La fermeture de l’UGC Normandie, prévue pour le 13 juin, marque la fin d’une ère pour l’une des dernières salles de cinéma des Champs-Elysées. Cette décision suscite le désarroi des employés et des cinéphiles, et reflète la transformation de cette avenue autrefois dédiée à la culture cinématographique en une destination dominée par le luxe et la restauration rapide. Il y a 50 ans, on comptait 65 salles sur les Champs-Élysées. Après la fermeture du Normandie, il ne restera qu’un seul cinéma.
Avec ses 862 places, le Grand Normandie était un monument de la culture cinématographique. La hausse progressive du prix de la place a limité son accès aux plus aisés. Aujourd’hui, il faut débourser 16,30 € pour une séance.
Ces hausses tarifaires n’ont ni sauvé la salle, ni amélioré les conditions de travail des employés. Le sous-effectif, le refus d’indexer les salaires sur l’inflation, ainsi que le travail de nuit, les weekends et les jours fériés sans contrepartie ont motivé une grève des salariés. La direction générale, avec des salaires dépassant aisément 15 000 € par mois, a déclaré que les agents d’accueil étaient assez bien payés (4 % de plus que le SMIC) et a refusé toute rupture conventionnelle, imposant une mutation ou une démission sans droit au chômage.
UGC a donc ignoré les revendications et a exercé une pression psychologique intense sur les employés. Chaque gréviste a été convoqué devant les cadres du groupe, qui les ont menacés de ne pas satisfaire leur premier vœu de mutation, ce qui a écourté la grève. Le délégué du personnel et la CFDT se sont montrés complices de la direction en brisant la mobilisation et en soutirant des informations auprès des agents pour les transmettre au siège.
La direction d’UGC attribue la décision de la fermeture au bailleur qatari, qui préfère remplacer le cinéma par un commerce plus profitable. Mais elle a indéniablement sa part de responsabilité. Une programmation peu ambitieuse due à l’absence de consultation des salariés a précipité cette situation. De plus, qu’importe la décision des Qataris, la direction avait déjà exprimé, en interne, le fait que le Normandie n’était pas assez « rentable ».
Les grèves des employés du Normandie et des cinémas UGC de Strasbourg et de Lyon ont réussi à sensibiliser leurs collègues partout en France avec l’appui de la CGT. La direction craint une extension de la grève aux grands cinémas parisiens comme Les Halles, Bercy et La Défense. Cette mobilisation rappelle qu’aucune projection, qu’aucune vente de pop-corn n’est possible sans l’aimable permission des travailleurs.