Dans une lettre ouverte au président de la République, mi-juin, la CGT Spectacle tente une fois de plus de dissuader le gouvernement d’agréer la nouvelle convention d’assurance chômage. La fédération syndicale menace d’étendre le mouvement de grève des intermittents du spectacle à toute la saison des festivals d’été.
Les intermittents sont très hostiles à la convention signée par le patronat et trois syndicats de salariés (CFDT, FO et CFTC). Face à l’important déficit de l’Unedic, ce texte prévoit de durcir encore les règles d’indemnisation des intermittents, comme celles d’autres catégories de chômeurs.
La réforme de 2003, signée par le Medef et la CFDT, n’avait en rien résorbé le déficit de l’époque (estimé aux alentours de 800 millions d’euros, chiffre invérifiable). D’ailleurs, ce n’était pas son véritable objet. Il s’agissait surtout de durcir les conditions d’entrée à l’assurance chômage (annexes 8 et 10) : 507 heures sur 10 mois pour les techniciens, sur 10 mois et demi pour les artistes (au lieu de 12 mois pour tous). Cela eut pour effet immédiat d’exclure des dizaines de milliers d’artistes et techniciens du système.
Dix ans plus tard, le bilan est là : sur plus de 254 000 intermittents qui ont cotisé en 2011, seuls 43% ont bénéficié d’au moins une journée d’indemnisation. En 2011, le revenu annuel moyen de ces mêmes intermittents (artistes et techniciens confondus) était de 8 503 euros. Celui des seuls artistes était de 4 869 euros. Vous avez dit « privilégiés » ?
Comme le rappelait le comité de suivi (composé de parlementaires, d’organisations syndicales et professionnelles, etc.), l’ensemble des revendications qu’il porte depuis dix ans « avaient toutes été défendues par le groupe socialiste maintenant dans la majorité, y compris François Hollande, alors député. Aujourd’hui, les ministres en charge du dossier, Aurélie Filippetti pour la culture et Michel Sapin pour le travail, ont pris des engagements sur le maintien des annexes, mais pas sur leur contenu... » en prétendant qu’« il revient aux partenaires sociaux de négocier ».
Il faut tenir compte de la nature des métiers des artistes et techniciens. Dans le spectacle, dans le cinéma, la notion de travail est à dissocier de la notion d’emploi. Entre deux contrats (deux cachets), l’artiste ne s’arrête pas de travailler. Il reste un créateur : il continue d’écrire, de faire ses vocalises s’il est chanteur lyrique, ses échauffements s’il est danseur, de monter des projets s’il est metteur en scène, de lire et de découvrir des auteurs s’il est acteur… S’il est évident que ce n’est pas aux Assedic – mais à l’employeur – de payer les répétitions, le système d’assurance chômage des intermittents, adapté à la discontinuité de leurs métiers, devrait permettre aux artistes et techniciens d’envisager l’avenir sans être angoissés par le vide que constituerait la disparition des annexes 8 et 10. On se doute que si cela ne tenait qu’au Medef, on paierait les artistes au chapeau. Comme au bon vieux temps !
Le gouvernement a annoncé qu’il ne reviendrait pas sur l’accord d’assurance chômage. La nomination d’un médiateur ne changera rien à la détermination de ceux qui luttent pour un revenu digne et une culture de qualité !
A Toulouse, les intermittents du festival Rio Loco ont préféré la gratuité au blocage. Mais lorsqu’ils choisissent la grève, non seulement les intermittents sacrifient des heures qui leur permettraient d’ouvrir des droits au chômage, mais ils défendent les moyens de la création et de la culture contre une politique économique dont l’unique objectif est de faire des économies sur le dos des travailleurs.
Cette lutte des intermittents, comme celle des cheminots, des chercheurs ou des postiers, montre qu’il est temps de se débarrasser d’un système qui ne peut plus tolérer les conquêtes sociales du passé et qui les détruit systématiquement. Dans ce domaine, le gouvernement « socialiste » ne montre aucune différence avec le gouvernement précédent. Il ne fera rien qui déplaise au patronat.
Ne nous laissons pas abuser par toutes les diversions qui auraient pour but d’empêcher les solidarités avec ceux qui se battent : leurs luttes sont aussi les nôtres !