Nos adversaires accusent les marxistes de préparer une « révolution violente », voire une guerre civile, à l’instar de celle qui ravagea la Russie dans la foulée d’Octobre 1917.

Relevons d’abord qu’ils s’émeuvent de la violence révolutionnaire, mais pas de la violence réactionnaire, et notamment impérialiste, que le capitalisme inflige chaque jour aux peuples du monde entier. En outre, lorsqu’ils évoquent la guerre civile en Russie, ils « oublient » de préciser qu’elle fut imposée au gouvernement bolchevik par un soulèvement violent des anciennes classes dirigeantes et par l’intervention de 21 armées étrangères. Bref, nos adversaires condamnent la violence des exploités, mais passent sous silence – ou justifient – celle des exploiteurs. Pure hypocrisie.

Marx soulignait qu’aucune classe dirigeante, dans l’Histoire, n’a cédé le pouvoir sans se battre. En France, la bourgeoisie a très vite montré de quelle cruauté elle était capable. En juin 1848, à Paris, l’écrasement d’une insurrection ouvrière a fait des milliers de victimes. Puis, en mai 1871, des dizaines de milliers de Parisiens furent massacrés lors de la « semaine sanglante » qui marqua la défaite de la Commune de Paris.

Ceci étant dit, non seulement nous ne voulons pas que la révolution soit violente, mais nous pensons que, de nos jours, elle peut être relativement pacifique. En effet, la classe ouvrière (le salariat) constitue désormais l’écrasante majorité de la population, tout au moins dans les pays capitalistes les plus développés. Les réserves sociales traditionnelles de la réaction – les classes moyennes et, surtout, la paysannerie – ont été réduites à une petite minorité de l’organisme social (alors que la Russie de 1917 comptait 90 % de paysans). Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le rapport de force objectif entre les classes s’est considérablement modifié au profit de notre camp, celui du salariat. Ce fait a d’importantes implications, dont celle-ci : lors d’une révolution, la bourgeoisie pourra être bien plus facilement désarmée que par le passé. A une condition : que les travailleurs disposent d’une direction révolutionnaire déterminée à prendre le pouvoir.

En mai 68, par exemple, les dirigeants du PCF et de la CGT auraient pu prendre le pouvoir de façon relativement pacifique. De Gaulle aurait mobilisé l’armée ? Il aurait pu essayer. Mais sa base était nécessairement contaminée par la fièvre révolutionnaire – et l’armée se serait disloquée au premier choc sérieux. Le transfert du pouvoir entre les mains de la classe ouvrière aurait pu s’effectuer sans bain de sang ni guerre civile. Les puissances capitalistes voisines n’auraient pas pu intervenir militairement contre une France révolutionnaire, car leurs classes ouvrières ne l’auraient pas permis. Cependant, les dirigeants du PCF et de la CGT ne voulaient pas prendre le pouvoir. Tel était le problème. Et ce problème de la direction révolutionnaire reste entier, aujourd’hui.

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