Le marché mondial du jeu vidéo pèse aujourd’hui 228 milliards de dollars par an, loin devant les industries de la musique et du cinéma. Sa consommation ne cesse d’augmenter. En France, un pic historique a été atteint en 2023, avec 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires (+ 10 % par rapport à 2022). Le tableau semble idyllique, et pourtant le secteur traverse actuellement l’une des plus graves crises de son histoire.

Surproduction

Cette situation est directement héritée des confinements de l’ère Covid, pendant laquelle la demande en gaming a explosé. Ce fut le début d’une véritable ruée vers l’or. Aux gros éditeurs connus – comme Microsoft, Sony ou le français Nacon – s’ajouta un certain nombre d’investisseurs nouveaux, sur ce marché, mais déterminés à empocher rapidement de gros profits. Bénéficiant des taux d’intérêt très bas de l’époque, ils mirent sur la table des sommes colossales. Tous agirent comme si le marché allait croître indéfiniment et les profits suivre la même courbe ascendante. D’où la décision de lancer le développement de nombreux jeux, d’accroître leurs budgets, d’acheter des studios et d’embaucher massivement.

Mais le rêve a rapidement pris fin. En 2023, un nombre record de jeux sont sortis – plus de 14 000 ! – dont beaucoup sont venus de grosses licences totalisant des dizaines de millions de ventes (Call of Duty, Zelda, Harry Potter, Mario, etc.). Conséquence : le secteur s’est embourbé dans une crise de surproduction aggravée par une baisse de la demande liée à la crise inflationniste. Craignant pour leurs profits et voyant les taux d’intérêt augmenter, les investisseurs ont fait marche arrière et ont brutalement fermé les robinets. Les financements ont chuté de 80 % entre 2021 et 2023. Résultat : moins de nouveaux jeux sont signés et de nombreuses productions sont mises en pause ou annulées.

Parallèlement, on a assisté à l’explosion du coût de production des jeux « Triple-A », c’est-à-dire ceux dont les budgets sont les plus élevés. Par exemple, alors que la production de Marvel’s Spider-Man : Miles Morales avait coûté 90 millions de dollars, sa suite, Marvel’s Spider-Man 2, a coûté 300 millions de dollars. Au final, il ne reste que des miettes pour les développeurs les plus modestes.

Pour défendre leurs profits, les éditeurs cherchent désormais des studios prêts à produire plus rapidement et à moindre coût. Ils les poussent à faire de grosses économies. Et comme toujours, c’est aux travailleurs qu’on présente l’addition.

Licenciements et exploitation

Depuis un an, une vague de licenciements balaye ce secteur. Près de 22 000 emplois ont été supprimés, principalement aux Etats-Unis. Les grands acteurs licencient à tour de bras, à l’instar de Bungie, qui s’est séparé de 17 % de ses effectifs en août dernier. De son côté, Microsoft a supprimé 2550 emplois chez Xbox et Activision. Certains estiment que 20 % des emplois dans le monde pourraient disparaître à court terme. L’Europe ne sera pas épargnée. De fait, beaucoup de fermetures sont prévues dans l’hexagone d’ici la fin de l’année. Récemment, le studio lyonnais Mi-Clos a cessé ses activités après dix ans d’existence, laissant une trentaine d’employés sur le carreau.

Avant même le début de la crise, l’industrie du jeu vidéo était connue pour imposer des conditions de travail déplorables. Par exemple, en 2018, le PDG de Rockstar Games avait annoncé fièrement – comme si c’était un gage de qualité – que ses employés avaient travaillé jusqu’à 100 heures par semaine à la production de Red Dead Redemption 2. De manière générale, les conditions de travail sont brutalement attaquées pendant que les actionnaires amassent les profits. Les travailleurs du jeu vidéo doivent s’unir et lutter pour maintenir l’emploi, augmenter les salaires et obtenir des conditions de travail décentes.

Les travailleurs s’organisent

En France, un premier syndicat, le Syndicat des Travailleurs du Jeu Vidéo (STJV), a été fondé en 2017. Depuis, des sections syndicales ont été créées dans plusieurs entreprises phares de l’industrie vidéoludique. Le STJV est à l’origine de la grève victorieuse qui a éclaté le mois dernier au sein du studio Spiders, propriété de Nacon. Le syndicat a même organisé une grève de solidarité chez Kylotonn, un studio du même groupe. Ces grèves sont une source d’inspiration pour tous les salariés du secteur.

Dans sa vidéo de présentation, le STJV affirme que sa politique « s’inscrit dans un projet plus large de changement de la société, de rupture avec le système capitaliste qui entrave le progrès humain ». Nous ne pouvons qu’être d’accord ! La crise que traverse l’industrie du jeu vidéo est une illustration frappante du chaos qu’engendre le « libre marché ». Une fois débarrassée de la course aux profits et placée entre les mains de ses travailleurs passionnés, l’industrie du jeu vidéo connaîtra un essor ludique et artistique inédit dans son histoire.

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