Vous en rêviez, Amazon l’a fait ! Sur le site de Lauwin-Planque, dans le Nord, la direction récompense les meilleurs délateurs parmi les salariés. Elle a même créé un « jeu », pour cela : le « Safety fun game » (« safety » signifiant : « sécurité »). Des « bons points » sont distribués aux salariés les plus influençables, qui acceptent de « jouer le jeu », c'est-à-dire de dénoncer leurs supérieurs hiérarchiques pour manquement aux règles de sécurité. La meilleure balance sera gratifiée d'un sublime drone.
Pour justifier ce « jeu » méprisable et honteux, la direction d'Amazon affirme que « la sécurité et la santé de ses employés sont sa priorité numéro 1 ». En tant que salariés et syndicalistes Amazon sur le site de Saran, nous en doutons sérieusement. Des éléments concrets prouvent même le contraire, comme ces cales en bois qui empêchent la fermeture des portes coupe-feu (priorité à la productivité !), ou les travaux de grande ampleur réalisés pendant les heures de travail et générant un bruit infernal, nous obligeant à parcourir davantage de kilomètres, avec les risques de chutes qui y sont associés, etc. Nous pourrions facilement multiplier les exemples.
Mais alors, à quoi servent les instances de contrôle telles que le CHSCT ? Et qu'en est-il du dialogue entre salariés et direction – ou, du moins, entre représentants des salariés et direction ? Sur le site de Saran, nous sommes en préavis de grève illimitée depuis plus d'un an – à l’initiative de l’UNSA et de FO – pour obtenir de meilleures conditions de travail, mais la direction refuse de nous recevoir, ne serait-ce que pour aborder les points les plus élémentaires.
Une des spécificités d’Amazon est l’immunité des cadres dirigeants et la constante culpabilisation des salariés. Toute l’année, les salariés reçoivent des remontrances, des avertissements et des mises à pied pour des « manquements » aux règles de sécurité (à tort ou à raison). Mais dans le même temps, les agents de maîtrise et les cadres, qui sont les véritables responsables des problèmes de sécurité, ne sont jamais inquiétés ou sanctionnés. Et le « jeu » dont ils font l'objet n'y changera rien. « Safety fun game » vise peut-être à connaître les agents de maîtrise et cadres les plus rigoureux ; mais il vise surtout à repérer les salariés les plus dociles, pour les faire évoluer au détriment des autres – et, ainsi, faire avancer la cause patronale.
L’UNSA d'Amazon Saran appelle les salariés à ne pas tomber dans cette bassesse morale et à ne pas s'aligner sur la moralité plus que douteuse de la direction et du management. Au passage, nous tenons à rappeler que, selon le Code pénal (article 226-10), la délation peut être punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
A Piacenza (Italie), les salariés d’Amazon relèvent la tête
Lors du « vendredi noir » (24 novembre), quatre syndicats ont lancé un mouvement de grève sur le principal site d’Amazon en Italie, à Piacenza, dans le Nord du pays. Ce site existe depuis six ans et compte 1600 salariés, auxquels s’ajoutent des centaines d’intérimaires lors des pics d’activité.
Il y a peu, les managers de l’entreprise avaient l’habitude d’organiser des assemblées générales pour impliquer et motiver le personnel. Face aux performances de l’entreprise, la direction demandait aux travailleurs de s’applaudir et de s’auto-congratuler. Fatigués de cette comédie, certains salariés ont commencé à réagir contre leurs terribles conditions de travail : heures supplémentaires non payées, pauses refusées, problèmes de santé liés aux efforts physiques et aux cadences infernales... Il y a un an et demi, des travailleurs se sont syndiqués et ont mis la pression sur les dirigeants syndicaux pour qu’ils organisent une mobilisation.
Cette grève de 24 heures a été un grand succès. Plus de la moitié des salariés en CDI y ont participé. La direction d’Amazon a essayé d’en atténuer l’impact en faisant partir les colis d’autres sites. Mais il y a tout de même eu des retards dans les livraisons.
200 travailleurs – tous jeunes – ont animé le piquet de grève à partir de 5 heures du matin. Ils étaient conscients d’être un point de référence pour les travailleurs des autres sites d’Amazon, en Italie et ailleurs. La grève simultanée sur six sites d’Amazon, en Allemagne, a également renforcé leur moral.
Ils étaient déterminés à obtenir l’ouverture de négociations sur leurs conditions de travail. La direction d’Amazon les leur a refusées : elle cherche à briser la volonté de résistance des salariés. Mais une nouvelle ère s’est ouverte chez Amazon. Ces salariés ont commencé à prendre leur destin en main. D’autres luttes – en Italie et ailleurs – sont à l’ordre du jour sur les sites d’Amazon.