Cela fait un an que je travaille dans une entreprise de chimie du nord de la France, qui emploie 300 salariés. Mon travail consiste à vérifier que les produits chimiques commercialisés par l’entreprise sont en règle avec la réglementation européenne.

Avant de connaître la réalité de ce travail, je pensais que le secteur de la chimie était « privilégié », qu’il échappait à la précarisation. En réalité, les conditions de travail se dégradent depuis des années : les salaires baissent et les patrons font tout pour augmenter les cadences. En plus, dans mon entreprise, la direction s’assoit souvent sur le droit du travail.

De bas salaires et des primes à la tête du client

Nos salaires sont assez bas par rapport à notre secteur. Pour ma part, je touche à peine plus que le SMIC. Pourtant, les résultats nets de mon entreprise se comptent en millions d’euros et les bénéfices sont très juteux pour ses actionnaires.

Pour faire passer la pilule, la direction met en place des « primes exceptionnelles ». Sans salaire suffisant, ces primes sont indispensables pour nous. Mais pour y avoir droit, nous devons être des « salariés modèles » et ne commettre aucun manquement. À savoir qu’un « manquement » pour notre direction, touche une large palette d’aléas courants pour un travailleur.

Un arrêt maladie ? Une partie de la prime saute. Congé maternité ? Pareil. Perte d’un proche ? Encore une pénalité. Bref, c’est un outil parfait pour nous pousser à poser des congés au lieu de prendre des arrêts maladie. En plus, c’est un parfait levier de pression pour éviter qu’on fasse grève, sinon on perd non seulement notre salaire, mais aussi cette fameuse prime.

Le mythe de l’entreprise « familiale »

À cela s’ajoutent des heures supplémentaires non payées. Malgré la taille de la boîte, notre directeur insiste sur son caractère « familial ». Ainsi, bien souvent, lorsqu’on demande une régularisation de nos heures supplémentaires, la seule réponse qu’on reçoit c’est : « on est une entreprise familiale, on s’arrangera ! ». Parfois, ce non-paiement des heures supplémentaires atteint des niveaux gravissimes. Certains de mes collègues, qui doivent se déplacer dans le cadre de leur travail, cumulent énormément d’heures supplémentaires. Par exemple, l’un d’eux part à cinq heures pour aller contrôler une autre entreprise, commence à bosser à huit heures et ne rentre qu’à vingt heures. Et en retour ? Rien, juste un : « On s’arrangera ».

Le sujet des salaires est tellement sensible, qu'en amont de nos réunions sur « l’avenir de l’entreprise », on reçoit des mails des RH nous ordonnant de ne pas parler d’augmentation. Ils nous assurent que le sujet sera abordé « plus tard ». Mais mes collègues plus anciens m’ont prévenu : « plus tard », ça veut dire jamais. La direction justifie cela en expliquant que, pour prétendre à une augmentation, il faut diversifier ses missions. Et effectivement, nos tâches se multiplient sans cesse et la charge de travail augmente. Mais la direction reste sourde à nos demandes.

Les pressions de notre direction dépassent le seul rapport salarial, ce qui m’a profondément choqué. Juste après la dissolution de l’Assemblée nationale en juin dernier, nous avons reçu un mail de la part de notre directeur nous expliquant le « danger » que représenterait un gouvernement de gauche, et nous exhortant à prendre nos responsabilités : c’est-à-dire voter pour les macronistes !

Des profits grâce aux guerres 

La hausse des résultats de mon entreprise provient en grande partie de l’augmentation de la demande de l’armement en matière de produits chimiques. Quand je regarde le contexte actuel, avec toutes ces guerres horribles, je trouve cela éprouvant, psychologiquement.

J’aimerais que mes qualifications répondent aux besoins de la société, ce qui ne manque pas en Chimie. Mais tant que le secteur restera dans les mains des actionnaires, je suis certain que cela ne changera pas. Ils ne pensent qu’à leurs profits.

Parfois je me dis que je dois changer de travail pour arrêter de penser au fait que les produits que je contrôle vont servir des guerres ou des génocides. Mais je sais très bien que même avec mon niveau de qualification, « traverser la rue pour trouver un travail » comme le préconisait Macron, est une vaste mascarade ! 

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