Le secteur hospitalier subit une régression généralisée depuis des années : suppression de lits et de postes, fermetures d’établissements, dégradation des conditions de travail, etc. Le projet de fermeture des hôpitaux Bichat et Beaujon en est un bon exemple.
Bichat et Beaujon sont deux hôpitaux de l’AP-HP [1] situés respectivement à Paris (18e) et Clichy. Ensemble, ils couvrent une grande partie du nord parisien et cumulent plus de 1300 lits de médecine, de chirurgie et d’obstétrique. Leur fermeture programmée fait partie d’un projet plus large : la fusion des deux hôpitaux en un grand centre hospitalier et universitaire, au nord de Paris. Pour construire ce centre, l’AP-HP a acheté à un groupe privé, Stellantis, un site de 7,2 hectares à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). L’ensemble du projet coûterait 1,3 milliard d’euros et serait parachevé en 2028.
Fusion… et régression
Pour défendre ce projet, les sommets de l’Etat et de l’AP-HP avancent des arguments pleins d’enthousiasme : un nouvel hôpital en Seine-Saint-Denis (93), le département le plus pauvre de la France métropolitaine, n’est-ce pas une excellente nouvelle ? Un hôpital neuf remplaçant deux établissements vétustes et amiantés, n’est-ce pas formidable ?
Problème : ce projet aurait pour conséquences de saccager à la fois l’emploi et l’accès aux soins. En effet, le nouvel hôpital devrait avoir une capacité de 800 à 1000 lits, soit 300 à 500 lits de moins que Bichat et Beaujon réunis. Par ailleurs, quelques 1000 postes de personnels seraient supprimés.
Concrètement, cela signifierait une division par deux du nombre de lits dans des services tels que l’hépato-gastro ou la maternité, le tout dans une zone géographique en pleine expansion démographique et où la pénurie de lits hospitaliers est déjà un grave problème.
L’accès aux soins sera aggravé par la fusion, sur un seul site, de deux sites couvrant des zones différentes du nord parisien : le nord des Hauts-de-Seine (92) pour Beaujon, le 18e arrondissement de Paris et la Seine-Saint-Denis pour Bichat. Pour les habitants de cette zone extrêmement dense, démographiquement, cela entraînera de facto une diminution de la proximité des soins.
Les gouvernements successifs et la direction de l’AP-HP balayent d’un revers de main ces considérations et, pour noyer le poisson, insistent sur la vétusté des deux sites menacés de fermeture. Personne ne conteste cette vétusté. Mais ni les habitants du nord de Paris, ni le personnel de ces hôpitaux n’en sont responsables ! Mais surtout, leurs rénovations et la construction de nouveaux hôpitaux sont possibles sans infliger de régression sociale. Des rénovations de services ont d’ailleurs été réalisées à Beaujon, ces dernières années, et des élus de gauche proposent la construction d’un nouveau bâtiment à Saint-Ouen, pour compenser une perte de lits entraînée par de longues rénovations.
Travailleurs et population mobilisés
Depuis son annonce, il y a près de dix ans, ce projet suscite la contestation des premiers concernés : le personnel et la population locale. Les syndicats de Bichat et de Beaujon sont mobilisés. Des comités de défense des deux hôpitaux ont été créés ; ils réunissent syndicats, partis et habitants des zones touchées. Une pétition s’opposant au projet a déjà réuni des dizaines de milliers de signatures.
Lors d’un rassemblement organisé le 25 mai dernier, un infirmier syndiqué à la CGT nous décrivait la situation : « Le 20 mai, à Clichy, on était 150 dans la rue – population, syndicats et personnels – pour dire non à la fermeture. On avait demandé que le maire de Clichy, qui soutient le projet, nous rencontre pour discuter. […] L’objectif, c’est de travailler à mobiliser le plus possible. Pour ça il y a énormément de diffusion, de discussions et d’information pour essayer de regrouper les gens. C’est notre travail au quotidien, c’est un travail de terrain, qu’on mène sur les marchés, devant l’hôpital et dans les services, auprès des collègues. On a un taux de syndicalisation qui augmente, et ça c’est plutôt positif. Et dans les mobilisations, on constate qu’il y a de plus en plus de monde. »
Passer à l’offensive
Le cas de Bichat et Beaujon n’est pas isolé. Des projets semblables, tout aussi régressifs, sont en cours dans d’autres départements du pays. Le problème est global – et donc, il faut une réponse globale du mouvement ouvrier, mobilisant les différents secteurs de travailleurs de la santé à l’échelle nationale. Il faut passer à l’offensive : face à la casse systématique de l’hôpital public, au profit des établissements privés, la gauche et le mouvement syndical doivent défendre le mot d’ordre de nationalisation de l’ensemble du secteur hospitalier, sous le contrôle des travailleurs eux-mêmes. Il faut débarrasser la santé publique des logiques de la course aux profits. Cette revendication donnerait à la lutte une perspective positive, qui est aussi la seule permettant de répondre enfin aux besoins du plus grand nombre.
[1] Assistance-Publique des Hôpitaux de Paris