Le 4 décembre, les salariés d’Auchan à Fontenay-sous-Bois ont manifesté dans leur hypermarché. Ils ont bloqué les caisses et barricadé les entrées. Cette action, organisée par la CGT, visait à dénoncer les 2389 suppressions de postes annoncées le 5 novembre par la direction. Le Parti Communiste Révolutionnaire était présent pour les soutenir. À cette occasion, nous avons interviewé Gérald Villeroy, délégué syndical d’Auchan Retail France.
Un plan social d’une ampleur inédite
Le plan social chez Auchan est un symptôme de la période actuelle : le capitalisme français est entré dans une phase de destruction massive d’emplois. 200 000 emplois industriels directs et indirects sont menacés à court terme. Un effet domino touche l’ensemble de la chaîne industrielle : fournisseurs, sous-traitants et distributeurs procèdent à des licenciements massifs et à des fermetures de sites. Gérald décrit l’ampleur de ce phénomène chez Auchan :
« 2389 postes en CDI seront supprimés dans l’ensemble du groupe Auchan Retail France. Quatre hypermarchés fermeront : Clermont-Ferrand, Bar-le-Duc, Woippy et Aurillac. Tous les salariés concernés finiront chez France Travail, aucun reclassement interne n’est prévu. En parallèle, 215 postes liés à la vente d’équipements (électroménager, informatique, téléphonie) sont menacés, ce qui pourrait aboutir à 915 licenciements. En plus, trois entrepôts d’Auchan E-Commerce France (AECF), une filiale du groupe spécialisée dans la livraison à domicile, vont fermer, entraînant la suppression de 224 postes. Enfin, la centrale d’achat de Villeneuve-d’Ascq sera lourdement touchée avec 784 licenciements. »
Il conclut : « C’est le plus grand plan social que j’ai vu en 20 ans de militantisme à la CGT. Depuis 2009, Auchan empile les licenciements. Le plus important jusqu’ici remontait à 2020, avec 1151 personnes licenciées. En avril, Guillaume Darrasse a été placé à la tête de l’entreprise pour organiser l’accélération de cette lessive sociale. C’est un pur financier et sa mission est claire : enrichir la famille Mulliez le plus rapidement possible. »
De l’argent public… et des licenciements
Depuis vingt ans, les exonérations fiscales et subventions diverses ont représenté en moyenne 150 milliards d’euros par an de cadeaux fiscaux aux entreprises. Par exemple, entre 2013 et 2018, le Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi (CICE) a transféré quelque 100 milliards d’euros d’argent public directement dans les coffres des grandes entreprises, sous prétexte de favoriser l’emploi. Pourtant, ces mêmes entreprises – comme Auchan – licencient et ferment des sites.
« Il est inadmissible de percevoir des aides publiques financées par les contribuables et, dans le même temps, licencier des salariés. Pour rappel, entre 2013 et 2018, un demi-milliard d’euros a été versé à Auchan en France. À cela s’ajoutent 8 millions d’euros d’indemnisation obtenus grâce au chômage partiel pendant la crise Covid. Il y a aussi les aides Fillon, qui permettent des allègements de cotisations patronales sur les bas salaires. Comme beaucoup de salariés d’Auchan sont au SMIC, ça représente une très grosse somme. On peut encore mentionner les aides Pénicaud sur les contrats d’alternance : à chaque jeune embauché en contrat d’alternance ou de qualification, Auchan percevait également des aides de l’État. Ce qui est inadmissible, c’est que cet argent, qui vient des poches des salariés, sert à remplir celle des actionnaires. ».
Le discours de Gérald révèle une réalité de la période. Les capitalistes, comme Mulliez, n’investissent pas dans la production parce qu’on leur donne de l’argent public, mais uniquement quand ils estiment que ça leur sera profitable. Or, dans la conjoncture économique actuelle, ils jugent qu’il est plus rentable de licencier.
Nationaliser Auchan et la grande distribution !
Le camarade exprime sa détermination à mobiliser les travailleurs d’Auchan : « La CGT est la locomotive, il faut que le train soit suivi par plusieurs wagons de salariés. Nous organiserons des assemblées générales pour tenter de mobiliser les travailleurs, mener des actions coup de poing et frapper Auchan là où ça fait mal : au portefeuille. L’idéal serait de s’inspirer des salariés de Vertbaudet, qui ont mené une grève reconductible de deux mois et ont obtenu gain de cause. »
En 2023, Auchan a dégagé 1,5 milliard d’euros de bénéfices. La famille Mulliez touchera un milliard de dividendes sur l’exercice 2024 grâce à ses enseignes (Auchan, Décathlon, Kiabi, Flunch, Norauto, Boulanger…). Ces dividendes viendront s’ajouter aux 52 milliards d’euros qui constituent sa fortune personnelle.
La grande distribution devrait être planifiée en fonction des besoins de la population, et non pour enrichir la famille Mulliez et autres capitalistes. Comme le souligne très justement Gérald : « La force de travail, c’est nous qui l’avons. La compétence professionnelle, c’est nous qui l’avons. C’est nous qui produisons les richesses. »
En effet ! Selon nous, les directions politiques et syndicales du mouvement ouvrier devraient revendiquer la nationalisation d’Auchan – et de l’ensemble du secteur de la grande distribution – sous le contrôle démocratique des travailleurs, qui produisent toutes les richesses. La famille Mulliez doit être expropriée, sans compensation financière : elle s’est bien assez payée sur la bête. C’est la seule façon réaliste d’en finir définitivement avec les licenciements qui frappent de plein fouet les travailleurs du commerce.