Depuis un an et la lutte contre la réforme des retraites, la répression du mouvement syndical s’intensifie. La mobilisation de nombreux syndicalistes en solidarité avec la Palestine a entraîné une nouvelle vague de répression musclée de la part de l’Etat : arrestations, perquisitions, rassemblements interdits etc.
Dans la dernière période, le patronat a joint ses forces à celles de l’Etat bourgeois pour attaquer les syndicalistes. Deux cas, en particulier, ont fait beaucoup parler d’eux : celui de Christian Porta, délégué syndical CGT chez Neuhauser en Moselle, et celui de Timothée Esprit, lui aussi délégué CGT chez Toray, dans la région de Pau et secrétaire fédéral de la FNIC-CGT (la Fédération des industries chimiques). Tous deux sont passibles de licenciement pour leur engagement.
Deux cas révélateurs
Christian Porta est délégué syndical chez Neuhauser, boulangerie industrielle dans la zone de Fürst, à Folschviller. Rachetée par le géant de l'agroalimentaire InVivo en 2022, l’entreprise produit des millions de viennoiseries et de baguettes de pain pour la grande distribution, notamment Lidl. Premier groupe céréalier français, InVivo est aussi propriétaire de chaînes comme Jardiland et Gamm Vert, et contrôle plusieurs coopératives agricoles : un agriculteur sur deux est dépendant du groupe.
En février de cette année, Christian Porta est mis à pied, accusé de harcèlement moral par la direction des ressources humaines. L’inspection du travail rejette ces accusations et refuse le licenciement : il est clair que l’affaire ne repose sur aucun fait sérieux, mais reflète la volonté de la direction du groupe de se débarrasser d’un militant combatif.
Le délégué syndical est finalement licencié le 23 avril. Les procédures judiciaires qui s’ensuivent donnent raison au syndicaliste, et condamnent Neuhauser. Fin mai, Christian Porta peut réintégrer l’entreprise, mais il est fliqué par sa direction.
Les attaques ne s’arrêtent pas là : au contraire, elles se durcissent, car InVivo refuse la réintégration du syndicaliste. Début juin, il était convoqué à la gendarmerie pour un interrogatoire portant sur son activité syndicale, l’orientation militante de sa section CGT etc. Celle-ci ne se laisse pas faire : la CGT a entamé un mouvement de grève reconductible, combinant des débrayages à des journées “usine morte” qui paralysent la production.
Jeudi 13 juin, un mouvement de grève a eu lieu chez InVivo, en simultané à Folschviller mais aussi au port de Rouen, où les salariés des silos InVivo ont fait grève avec l’appui des dockers du port. En plus de se mobiliser pour la réintégration de leur collègue et camarade, les travailleurs d’InVivo se mobilisent pour une augmentation significative de leurs salaires - là où le groupe ne leur propose qu’une hausse de 1,3%, largement en dessous de la hausse du coût de la vie.
Timothée Esprit, quant à lui, est ouvrier de la chimie chez Toray, dans le bassin de Lacq (Pyrénées-Atlantiques). Entré en 2011 dans cette entreprise spécialisée dans la production de fibres de carbone, il est aujourd’hui licencié en raison de son soutien à la Palestine : très exactement, l’entreprise lui reproche la publication sur Facebook d’une photo du FPLP (Front Populaire de Libération de la Palestine).
Cela suffit à accuser le syndicaliste d’apologie du terrorisme ! Le 28 mai, Timothée Esprit était convoqué par sa direction pour un entretien, première étape d’une procédure de licenciement qui dure encore. Le jour même de l’entretien, la FNIC organisait un rassemblement de soutien devant le siège social de l’usine, qui a réuni 250 personnes.
Derrière cette accusation de soutien au terrorisme se cache bel et bien la répression d’un militant syndical combatif : en 2023, Toray avait déjà licencié trois militants CGT, à quoi s’ajoutent un grand nombre de convocations, d’avertissements et de mises à pied.
Depuis sa convocation, Timothée Esprit dénonce fermement cette “offensive patronale” qui s’exerce sur l’ensemble des ouvriers de l’usine. Son syndicat y a répondu par la grève, qui s’est élargie à plusieurs industries du bassin de Lacq. Pour Timothée Esprit, la répression dont il est la cible s’inscrit dans un contexte général, et appelle donc à une réponse générale, dans la lutte.
Organiser la riposte !
Révolution apporte toute sa solidarité à ces deux militants face à la criminalisation de leur activité syndicale. De manière générale, nous sommes solidaires du millier de syndicalistes inquiétés pour leur militantisme depuis plus d’un an, un chiffre rapporté par Sophie Binet en décembre dernier, dans un courrier à Elisabeth Borne. La secrétaire générale de la CGT y dénonçait une répression syndicale inédite depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Les cas de Christian Porta et de Timothée Esprit ont suscité une indignation significative à gauche : ces militants ont reçu le soutien des directions officielles du mouvement ouvrier. Sophie Binet, François Ruffin et l’ex-députée LFI de Moselle Charlotte Leduc ont ainsi apporté leur soutien public à Christian Porta.
Ce soutien est important, mais il ne suffit pas : les organisations politiques et syndicales à la tête du mouvement ouvrier - en premier lieu la France insoumise et la CGT - ont la responsabilité d’organiser concrètement la riposte face à cette offensive conjointe du patronat et de l’Etat bourgeois contre les droits des travailleurs. En outre, un tel mouvement devra porter un programme radical et offensif, connecté à la situation politique et sociale actuelle et aux mobilisations qui doivent être organisées autour des élections législatives à venir.
C’est la voie dans laquelle s’est engagée la FNIC, qui s’est mobilisée le 20 juin devant le Ministère de l’industrie, contre “la casse industrielle, la casse sociale et la répression syndicale”, mais aussi la FNME CGT (la Fédération de l’énergie), qui a déposé début juin un préavis de grève allant du 14 juin au 13 septembre pour conserver leur grille de salaires actuelle, tandis que son antenne parisienne s’est mobilisée contre la répression syndicale en général, et chez GRDF en particulier.
Les directions politiques et syndicales de notre classe doivent soutenir et coordonner ces initiatives locales ou sectorielles qui émergent depuis plusieurs semaines. Révolution appelle ses lecteurs à soutenir ces initiatives et à y prendre part lorsqu’ils le peuvent, mais aussi à donner aux caisses de grève mises en place contre la répression syndicale et pour conquérir de nouveaux droits, la hausse des salaires et l’amélioration des conditions de travail. Nous relayons ici (1) celle des grévistes d’InVivo.