Le service public hospitalier traverse une crise sans précédent. Par leurs politiques, au fil des années, les technocrates des Agences Régionales de Santé (ARS) et les gouvernements successifs ont aggravé la souffrance physique et psychique des patients et des soignants de l’hôpital public. Ils ont toujours le même argument : « Comprenez, il y a la dette qui contraint à la compression des budgets ». Mais cela passe de moins en moins !
Il est urgent d’embaucher des professionnels de santé, de garantir leur statut, de titulariser les intérimaires et d’installer davantage de lits. Les dettes doivent être annulées. Car l’hôpital public se meurt. « La situation est catastrophique, à force de pénurie de personnel, à force de fermetures de services, à force d’économies », résume Danièle Ceccaldi, responsable CGT à Marseille. A l’hôpital d’Ivry-sur-Seine, un « avis de danger grave et imminent » a été déposé pour dénoncer un manque chronique de personnels, qui conduit par exemple à ce qu’un infirmier se retrouve seul à gérer 50 patients. La situation est si critique que des soignants disent avoir honte de leur travail, qui vire à la maltraitance.
« Le gouvernement… ment énormément ! »
De son côté, le gouvernement poursuit son désormais classique enfumage. La ministre de la Santé Agnès Buzin s’est réjouie du « faible » nombre de victimes de la canicule, cet été. Autrement dit, l’hôpital peut – et doit encore – survivre grâce au seul dévouement de son personnel. Tenir de tels propos alors que les burn-out, les suicides, les accidents de travail et les troubles anxiodépressifs se multiplient, parmi les soignants, est tout simplement scandaleux.
Le 15 avril dernier, Macron déclarait qu’il n’y aurait pas d’économies sur l’hôpital public. Mais voilà que nous apprenons l’inverse : 1,2 milliard d’euros vont être économisés sur quatre ans. La réforme du système de santé, promise avant l’été, est finalement repoussée à la mi-septembre… Elle promet d’être explosive !
Selon Macron et ses technocrates des ARS, ce sont les modalités de prise en charge et les pratiques mal adaptées qui engendreraient les problèmes de moyens. Ils en concluent que la solution n’est pas la création de postes ou de lits, mais un « virage ambulatoire », autrement dit un suivi des patients en externe. Les conséquences en seront désastreuses, puisque plusieurs millions de personnes ne pourront plus être hospitalisées – alors que leur état de santé le nécessite. Et aucune garantie n’est donnée quant aux conditions de travail des salariés, qui souffriront aussi de cette politique barbare, au quotidien.
En réalité, les directions hospitalières se moquent bien des revendications des travailleurs hospitaliers, qui sont pourtant les mieux placés pour trouver des réponses adaptées aux besoins des soignants et des patients. Leur politique s’inscrit dans la continuité de la T2A (Tarification à l’activité, mise en place dès 2007), qui transforme la santé en un véritable marché lucratif, pour favoriser les privatisations. Pour eux, la crise signifie que le public doit reculer pour céder le terrain au privé, et donc transformer la santé publique en une source de juteux profits.
Quelle riposte ?
La liste des hôpitaux publics en lutte n’a jamais été aussi longue. Cette année, des mobilisations ont eu lieu dans le Val-de-Marne, au Havre, à Cayenne, Pointe-à-Pitre, Vierzon, Lyon, Toulon, Marseille, Ivry-sur-Seine – entre autres.
Des « perchés » de l’hôpital psychiatrique du Havre à l’opération « bouteilles à la mer » à Amiens, les actions locales n’ont pas manqué. Le 15 mai dernier, à l’appel de SUD, 600 manifestants marchaient vers l’Elysée. Des personnels en lutte sont allés jusqu’à des grèves de la faim. Les revendications convergent et le ras-le-bol est général.
Florent Budin, infirmier à l’hôpital psychiatrique Philippe Pinel et syndiqué à la CGT, souligne qu’« en tant que soignants, nous avons une obligation de continuité de soins… Les grèves ne sont pas très visibles ». Mais il y a des victoires, par exemple à l’hôpital psychiatrique du Rouvray, où trois mois de grève et 18 jours de grèves de la faim ont permis d’obtenir la création de 30 postes, en juin dernier.
Florent explique les raisons de cette détermination : « ce qui change aussi, c’est que cette lutte est unie. Les familles de patients sont avec nous dans la bataille. Et voir d’autres secteurs en grève, ça nous a donné la niaque : on ne lâchera rien. »
Ces luttes très combatives, acharnées, sont un exemple pour l’ensemble du salariat. A présent, il faut donner au mouvement un caractère plus vaste, coordonné, à l’échelle de toute la Santé – et de l’ensemble du salariat. La construction d’un mouvement de grève reconductible dans un maximum de secteur est la seule voie pour faire échec à toute la politique réactionnaire du gouvernement Macron.
Sébastien Vergan – Syndicat des internes à Marseille (SAIHM)