Plusieurs départements et territoires d’outre-mer sont le théâtre d’une mobilisation de grande ampleur contre « la vie chère » et l’application de l’obligation vaccinale. Depuis son commencement en Guadeloupe il y a bientôt deux semaines, cette grève est la cible d’une intense campagne de propagande de la part du gouvernement et des médias bourgeois, qui focalisent l’attention sur les violences nocturnes et sur les cas isolés de pillages. Ils espèrent dissimuler l’ampleur de la mobilisation derrière des images de voitures brûlées.
Le gouvernement a choisi la voie de la répression. Le ministère de l’Intérieur a envoyé en urgence des renforts de gendarmes, mais aussi le GIGN et le RAID. Comme l’a fait remarquer un dirigeant de l’UGTG (le principal syndicat de Guadeloupe), le gouvernement est plus rapide quand il s’agit d’envoyer des gendarmes réprimer le mouvement ouvrier dans les DOM-TOM que quand il s’agissait d’y expédier des bouteilles d’oxygène pendant le pic de la pandémie. D’une façon typiquement macroniste, Castex a annoncé lundi la création d’une « instance de dialogue », sans dire de qui elle serait composée, ni sur quoi allait porter exactement le « dialogue » en question. Par contre, le gouvernement a été beaucoup plus précis lorsqu’il a annoncé l’instauration d’un couvre-feu nocturne strict sur l’ensemble de l’île, jusqu’à nouvel ordre. Pour l’instant, cette répression n’a eu aucun effet et le mouvement, commencé en Guadeloupe, s’est étendu à la Martinique, puis à la Polynésie française.
Des territoires abandonnés par l’impérialisme français
Lancée d’abord par les personnels soignants, cette mobilisation s’est très vite étendue à de nombreux secteurs de Guadeloupe : éducation nationale, restauration, pompiers, etc. Des barrages ont été installés par les grévistes sur les principales routes de l’île, tandis que des piquets de grève se positionnaient devant le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre. La répression féroce menée par la police a provoqué des affrontements violents qui ont fait plusieurs blessés. Lundi, ce fut au tour des syndicats de Martinique d’appeler à la grève générale. Ils ont été rejoints mercredi par ceux de Polynésie. La mobilisation y a globalement pris les mêmes formes qu’en Guadeloupe, jetant le gouvernement sur la défensive.
La rapidité avec laquelle le mouvement a pris et s’est étendu n’est pas surprenante. Elle est le reflet de la situation désastreuse dans laquelle l’impérialisme français maintient ces territoires. La misère y est endémique, avec un taux de pauvreté deux à cinq fois plus élevé qu’en métropole. Les services publics et les infrastructures y sont à l’abandon.
L’exemple de la Guadeloupe est éclairant : l’investissement public par habitant n’y représente que 60 % de son équivalent pour la métropole. Cet abandon a des conséquences tragiques. La mortalité infantile est passée de 7,8 ‰, en 2000, à 9,9 ‰ en 2012, alors qu’en métropole elle passait de 4,4 ‰ à 3,3 ‰. Par ailleurs, faute de canalisations en bon état, près de 61 % de l’eau potable de l’île se perd dans des fuites diverses. Les coupures d’eau sont quotidiennes. Et quand elle finit par arriver au robinet, l’eau est très souvent contaminée au chlordécone – et donc imbuvable. Ce pesticide très toxique a été employé massivement par l’industrie bananière jusque dans les années 1990, avec la complicité des services de l’Etat, et a durablement contaminé l’environnement guadeloupéen. Ce sont aujourd’hui les habitants qui en paient le prix, notamment sous la forme d’une explosion du nombre de cancers liés à ce pesticide.
Avec la pandémie de Covid, l’abandon a été encore plus manifeste : il a fallu attendre le mois d’août 2020 pour que des réserves d’oxygène médical soient envoyées en Martinique. Le même problème s’est reposé un an plus tard : en août 2021, le CHU de Martinique manquait à nouveau d’oxygène.
Il faut une mobilisation de solidarité !
Contrairement à la propagande gouvernementale qui présente les grévistes comme des hordes de pillards menés par des complotistes anti-vaccins, c’est bien cette situation sociale désastreuse qui explique l’explosion de la grève générale. C’est ce que résume un gréviste guadeloupéen interrogé par Radio-France : « La première cause, c’est l’eau et la vie chère, et après le vaccin ». L’obligation vaccinale fait planer la menace de licenciements de masse dans des territoires déjà lourdement frappés par le chômage. En 2018, le taux de chômage officiel était de 14 % en Polynésie française, de 18 % en Martinique et de 23 % en Guadeloupe (contre 8 % en métropole).
Le capitalisme n’offre aucune perspective d’amélioration aux travailleurs de ces territoires. La bourgeoisie française les utilise pour ses politiques impérialistes. Par exemple, la Polynésie est devenue un point d’appui stratégique de l’impérialisme français face à la Chine ; il exploite les ressources immenses des Zones Economiques Exclusives que lui procurent ces restes de son empire colonial (pêche, gisements offshore, etc.). Dans le même temps, la bourgeoisie française maintient les populations locales dans la misère et réduit les dépenses publiques au minimum. Dans un contexte de crise économique mondiale, alors que de nouvelles politiques d’austérité sont à l’ordre du jour, les travailleurs des DOM-TOM vont être encore plus durement frappés.
Leur lutte est aussi la nôtre. Ce sont les mêmes capitalistes qui sèment la misère dans les DOM-TOM et en métropole, ce sont les mêmes politiciens bourgeois qui imposent l’austérité à Paris et à Pointe-à-Pitre. La victoire du mouvement de grève des DOM-TOM serait une défaite pour Macron et pour le capitalisme français, ainsi qu’un encouragement à la lutte pour les travailleurs de métropole. Il est du devoir du mouvement ouvrier français de soutenir activement cette mobilisation. Pour commencer, la gauche et le mouvement syndical doivent urgemment organiser une mobilisation de masse, en métropole, en solidarité avec la lutte de nos frères et sœurs des DOM-TOM. La lutte des travailleurs des DOM-TOM est notre lutte ! Leur victoire sera aussi notre victoire !