Alors que les luttes mêlant salariés, usagers et élus locaux se multiplient dans les villes et les campagnes, pour éviter la fermeture arbitraire des bureaux de Poste, le gouvernement, la direction de La Poste et l’association des Maires de France préparent dans la plus grande discrétion un nouveau contrat dit de « présence postale territoriale 2017-2019 ».
Pour la CGT de La Poste (exclue des discussions, comme toutes les organisations syndicales), les premiers éléments sont très inquiétants. En effet, la Cour des comptes s’est immiscée dans le processus d’élaboration du « contrat » en publiant plusieurs rapports (quatre en à peine huit mois !) réclamant des économies drastiques. Il s’agit de passer d’un réseau encore constitué aujourd’hui à 54 % de bureaux de Poste de plein exercice à un réseau dominé par des « partenariats ». Pour cela, des milliers de bureaux de Poste seraient fermés ou transformés en Agence Postale Communale ou Intercommunale, en Relais Poste ou Relais Poste Urbain, en Maison de Service Au Public, etc.
Fermeture de bureaux
La Cour des comptes a ainsi recommandé la redéfinition des critères d’accessibilité en zone urbaine, l’accélération du processus d’externalisation et de diversification à outrance des activités des bureaux. A Paris, 11 bureaux de Poste ont déjà été fermés et 19 autres devraient l’être prochainement. La direction de La Poste compte externaliser toujours plus dans des supérettes (Carrefour City, Franprix, etc.) les opérations courrier : affranchissements, ventes de timbres, d’enveloppes, de colis, lettres recommandées et colis à retirer…
Le manque de personnel ne permet plus d’accueillir les usagers qui doivent parfois aller dans plusieurs bureaux avant de pouvoir réaliser leurs opérations postales. La Poste oblige ses agents à envoyer systématiquement les clients vers les automates et, en cas de problèmes, à les orienter vers des plateformes téléphoniques payantes (3631 ou 3639).
La priorité est désormais à la vente de produits à dominante bancaire : cartes bancaires, assurances, crédits. Seule compte la rentabilité à court terme.
1,7 milliard de bénéfice…
Contrairement aux idées reçues, l’entreprise La Poste se porte très bien. Ces trois dernières années, elle a engrangé 1,7 milliard d’euros de bénéfice. Le chiffre d’affaires a progressé de 4 % en 2015 et la dette diminue chaque année. Ces résultats sont obtenus sur le dos des postiers (suppressions d’emplois) et des usagers – en cassant le service public et en augmentant les tarifs (de 10 % en deux ans !)
En 2015, La Poste a bénéficié du Crédit Impôt Compétitivité Emploi (CICE), à hauteur de 350 millions d’euros. Ce qui ne l’a pas empêchée de supprimer 7655 emplois !
L’Etat est l’actionnaire majoritaire de La Poste, les autres parts étant détenues par la Caisse des Dépôts et Consignations. C’est donc le gouvernement qui poursuit la casse de La Poste, engagée dès le gouvernement « socialiste » de Michel Rocard (1988-91) et poursuivie par les gouvernements successifs, de droite comme « de gauche ».
Souffrance au travail
Cette casse n’est évidemment pas sans effets sur les agents, qui arrivent souvent à un point de rupture. Le 26 septembre dernier, dans une conférence de presse, le syndicat Sud PTT a voulu briser le mur du silence érigé par la direction de La Poste autour de la souffrance au travail des postiers. Surcharge de travail, management par la peur, cadences infernales : dans tous les départements, les témoignages sont convergents et le constat accablant.
La situation est décrite en des termes identiques dans une lettre de huit cabinets d’expertise envoyée au PDG de La Poste et au gouvernement. Les mêmes maux sont signalés : réorganisations permanentes qui réduisent à chaque fois les effectifs, accélération des cadences, aggravation de la pénibilité physique, risques psychosociaux, situations de détresse, suicides… Depuis 2013, Sud PTT a dénombré 57 tentatives de suicide de postiers, dont 37 ont été suivies de décès.
Les militants syndicaux ont aussi dénoncé une véritable guerre contre l’action des CHSCT. Cet élément est corroboré par les experts, qui parlent de « rétention d’information », de « refus d’entendre et de prendre en compte les avis circonstanciés des élus », et qui dénoncent en outre les méthodes crapuleuses employées pour empêcher les cabinets d’expertise de faire leur travail.
Pour en finir avec ce gâchis humain et économique, une seule solution s’impose : le retour à un véritable service public de La Poste dans le cadre d’une gestion sous le contrôle des salariés et des usagers. Il est indispensable à La Poste, comme à l’ensemble des services publics, de cesser la réduction des effectifs et des moyens – et de procéder à des recrutements indispensables pour que les services dont a besoin la population (en particulier les plus fragiles) soient assurés dignement et efficacement.