Les élections municipales de mars 2020 occupent déjà une place importante dans la vie interne et publique de tous les partis. Comment, selon nous, la France insoumise (FI) devrait-elle aborder cette échéance et mener campagne ?
L’expérience de 2014
Le mode de scrutin des élections municipales ouvre la possibilité d’alliances diverses et variant d’une ville à l’autre. Et trop souvent, par le passé, la « gauche radicale » a noué des alliances incohérentes avec des partis réformistes discrédités. Beaucoup de jeunes et de travailleurs en concluaient – à juste titre – que la course aux sièges primait sur le programme et les idées.
En 2014, le Front de Gauche, constitué du PCF et du Parti de Gauche de Mélenchon, avait explosé précisément sur la question des alliances aux élections municipales. Dans la moitié des grandes villes du pays (dont Paris), le PCF avait fait alliance avec le PS dès le premier tour – alors que le PS était au pouvoir et y menait une politique réactionnaire. Le Parti de Gauche rejetait cette stratégie erronée, mais faisait alliance dès le premier tour avec les Verts dans plusieurs grandes villes, alors que les Verts soutenaient le gouvernement et y avaient même deux ministres. Le résultat fut à l’image de cette stratégie : mauvais.
Les leçons de 2014 ont-elles été tirées ? Du côté du PCF, c’est peu probable, malheureusement. L’appareil de ce parti dépend beaucoup – y compris financièrement – de son réseau d’élus, en particulier municipaux. Or, pendant des décennies, ce réseau d’élus s’est constitué dans le cadre d’alliances avec le PS. Plus le PS se discréditait, plus il entraînait le PCF dans sa chute, bien sûr. Mais la direction du PCF s’est révélée incapable de rompre son lien fatal avec l’appareil du PS. Et malgré l’énorme affaiblissement du PS, on peut s’attendre à ce que, de nouveau, le PCF s’allie avec le PS dans de nombreuses villes. Ce serait une erreur grossière, mais conforme à la dynamique politique à l’œuvre dans l’appareil du PCF.
Le programme et les alliances de la France insoumise
Dans ce contexte, que doit faire la FI ? D’abord, elle doit faire campagne sur un programme radical et anticapitaliste. La campagne de la FI aux élections européennes manquait de radicalité ; il ne faut pas répéter cette erreur. En outre, la FI doit faire campagne sur des thèmes nationaux – et non seulement municipaux. Il faut rejeter l’idée absurde selon laquelle « aux élections municipales, l’électorat se prononce sur des enjeux municipaux ». En réalité, la couche la plus consciente de la population sera d’autant plus disposée à voter pour la FI que celle-ci apparaîtra comme une alternative de gauche radicale au gouvernement Macron. Les dynamiques nationales dominent les dynamiques locales, surtout dans un contexte de crise du capitalisme. Dans les tracts et les réunions publiques de la FI, le programme local doit être lié à la nécessité de s’attaquer à la grande propriété capitaliste au niveau national.
Dès lors, la question des alliances que la FI peut proposer est assez simple. Premièrement : pas d’alliance avec le PS et les Verts. Parmi les éléments les plus radicalisés de notre classe, ces deux partis sont très discrédités, car ils étaient récemment au pouvoir et y ont mené une politique d’austérité.
On nous répondra : « Mais les Verts ont fait un bon score aux élections européennes ! » Oui, mais les jeunes qui ont apporté leur suffrage aux Verts, en juin dernier, n’ont pas tellement voté pour le programme pro-capitaliste de ce parti ; ils ont surtout voté pour le climat et contre la destruction de l’environnement. Depuis toujours, les Verts exploitent ces préoccupations à des fins électorales, mais n’apportent pas la moindre solution crédible aux problèmes environnementaux, car ils défendent l’économie de marché et la course aux profits. Par exemple, ils sont résolument hostiles à toute « planification ». Dès lors, comment la FI pourrait-elle défendre son idée de « planification écologique » dans le cadre d’alliances avec les Verts ?
Une fois le PS et les Verts exclus de sa stratégie d’alliances, la FI pourra se tourner vers la « gauche radicale » (PCF, NPA, LO) pour leur proposer des alliances. En leur posant, cependant, deux conditions : 1) Que le programme de l’alliance soit anticapitaliste et radical ; 2) Que les organisations en question ne se lancent pas dans des alliances « à la carte » : ici avec la FI, là avec le PS ou les Verts, etc. La stratégie d’alliances de la « gauche radicale » ne sera crédible que si elle est cohérente au niveau national.
La direction du PCF rejetterait ces propositions de la FI ? Oui, c’est probable. Mais alors, ce parti porterait seul la responsabilité de la division. La démarche de la FI, elle, serait claire et comprise par beaucoup de jeunes et de salariés. La FI en tirerait tous les bénéfices politiques, y compris dans la perspective des prochaines élections présidentielles et législatives.