Le 19 novembre dernier, 550 salariés, dont 500 grévistes, se sont rassemblés devant les 6 agences d’Altran CIS, un établissement de l’Unité Economique et Sociale (UES) Altran France. Les taux de participation à cette action initiée par FO ont culminé jusqu’à 50 %, selon les agences. Sur certains plateaux, le taux de grève était de 100 %. La CGT organisait pour sa part une grève du zèle dans la saisie des comptes-rendus d’activité, un élément essentiel dans la facturation de la société envers ses clients. Elle a aussi mobilisé les salariés de l’agence toulousaine d’Altran Tech, un autre établissement de l’UES. Dans le même temps, une pétition a recueilli les signatures de 1000 salariés de l’UES, qui en compte 8500.

Cette pétition dénonce une réforme inique de la politique de remboursement des frais professionnels. Jusque-là, les salariés se faisaient rembourser des paniers-repas allant de 4,5 à 6,15 euros selon les établissements. Il y avait donc un complément de salaire allant de 90 à 130 euros pour un mois comprenant 20 jours d’activité. Par ailleurs, les salariés qui habitent plus près du site du client que de leur agence de rattachement se voient jusqu’à présent rembourser des indemnités kilométriques allant jusqu’à 1000 euros nets par mois et par salarié, selon une estimation de FO.

Or la direction a décidé unilatéralement de modifier cette politique de frais. Les paniers-repas se transforment en tickets restaurant dématérialisés dont la part salariale serait ponctionnée sur la fiche de paie, avec l’incertitude pour les salariés de pouvoir les utiliser dans les cantines des sites des clients au sein desquels ils travaillent et qui n’acceptent pas forcément ce nouveau moyen de paiement. Mais ceci génère un gain de trésorerie de 1,44 million d’euros pour la direction. Par ailleurs, le panier-repas sera « harmonisé » à 5,29 euros, ce qui représente une économie de 4,29 millions d’euros pour la direction. Comme autre régression, la direction a décidé de modifier la politique de remboursement des frais kilométriques au détriment des salariés habitant plus près de leur lieu de travail que de leur lieu de rattachement, ce qui représente une économie de 9 millions d’euros pour les actionnaires.

Cette nouvelle politique de frais représente une économie se montant à la bagatelle de plus de 13 millions d’euros au profit des actionnaires. Or ces mesures injustes ne représentent qu’un élément déclencheur d’une révolte latente chez les salariés. En effet, au fil des trois années écoulées, la direction a entamé une politique d’économies tous azimuts. En 2011, elle a ainsi unilatéralement décidé de déménager ses locaux franciliens à Vélizy pour les salariés en inter-contrat et les fonctions support, alors que les commerciaux ont bénéficié d’un déménagement à La Défense et la direction d’un luxueux immeuble à Neuilly.

Selon une étude de SECAFI commanditée par le CHSCT de l’UES, ce déménagement occasionne un rallongement du temps de transport de 25 minutes pour l’ensemble des salariés franciliens déménagés à Vélizy, et qui prennent les transports en commun. Ceci représente une économie de 6 millions d’euros annuels pour Altran qui ne voit que les intérêts de ses actionnaires. Non contente de ce forfait, la direction a décidé de fusionner les 7 établissements de l’UES au sein d’une même société Altran Technologies. Si l’objectif affiché est de regrouper ses différentes entités au sein d’une même marque, les conséquences pratiques sont graves à plus d’un titre. En effet, au nom d’une « nécessaire harmonisation », comprenez une harmonisation par le bas, la direction gagne 780 000 euros de participations confisquées aux 1300 salariés de l’établissement Altran CIS, outre les frais professionnels précédemment cités. Enfin, la Direction ALTRAN souhaite que les mandats des représentants du personnel aux différentes instances ainsi que les mandats de délégués syndicaux soient frappés de caducité par le Tribunal de Grande Instance de Paris. Cela menace directement les emplois des syndicalistes les plus en pointe dans la défense des salariés.

Ce n’est pas tout. La direction a organisé un véritable hold-up sur la caisse prévoyance de la mutuelle, excédentaire de 7 millions d’euros. Sous couvert de compenser le déficit de la caisse maladie et d’améliorer le pouvoir d’achat des salariés, elle a augmenté les cotisations santé des salariés les plus faiblement rémunérés au profit des plus gros salaires. Elle a aussi ponctionné 4,55 millions d’euros au profit des actionnaires contre 2,45 millions d’euros « redistribués » aux salariés sous forme de gratuité temporaire des frais de mutuelle.

Le 11 juillet, la direction a distribué 15 millions de dividendes à ses actionnaires, sur un bénéfice de 64,6 millions d’euros pour 2012. Elle présente ces « dividendes » comme un remboursement de frais des actionnaires (9 centimes par action) afin de ne pas verser aux salariés de prime de partage des profits. Elle a par contre augmenté la masse salariale (hors embauches) au taux modique de 1,3 %, pour un total de 4 millions d’euros. Bien sûr, les augmentations sont individuelles et distribuées au « mérite », entendez suivant la proximité d’intérêts des salariés concernés avec la direction et leur niveau hiérarchique.

Ceci est un échantillon représentatif des injustices et vexations infligées aux salariés d’Altran par leur direction qui continuellement s’arroge des avantages et des augmentations substantielles : le PDG n’a pas hésité à s’augmenter de 100 000 euros en 2012, pour atteindre 1,1 million d’euros annuels, portant ainsi sa rémunération à plus de 500 fois les salaires les plus bas.

Plus globalement, le secteur des sociétés de services est en pleine expansion du fait de l’externalisation croissante des activités d’ingénierie de la part des grands groupes industriels. Comme à l’accoutumée sous le système capitaliste, ceci s’accompagne de la paupérisation croissante des travailleurs.

Cette situation est emblématique des conséquences catastrophiques de la crise organique du système capitaliste. A bout de souffle, celui-ci impose toujours plus de sacrifices aux salariés tout en assurant de juteux profits pour la classe dirigeante. Les salariés des sociétés de services commencent à s’organiser collectivement afin de faire entendre leurs revendications. La fédération CGT des bureaux d’études doit mobiliser ses troupes afin d’organiser des grèves massives dans ce secteur stratégique pour l’économie, ceci afin de contribuer à faire plier le système en agissant aux côtés du reste des travailleurs.

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