Dans un article précédent, nous avons répondu à un argument classique contre le socialisme : celui qui porte sur la soi-disant « nature humaine ». Il vient souvent accompagné de son petit frère, que voici : dans une société socialiste, « comme tout le monde recevra le même salaire », plus personne n'aura envie de travailler. Dès lors, l'économie s'effondrera dans un abîme de fainéantise. Ainsi se trouvent justifiées les inégalités sociales – et le capitalisme. Ou pas ?
Des parasites très bien payés
Première objection : sous le capitalisme, ce ne sont pas ceux qui travaillent le plus qui sont les mieux payés ! Au contraire. Les plus grandes fortunes ne se sont pas enrichies par leur travail, mais grâce au fait qu’elles possèdent des moyens de production (usines, banques, etc.), souvent hérités de leurs parents. C’est cela qui leur permet de s’approprier le fruit du travail des autres, des salariés, qui ne possèdent pas de moyens de production. Les milliardaires ne font rien – ou presque rien – de productif. Ils payent même des gens pour gérer leur fortune à leur place !
Par contre, des millions de personnes, en France, sont obligées de travailler 40 heures par semaine, et parfois bien plus, pour un maigre salaire. Sous le capitalisme, il n'y a donc pas de rapport direct entre la quantité de travail fournie et les revenus. Si c'était le cas, les salariés seraient tous au moins dix fois plus riches que Bolloré !
Une société de transition
En outre, il n'est pas vrai que sous le socialisme nous serons « tous payés pareil ». En effet, notre but final est d’arriver à une société communiste, une société d'abondance dans laquelle chacun pourra consommer gratuitement tout ce dont il a besoin. Mais nous savons que cela ne se fera pas du jour au lendemain. Cela supposera un puissant développement de la productivité du travail. Et il y aura donc nécessairement une phase de transition, au cours de laquelle la société portera encore « les stigmates de l'ancienne société, des flancs de laquelle elle est issue » (Marx).
Sur la base d'une économie démocratiquement planifiée, on pourra très vite éliminer le chômage, réduire le temps de travail et fournir gratuitement des services tels que l’énergie, les transports, la santé, etc. Mais tant que l’abondance générale ne sera pas une réalité, le système monétaire et le travail salarié seront toujours nécessaires. Et il serait utopique de croire que les travailleurs accepteront d’être tous payés le même salaire, indépendamment de la quantité et de la qualité du travail qu'ils fournissent. En ce sens, le montant du salaire continuera de jouer un rôle dans la « motivation » des travailleurs (leur productivité). Mais d'une part, l’écart entre les revenus sera d'emblée beaucoup moins important que sous le capitalisme. D'autre part, cet écart aura tendance à diminuer, pour finalement se fondre dans la gratuité universelle, conformément à la formule du communisme donnée par Marx : « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins. »