Les réformistes de gauche critiquent plus volontiers le « néolibéralisme » que le capitalisme. Selon eux, la source des injustices sociales ne serait pas le capitalisme, mais sa version néolibérale. Et donc, un « bon » capitalisme – plus juste, plus humain – serait possible. Vraiment ?
Sur le plan idéologique, le néolibéralisme est une médiocre imitation de l’économie politique bourgeoise de la fin du XVIIIe siècle. Il reprend une idée d’Adam Smith (1723-1790) : la poursuite des intérêts individuels, égoïstes, aboutit paradoxalement à « l’harmonie sociale », grâce à la « main invisible » du marché. Conclusion de nos fondamentalistes néolibéraux : il faut tout livrer au marché. L’Etat ne doit pas intervenir dans l’économie. A bas le secteur public ! A bas les systèmes de protection sociale ! Il faut tout privatiser – y compris la santé et l’éducation ! S’ils pouvaient nous vendre l’air qu’on respire, ils le feraient.
La vague néolibérale
Les trois décennies qui ont précédé la crise de 2008 furent l’âge d’or du néolibéralisme. La récession mondiale de 1973-74 était passée par là, refermant le cycle des « trente glorieuses », avec ses taux de croissance élevés, son plein emploi et ses réformes sociales (du moins dans les pays capitalistes les plus développés). A partir de la crise de 1973-74, les bourgeoisies lancent une offensive générale contre les conquêtes sociales arrachées par notre classe après la Deuxième Guerre mondiale. Le néolibéralisme n’était alors que le « nouveau » drapeau sous lequel cette offensive réactionnaire était menée.
Plusieurs facteurs facilitèrent le travail des politiciens bourgeois. La profonde crise des régimes staliniens du Bloc de l’Est, puis leur effondrement en 1989-91, offrirent un argument de choix aux apôtres du « libre marché ». Par ailleurs, les dirigeants du mouvement ouvrier (« communistes » compris) plièrent sous cette pression et renoncèrent officiellement à l’objectif de renverser le capitalisme.
Le masque tombe
La crise mondiale de 2008 marqua un tournant. Soudainement, les mêmes qui nous expliquaient, depuis 30 ans, que l’Etat ne devait pas intervenir dans l’économie, se tournèrent vers les gouvernements, les mains grandes ouvertes, pour exiger qu’ils sauvent les banques et les multinationales au bord de la faillite. Les gouvernements s’exécutèrent : ils intervinrent à coup de centaines de milliards – puis présentèrent la lourde addition aux jeunes, aux travailleurs et aux retraités, sous la forme de politiques d’austérité drastiques.
Les théories néolibérales et leurs partisans en sortirent passablement discrédités. Une fois dépouillé de sa critique de « l’intervention de l’Etat », le discours des néolibéraux (ou des ex-néolibéraux) apparaît dans la nudité de son contenu de classe : c’est le discours de la grande bourgeoisie qui, dans sa course aux profits, ne s’embarrasse d’aucun principe théorique.
Ainsi, le néolibéralisme n’est qu’une des armes – idéologiques et politiques – dans l’arsenal de la classe dirigeante. Il ne disparaîtra définitivement qu’avec le capitalisme lui-même. C’est donc à ce système qu’il faut s’attaquer, et pas seulement au néolibéralisme. A l’heure de sa crise organique, le capitalisme mondial n’ouvre pas d’autre perspective que la régression sociale permanente, les guerres et le chaos climatique. Il n’y a pas et il n’y aura jamais de « bon » capitalisme. Il doit être renversé.