Fin 2014, la Seine-Saint-Denis a connu des mobilisations très combatives de jeunes, d’habitants des quartiers populaires et de différentes catégories de salariés. Les lycéens se sont battus pour l’amélioration de leurs conditions d’études et contre la répression policière, suite à la mort de Rémi Fraisse. Les agents territoriaux ont protesté contre les coupes dans les services sociaux et culturels, notamment à Saint-Denis. Enfin, les enseignants et parents d’élèves se sont mobilisés pour défendre l’éducation publique. Ces luttes sont encore isolées, mais leur combativité et la mise en mouvement de nouvelles couches de la population sont un avertissement sérieux pour le gouvernement.
Pauvreté et abandon de l’Etat
Il n’est pas étonnant que le 93 connaisse de telles mobilisations. La situation sociale y est catastrophique : le taux de chômage, l’un de plus élevé en France (17 %), atteint 50 % dans de nombreux quartiers populaires. L’austérité appliquée aux collectivités locales est flagrante dans plusieurs aspects de la vie quotidienne du territoire : logements sociaux dégradés malgré l’augmentation massive des impôts locaux, transports publics obsolètes, écoles publiques en nombre et aux moyens insuffisants. La pauvreté est visible dans la rue. Les squats se multiplient malgré la répression de l’Etat et des pouvoirs locaux. Cette situation, à quelques kilomètres des quartiers les plus riches de Paris, illustre parfaitement les inégalités sociales sous le capitalisme.
Les jeunes sont particulièrement touchés par la crise. La Seine-Saint-Denis est le département le plus jeune d’Ile-de-France : 29 % de la population y a moins de 20 ans. Cette jeunesse se sent sacrifiée par l’État. Ses révoltes récurrentes, depuis des années, sont donc parfaitement compréhensibles. Jusqu’à présent isolées, elles pourraient à l’avenir prendre un caractère massif et insurrectionnel.
Récemment, l’Etat est intervenu dans le territoire de deux manières : d’une part en réprimant les contestations (interventions policières contre les sans-papiers, les lycéens ou encore les parents et enseignants qui occupent les écoles) ; d’autre part en multipliant les effets d’annonce pour mettre des sparadraps sur des blessures mortelles. Dans l’espoir vain de calmer les esprits, l’Etat annonce quelques investissements, notamment dans l’éducation. Déjà insuffisants avant la crise de 2008, leur faiblesse chronique devient insupportable dans un contexte de flambée du chômage et d’austérité généralisée.
Education au rabais
Dans le secteur de l’éducation, le manque de moyens et de personnels est évident. Les mobilisations se sont intensifiées depuis la rentrée 2014 : occupations d’écoles et de collèges, grèves et manifestations. Un collectif de parents, « le ministère des bonnets d’âne », a attiré l’attention médiatique sur les « solutions » précaires comme le recours en urgence à des contractuels non formés, recrutés par Pôle Emploi.
En réponse aux mobilisations, la ministre Najat Vallaud-Belkacem affirme vouloir faire du 93 – où l’on enregistre un taux de réussite des élèves inférieur de quatre points au niveau national – une « terre d’excellence ». Mais ses annonces sont ridicules : un meilleur « suivi des ressources humaines » par les Rectorats (eux aussi en manque criant d’effectifs) et la création de 500 nouveaux postes de titulaires dans le primaire. Ceux-ci ne feraient que compenser les postes actuellement occupés par des contractuels, qui ne seraient pas renouvelés.
De même, la nouvelle carte de l’éducation prioritaire, révélée en décembre, est censée couvrir les besoins urgents, notamment par le nouveau statut de REP+ (Réseau d’Education Prioritaire), qui accorde une prime supplémentaire et quelques décharges horaires de « réflexion collective » pour les enseignants. Or, non seulement c’est bien loin de répondre aux besoins immédiats de ces établissements, mais de plus un certain nombre d’établissements sortent de l’Éducation prioritaire, sans raison valable et au mépris des élèves et des personnels.
Loin d’être convaincus par ces annonces, les syndicats d’enseignants et de parents ont annoncé vouloir continuer la lutte.
Généraliser la lutte contre l’austérité !
Les mobilisations en Seine-Saint-Denis se poursuivront aussi contre la casse des services publics, la crise du logement, les expulsions et la répression policière. Mais elles doivent désormais franchir une étape, mobiliser de nouveaux secteurs de la classe ouvrière et se développer au plan national. C’est notamment le rôle des syndicats d’unir ces luttes pour réellement combattre l’austérité et le système qui la génère !