Selon l’Insee, l’aéronautique a perdu 5800 salariés dans le Grand Sud-Ouest entre janvier et septembre 2020. A cela s’ajoutent les nombreux plans de licenciements dont la menace plane sur des milliers de salariés. Pour faire le point sur cette situation, nous avons interrogé Robert Amade, délégué syndical à Capgemini et membre de la coordination CGT de la filière.
Quelle est la situation actuelle dans l’aéronautique ?
Si on écoute le discours du patronat, c’est une catastrophe. Or, il y a une crise du trafic aérien, bien sûr, mais pas de la construction. Les commandes d’avion n’ont baissé que de 4 %. On est passé d’environ 7400 à 7100 avions : c’est 10 ans de production assurée. Je n’appelle pas ça une crise ; il y a du travail à faire.
Mais Airbus profite de la crise du trafic aérien pour restructurer la filière. Leur objectif, c’est surtout de délocaliser pour faire des économies et augmenter leurs profits. Airbus est le donneur d’ordre et ses décisions menacent toute la filière. Tous les salariés du secteur sont dans le même bateau. Plusieurs centaines de postes sont menacés à Akka Technologies, 246 à Latécoère, 220 à Figeac Aéro…
A T-Systems, c’est carrément tout le site qui va fermer. Airbus délocalise la sous-traitance pour faire des économies. Les 44 salariés de l’entreprise se retrouvent sur le carreau.
En plus de ça, le patronat veut faire reculer les droits des salariés. Dans la métallurgie, par exemple, des négociations sont en cours avec les syndicats pour que les conventions collectives ne soient plus liées à la personne, mais au poste.
Pourtant, l’argent est là. Par exemple, Capgemini est passé de la 31e à la 14e place du CAC 40. En 2020, la direction a versé 300 millions d’euros de plus qu’en 2019 en dividendes et rachat d’actions. Les grands patrons continuent de distribuer des milliards aux actionnaires – et, dans le même temps, ils suppriment des postes. On voit bien que la crise n’est qu’un prétexte.
Comment se passe la lutte contre les suppressions de postes ?
A T-Systems, la lutte est là. Les salariés sont très motivés ; ils n’ont plus rien à perdre. On peut sauver les emplois si on se mobilise. Avec la CGT, on va continuer à se battre auprès des salariés.
Le problème, c’est que tout le monde est en télétravail, donc le collectif est cassé. C’est beaucoup plus difficile d’organiser la lutte dans ces conditions. En plus, avec les menaces de licenciements et le contexte de crise, pas mal de gens ont peur. Et puis l’aéronautique n’est pas un secteur qui a l’habitude de se mobiliser. Mais la CGT essaye de sensibiliser les salariés, en distribuant des tracts, en leur faisant comprendre la nécessité de se battre ensemble pour sauver nos emplois.
Mais en tant que syndicat, la CGT est un peu seule et c’est bien dommage. FO est majoritaire chez Airbus, mais elle ne fait rien pour le reste de la filière. Par ailleurs, le rôle d’un syndicat n’est pas de valider les plans de la direction ! Tous les syndicats devraient s’emparer de ces questions. On doit relever la tête, montrer aux salariés qu’on n’a pas encore perdu. En tout cas, la CGT n’a pas été créée pour acter des suppressions de poste.
Le programme de Révolution :
Pour la nationalisation du secteur !
Le patronat de la filière aéronautique procède à une casse sociale systématique à travers des plans sociaux, parfois déguisés (APC, etc.), et ce malgré les milliards d’euros de soutien que l’Etat distribue aux grandes entreprises.
Les carnets de commandes sont pleins, mais la crise aggrave la concurrence. Le secteur est en train de se restructurer pour rester compétitif. De son côté, l’Etat est complice de cette restructuration : via la Banque Publique d’Investissement, le gouvernement finance Airbus, Thalès, Dassault et Safran pour les aider « à investir et à se concentrer ». En clair, il aide les gros capitalistes à faire de la casse sociale. Par exemple, les avionneurs exercent une pression sur leurs sous-traitants – et décident lesquels vont vivre et lesquels vont mourir.
Les salariés de l’aéronautique, qu’ils soient chez Airbus ou chez des sous-traitants, participent tous à l’élaboration d’un même produit. Depuis la privatisation d’Aérospatiale (aujourd’hui Airbus), en 1999, les intérêts des actionnaires entrent en contradiction avec l’avenir industriel de la filière. Non seulement ils soumettent les salariés à une concurrence de plus en plus féroce (et les précarisent, au passage), mais en plus ils menacent leurs emplois. Les différents actionnaires choisissent de saboter la pérennité de l’outil industriel pour maximiser les profits à court terme. Pour Révolution, il faut impérativement renationaliser l’industrie aéronautique, y compris les sous-traitants, et placer l’ensemble sous le contrôle et la gestion démocratiques des salariés.