-ci ayant été annulé par le tribunal sous la pression des syndicats.
Ces victoires représentent beaucoup pour les travailleurs du jeu vidéo. Il s’agit d’une industrie très jeune, où les conditions de travail sont particulièrement difficiles. Les salariés du secteur sont des passionnés qui ont à cœur de produire de bons jeux. Les capitalistes en profitent pour justifier des cadences et des horaires hallucinants. Pour le développement du jeu Red Dead Redemption 2, le studio Rockstar a imposé à ses employés des heures supplémentaires jusqu’à atteindre les 100 heures de travail par semaine. Il s’agit du « crunch », une pratique répandue dans l’industrie qui consiste à augmenter drastiquement les heures supplémentaires pour respecter la date de sortie d’un jeu, et ce au détriment de la santé des salariés.
Dans ce contexte, les travailleurs ont commencé à s’organiser. Les premiers syndicats se sont formés il y a quelques années et des sections sont apparues dans de nombreuses entreprises phares de l’industrie. La fermeture de Blizzard France n’est qu’un exemple parmi d’autres. Partout les salariés sont amenés à lutter contre une gestion qui a pour seul objectif l’augmentation des profits des actionnaires. Ce sont les travailleurs qui font vivre cette industrie, et ce sont les seuls à connaître les effectifs, les conditions de travail et tout ce dont elle a besoin pour fonctionner. C’est à eux que devrait revenir la direction des firmes comme Activison-Blizzard. Débarrassée de la course aux profits, l’industrie du jeu vidéo pourrait se développer pleinement et la passion libérée des travailleurs se traduirait en une explosion de la qualité de la production de jeux.