D’après les prévisions les plus optimistes, l’économie française chutera de 9 % en 2020 – et les investissements des entreprises d’environ 25 %. En conséquence, de plus en plus de capitalistes ferment leurs entreprises ou lancent des plans de licenciements importants.
Mais le pire reste à venir. D’après l’entreprise d’assurance-crédit Euler Hermes, le nombre de faillites devrait augmenter de 32 % en 2021, soit 60 à 70 000 faillites, contre 50 000 en 2020. Elle s’attend à près d’un million de suppressions de postes – et à une explosion du chômage d’ici la fin de l’année 2020.
Nous assistons depuis le début de l’année à une avalanche de plans sociaux, en particulier depuis le confinement. Chaque jour, pratiquement, un nouveau plan social est annoncé. Depuis le 1er mars, près de 400 plans ont été annoncés, qui totalisent près de 60 000 ruptures de contrats de travail. Mais cette avalanche est loin d’avoir terminé sa course : c’est au mois d’octobre que l’on s’attend à de très nombreuses faillites.
Carnage
Quasiment tous les secteurs de l’industrie et du commerce sont touchés. Les principaux donneurs d’ordres des différents secteurs annoncent des plans sociaux, qui ont ou vont évidemment impacter tous les secteurs de la sous-traitance.
Dans l’automobile, Renault prévoit 4600 suppressions de postes. L’équipementier Valeo en a déjà supprimé 2000. Bridgestone a annoncé la fermeture de l’usine de Béthune (863 personnes).
Dans l’aéronautique, Airbus annonce 5000 suppressions de postes. L’équipementier Daher en prévoit 1300 et veut se débarrasser de 1400 intérimaires. Figeac Aéro prévoit 320 suppressions de postes. Les sous-traitants AAA et Mécafi prévoient de supprimer respectivement 719 et 242 postes. Et ainsi de suite.
Dans l’habillement, La Halle menace de supprimer 2660 emplois, Camaïeu 441, Naf Naf 226, André 188. Dans le tourisme, chez Booking.com, 650 personnes, en France, sont concernées par la suppression de 4000 postes à travers le monde. Chez TUI, 583 postes seront supprimés.
Et voici encore une liste non exhaustive dans différents secteurs : Air France prévoit la suppression de 7500 postes ; Auchan va en supprimer 1475, General Electric 764. Beneteau (construction navale) table sur 314 à 760 postes supprimés ; Nokia menace d’en supprimer 400, Boiron (Pharmacie) 646, Dresser Rand (Siemens) 300, Hutchinson (caoutchouc) 197, Schneider Electric 160, etc. C’est un carnage industriel et social.
Le chantage des APC
Mais pour sauvegarder leurs marges de profits, toutes les entreprises ne déclenchent pas des plans sociaux. Elles ont également recours au chantage des « Accords de Performance Collective » (APC).
Les APC ont été introduits par les « ordonnances Macron », en septembre 2017. Il s’agit, par accord collectif, de modifier la durée du travail (suppression de RTT ou de congés, augmentation de la durée de travail sans augmentation de salaire…), de baisser les salaires (suppression de primes, baisse des majorations…) et de modifier l’organisation et les conditions de travail (mobilité géographique, changement de poste…).
Les clauses de ces accords se substituent à celles des contrats de travail des salariés. Si ces derniers les refusent, leur licenciement est réputé justifié – et ils ne bénéficient pas de l’accompagnement prévu en cas de licenciement collectif pour motif économique.
Sans clause obligatoire, sans contrôle de l’administration et sans limitation de durée, l’APC est une aubaine pour le patronat, qui n’a pas besoin de justifier de difficultés économiques pour le conclure.
Exemple dans l’aéronautique
Le cas Derichebourg est un modèle de ce chantage. Ce sous-traitant d’Airbus, qui employait 1600 salariés à Toulouse, avait annoncé un plan de 700 licenciements au printemps. Puis l’entreprise s’est ravisée et a présenté un APC qui imposait des baisses de rémunération aux salariés. Les 160 employés qui l’ont refusé ont été licenciés. Tous les autres, contraint d’accepter ce chantage, subissent des baisses de rémunération très importantes. Evidemment, une fois l’APC en place, rien n’empêche la direction de l’entreprise de procéder, plus tard, à un plan de licenciements collectifs.
Chez Airbus, alors que les salariés doivent déjà faire face à un plan social, l’APC présenté le 21 septembre remet en cause des acquis sociaux importants, qui datent de l’après-guerre. L’APC prévoit de réviser le dispositif du compte épargne-temps, les indemnités retraite et l’aménagement du temps de travail. Il prévoit aussi de geler les salaires jusqu’en juin 2022.
Que ce soit avec des plans sociaux ou des APC, le patronat est en train de faire payer la faillite de son système à des centaines de milliers de salariés. Non content de faire du profit sur l’exploitation des travailleurs – et sur les subventions colossales de l’Etat (CICE, « plan de relance », etc.) –, il détruit l’appareil productif et les vies des salariés. Dans ce contexte, la gauche et le mouvement ouvrier doivent mener la lutte sous des mots d’ordre offensifs, comme celui de nationalisation des grandes entreprises qui licencient – sans indemnisation des grands actionnaires, et en plaçant l’entreprise nationalisée sous le contrôle démocratique des salariés.