Depuis le début de l’année 2024, les attaques contre le monde du travail n’ont pas cessé. Par exemple, les licenciements économiques ont augmenté de 15 % au premier semestre. Il y a aussi l’inflation persistante sur des produits de première nécessité.
Dans ce contexte, la « trêve sociale » demandée par Macron, lors des trois semaines des Jeux Olympiques, a été vécue comme un affront – notamment par les travailleurs du commerce, qui seront durement impactés. Nous avons pu le constater en discutant avec eux lors d’une récente manifestation organisée par la CGT Commerce, à Paris.
Stagnation salariale
Dans plusieurs grandes entreprises de ce secteur, les négociations annuelles obligatoires (NAO) ont abouti à des refus de primes et à de trop faibles augmentations de salaires. Par exemple, le groupe Accor a refusé l’octroi d’une prime exceptionnelle à ses salariés, prétextant que « c’est à la discrétion du directeur de l’hôtel en place ». Idem chez Monoprix, dont les patrons ont rejeté la demande d’une prime de 800 euros, et qui n’ont augmenté les salaires que de 1,5 % à 2 % lors des NAO – soit bien moins que l’inflation. Les salariés d’Auchan ont reçu des primes dérisoires : de 17 à 20 euros bruts. Enfin, un délégué syndical de Castorama explique : « cette année, l’entreprise a présenté un bilan avec des profits de plusieurs centaines de millions d’euros, mais nous ne voyons pas la couleur de cet argent ».
Dans le même temps, le patronat du secteur exerce une pression croissante sur les conditions de travail. Les licenciements sont devenus monnaie courante et viennent accentuer le sous-effectif, comme nous l’explique le délégué syndical d’un magasin Castorama : « nous avions 240 salariés il y a une dizaine d’années. En 2019, nous étions 137. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que 100. Or la charge de travail augmente sans cesse à cause de l’afflux de marchandises. Mais la direction continue de licencier et ne remplace pas les départs à la retraite ».
Les répercussions des JO
Un délégué CGT de Monoprix souligne les répercussions des Jeux Olympiques : « Il y aura un afflux massif de touristes, et inévitablement, beaucoup d’argent affluera dans les caisses des entreprises du commerce. Dans le groupe Accor ou Ibis par exemple, les prix des chambres ont été multipliés par quatre, sans répercussion sur les salaires. Nous, les petits salariés, n’aurons rien en contrepartie. Bien au contraire, les patrons en profiteront pour attaquer nos conditions de travail tout en bafouant le Code du travail ».
Un autre salarié de Monoprix explique comment la direction se sert de la période pour exercer une pression sur les rythmes de travail : « on commence plus tôt le matin, certaines livraisons arrivent désormais à 4h du matin, et on termine de plus en plus tard le soir, jusqu’à 22h ou 23h. En outre, les employés se voient refuser la possibilité de prendre des congés en juillet et en août. »
L’interdiction de poser des congés pendant les JO est très courante dans le secteur. Chez Accor, la direction impose même à ses salariés de travailler 12 jours d’affilée sans repos, ce qui mettra les travailleurs en danger. « Il y aura des accidents, des blessures graves », s’inquiète un délégué CGT AccorInvest. « Ils diront que l’ouvrier a manqué de vigilance, qu’il n’a pas fait attention. Mais non : ce sera à cause de la surcharge de travail ».
Des luttes se préparent
Tout ceci ne peut qu’attiser la colère des travailleurs. Un salarié de l’hôtellerie mobilisé se questionne sur la signification de la « trêve sociale » exigée par Macron. « S’il parle de trêve, c’est que nous sommes en guerre. Le sommes-nous vraiment ? Oui, on est en guerre pour nos augmentations de salaires. »
La classe dirigeante mise sur les JO pour faire un maximum de profits et redorer son image sur la scène internationale. De leur côté, les travailleurs auront un puissant moyen de pression pour faire valoir leurs revendications, comme l’explique un salarié du groupe Accor : « les supporters seront dans nos hôtels, donc on pourra faire des blocages. On pourra aussi envahir un hall d’hôtel pour montrer que ça ne va pas, et ça les patrons n’aiment pas... »
Plusieurs structures syndicales ont annoncé des luttes : « Face à l’inflation et au mépris patronal, nous préparons des actions de contestation. Nous faisons partie du collectif CGT Monoprix Île-de-France et nous nous apprêtons à lutter ». Des préavis de grève ont d’ores et déjà été déposés dans plusieurs secteurs, cet été. Dans le contexte politique actuel, elles pourraient prendre de l’ampleur et alimenter une lutte générale pour la mise en œuvre des mesures sociales du programme du Nouveau Front Populaire.