Depuis novembre, des salariés du Mc Donald’s d’Aucamville, près de Toulouse, se mobilisent pour dénoncer le harcèlement et les violences dont ils ont été victimes pendant des mois. Révolution s’est entretenu avec trois employés.
I mène, Ana et Kameron ont intégré le Mc Donald’s d’Aucamville entre 2020 et 2021. Comme plus de la moitié des étudiants en France, ils avaient besoin d’un emploi parallèlement à leurs études. Ils se sont alors tournés vers la célèbre chaîne de fast-food, connue pour recruter des jeunes et leur proposer des horaires arrangeants. Ce sont d’ailleurs des étudiants qui fournissent l’essentiel des troupes du restaurant d’Aucamville : ses salariés actuels ont tous entre 16 et 30 ans.
Dès leur arrivée, les trois nouveaux salariés ont remarqué une mauvaise ambiance : outre les blagues racistes et sexistes qui résonnaient tout le temps, on a vite fait comprendre aux nouveaux qu’il leur fallait bien s’entendre avec les proches de la direction, sous peine d’être mis à l’écart et de stagner dans leur évolution interne au restaurant. La peur de subir à leur tour ce harcèlement empêchait leurs collègues d’intervenir, et isolaient les victimes.
Direction complice
Un des managers s’adonnait tout particulièrement à ces comportements. Avant qu’il ne finisse par quitter le restaurant, les propos discriminants en tout genre n’ont pas cessé. Son successeur s’est révélé pire. Même les clients étaient visés, en coulisses, par des remarques racistes, avec l’aval de la direction, qui donnait des consignes telles que : « faites attention avec cette famille... ».
Mais que pouvait-on attendre de la direction, quand celle-ci méprisait en permanence les salariés et leurs conditions de travail ? Les trois employés ont rapporté des faits révoltants, tels que l’interdiction de boire de l’eau lors des périodes de rush. Et quand les salariés pouvaient enfin s’hydrater, ils n’avaient droit qu’à de l’eau mélangée aux arômes des sodas.
Les trois collègues dénoncent aussi le non-respect de leurs horaires. D’ailleurs, les pointages étaient trafiqués, avec interdiction pour les salariés de recevoir leurs fiches de pointage. Pas de trace non plus de leurs bulletins de salaire, à moins de se lancer dans des démarches compliquées pour les récupérer. En deux ans de travail, une de leurs collègues n’a jamais reçu la moindre fiche de paie. Enfin, les représentants du personnel n’avaient pas été élus, mais désignés arbitrairement. Pour résumer, une employée nous confie : « dès que quelqu’un dans l’entreprise connaît ses droits, ils le poussent à bout ; ils font tout pour qu’il démissionne ».
Agression physique
La situation a empiré à l’approche des élections présidentielles : quatre sympathisants RN ont commencé à interpeller les trois collègues. Le « débat » se doublait de menaces et d’insultes. Les altercations devenaient quotidiennes. Parmi ces employés, l’une a carrément déclaré : « je suis néo-nazie ». Quand Imène, Ana et Kameron se sont tournés vers la direction, celle-ci n’a montré aucun soutien. On leur a même reproché de ne pas tolérer les opinions de leurs collègues !
Les choses ont dégénéré jusqu’à l’agression physique, fin septembre. Un soir, une coach a volontairement négligé les procédures d’hygiène en préparant la commande d’Imène. Une employée s’est interposée, mais un des employés s’en est mêlé et a tenté de lui arracher son voile. Imène et sa collègue ont été frappées. La direction a écouté les agresseurs, mais expédié le témoignage des victimes.
Mobilisation
Cette agression a fait déborder le vase. Deux rassemblements ont été organisés en novembre dernier. Après le premier, une salariée venue en soutien a été accusée d’avoir trahi son équipe. On l’a souvent retrouvée reléguée à des postes ingrats. Mais en dépit de l’intimidation et des pressions, leur mobilisation trouve un écho croissant : des employés d’autres restaurants de la franchise les ont contactés.
Aujourd’hui, les salariés mobilisés sont soutenus par le défenseur des droits, le collectif McDroits (qui lutte pour les droits et de meilleures conditions de travail chez Mc Donald’s), et plusieurs organisations, dont l’UL CGT et la FI. Ils revendiquent la mise en place de formations sur le harcèlement et de temps d’échange entre salariés, ainsi que le licenciement des agresseurs. Ils ont également demandé une enquête externe sur les agissements du directeur actuel et son absence de soutien à l’époque des faits. Enfin, ils exigent de véritables élections pour les représentants du personnel.
Pour garantir des avancées chez Mc Donald’s et dans toutes les chaînes de restauration rapide, les travailleurs de ce secteur devront s’organiser à grande échelle. Dans le même temps, il nous faut lutter pour une société où ces discriminations et ces agressions n’auront plus leur place.