Le vendredi 19 avril, les hospitaliers d’Alès, avec leurs organisations syndicales CGT et FO, partagent le pot de la victoire qui conclut six mois de conflit. Une pétition largement signée par les agents, des rassemblements toujours plus fournis sur le parvis de l’hôpital jusqu’au clash avec le directeur et l’obtention d’une table ronde en sous-préfecture ont fini par venir à bout du projet de notre direction. Au mois d’octobre, elle annonçait, sous prétexte de réorganisation, la remise en cause de l’accord local sur la réduction du temps de travail et voulait supprimer les 20 jours de RTT des personnels en faisant passer les journées de travail de 7 heures 40 à 7 heures, pour la même charge de travail, en vue de supprimer du personnel. C’est la recherche de toujours plus de « productivité » aux dépens de nos conditions de travail et surtout de la qualité des soins et de la prise en charge des malades et des usagers. Soit dit en passant, l’hôpital d’Alès est en excédent budgétaire tous les ans depuis 13 ans. Mais à quel prix pour les personnels ? Car si c’est un des bons élèves en termes « économiques », c’est aussi un des plus mauvais en matière d’arrêts maladies, d’accidents de travail et de maladies professionnelles !
Mais la réalité, c’est que tout cela s’inscrit aussi dans le cadre de la baisse des dépenses publiques et de la casse des services publics voulues par les gouvernements de droite passés et poursuivis par celui de François Hollande. Ce dernier ne s’était-il pas engagé, déjà, pendant la campagne présidentielle, à poursuivre la politique de Sarkozy de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partants à la retraite ? A l’exception de certains ministères, mais aux dépens des autres ! Et dans les faits, aujourd’hui, le gouvernement ne remet en cause aucune des lois votées par la droite, du plan hôpital 2007 à la loi dite « Bachelot » en passant par la tarification à l’activité. Toutes ces lois sont avant tout faites pour réduire les dépenses de santé socialisées (Sécurité sociale) et gérer la pénurie de personnels qualifiés. Elles ont introduit à l’hôpital de nouvelles formes d’organisations et de managements inspirées du taylorisme, comme si l’on soignait des malades comme on fabrique des boîtes de conserve. Ces méthodes vont jusqu’à détruire les notions de travail d’équipe et au final démotivent les personnels en les privant du sens de leur travail.
Aujourd’hui, la situation budgétaire des hôpitaux est telle que même la Fédération Hospitalière de France, association qui regroupe les directions de l’ensemble des hôpitaux publics, dénonce les nouvelles baisses voulues par le gouvernement Ayrault qui, après les 50 000 suppressions de postes sous Sarkozy de 2008 à 2012 (soit 10 000 par an), menace d’entraîner une saignée de 20 000 emplois en 2013 et d’au moins 15 000 en 2014. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, peut faire toutes les déclarations qu’elle veut en faveur de l’hôpital public ; au regard de ces chiffres, cela reste de la communication pour endormir le bon peuple.
Multiplication des luttes
La conséquence de cette politique, c’est que le conflit alésien n’est pas un cas isolé. De nombreux hôpitaux sont en lutte contre le manque de personnel et pour de meilleures conditions de travail. C’est le cas dans de nombreux services d’urgence engorgés où des équipes médicales entières ont menacé de démissionner pour obtenir des moyens pour travailler correctement. Aux hôpitaux de Tarbes, les personnels, comme à Alès, épuisés d’être sans cesse rappelés au travail sur leurs jours de repos ou de congés, dénoncent le fait de travailler en service minimum tous les jours et revendiquent la titularisation de près de 200 contractuels. Ailleurs, comme à Blois, c’est la psychiatrie où les agents sont en grève contre la fermeture « temporaire » de lits. Autre exemple encore, au CHU de Toulouse où les personnels de l’hôpital Paule de Viguier sont en grève et dénoncent le projet de leur direction de vouloir faire passer la maternité à 5 000 accouchements par an quand elle était conçue au départ pour 4 000 ! Et ce ne sont que quelques exemples : il y en a bien d’autres, tant les hôpitaux sont dans le rouge. C’est pour tout cela que la fédération CGT de la santé et de l’action sociale appelle les hospitaliers à une manifestation nationale, à Paris, le samedi 15 juin 2013.
Le système sanitaire français était, il y a encore quelques années, considéré comme un des meilleurs au monde. Ce n’est déjà plus le cas aujourd’hui, tant s’en faut. Si les salariés de la santé, mais aussi l’ensemble de la population ne mettent pas un coup d’arrêt à cette dégradation, on peut se demander à quel prix nous nous soignerons demain – et qui pourra se le payer.