Depuis le 1er février, des salariées en astreinte de nuit d’Onela ont engagé une grève reconductible.
Onela est une société de service d’aide à la personne du groupe Colisée International, créé par le multimillionnaire Patrick Teychenay, qui figure dans la liste des 500 plus grandes fortunes de France.
Nous avons rencontré Bridgette, une travailleuse en grève, qui nous a expliqué les conditions de travail déplorables des salariées d’Onela – et les raisons de cette grève exemplaire.
Exploitation
Le groupe Colisée possède un capital de plus de 131 millions d’euros. Il détient 70 établissements en France, dont de nombreux EHPAD. Son activité d’aide à la personne, dans le cadre d’Onela, est une nouvelle source de profits pour le groupe. Elle est fondée sur l’exploitation sévère que subissent ses salariées au quotidien.
Bridgette est « coordinatrice d’astreinte » en contrat étudiant. Elle doit pallier le manque de personnel les week-ends, les soirs et les jours fériés. Sa mission est de répondre aux appels des bénéficiaires. Son salaire est très faible. « On est toutes des racisées, c’est le personnel que l’agence vise. Le préalable est bac+2, payé seulement 3 centimes de plus que le SMIC, pour un personnel d’astreinte qui sacrifie tous ses temps libres ».
Le siège se situe à Boulogne-Billancourt, mais les 15 salariées de l’astreinte de Bridgette sont déplacées au bon vouloir de la direction. Jusqu’à récemment, elles étaient installées dans l’agence du 11e arrondissement de Paris, qui est dans un état lamentable : « Notre astreinte est isolée et toute petite. Elle fait 65 m² pour 15 personnes. Les sanitaires n’ont jamais fonctionné. On a des câbles électriques dénudés entre les jambes, de la moisissure sur les murs, des rats et des cafards ».
Les coordinatrices sont en proie à des situations de détresse extrême. Pour y faire face, on a promis une formation à Bridgette, mais elle n’en a pas vu la couleur. Les répercussions psychologiques, pour cette jeune étudiante, ne sont pas anodines :
« Ma première semaine, j’ai reçu un appel me disant qu’une dame a fait un AVC, et que les pompiers l’emmènent à l’hôpital. On me dit que son mari n’a pas de pathologie spécifique, mais qu’il ne peut pas rester seul. Je dois envoyer un auxiliaire de vie. Mais dans le même temps, je dois finir de régler les problèmes d’électricité d’un bénéficiaire, ce qui me prend un peu de temps. Les pompiers me rappellent et me disent que le mari a aussi fait un AVC, mais qu’il est vivant. J’ai donc le monsieur au téléphone. J’ai 23 ans, je suis en larmes, et je me confonds en excuses pour avoir tardé à lui envoyer quelqu’un. Il est mort 10 minutes après. Au fond de mon cœur, je me dis que j’ai tué quelqu’un. Je suis marquée à vie ».
La goutte de trop
Des années d’exploitation ne pouvaient rester sans réponse indéfiniment. Pour maximiser ses profits, le groupe Colisée International ne respecte pas toujours le Code du travail. C’est la goutte de trop pour les salariées de l’astreinte :
« On a accepté l’inacceptable pendant un certain temps. Quatre ans pour ma part. Un jour, on a découvert qu’on travaillait pour trois sociétés différentes avec trois numéros de SIRET différents. Subir cette charge de travail, alors que ce n’est pas dans notre contrat, est inacceptable. On a fait un courrier à notre employeur pour avoir des explications. En guise de réponse, il a ouvert une quatrième société en envoyant tous nos contrats là-bas, pour nous forcer juridiquement à faire le travail des trois autres sociétés. Le contrat a démarré le 1er février, qui fut aussi notre premier jour de grève. »
Grève illimitée
Ce jour-là, 13 salariées sur 15 se sont mises en grève. Seule la responsable n’est pas en grève, ainsi qu’un salarié qui est en cours de régularisation. Depuis, les actions se multiplient. Les travailleuses appellent à des mobilisations devant les EHPAD de Colisée International dans toute la capitale.
Bridgette explique : « On ne se bat pas seulement pour les travailleuses d’Onela, mais pour tous les services d’aide à la personne. Si on arrive à faire tomber Onela, les filles de Petit-fils ou de Shiva se diront qu’elles peuvent le faire aussi. On veut toucher le maximum de travailleurs. Notre employeur, en dehors du salaire, est en train de plier sur tout. Il a commencé les travaux dans l’astreinte, a acheté du matériel, nous promet des tickets restaurant. Mais on n’arrêtera pas tant qu’on n’aura pas tout obtenu ! Seule la grève paie. Pour ma part, c’est ma première grève et je me rends compte des difficultés. Mais sans le rapport de force, rien ne va bouger dans la société. Rebellez-vous, on est plus nombreux qu’eux, il faut se battre ! »