Face à la récession qui commence, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a annoncé que le gouvernement était prêt, « si nécessaire », à « nationaliser » de grandes entreprises françaises, pour les « protéger ». Jusqu’alors, pourtant, le même vantait les mérites des privatisations ; comme ministre, il en a piloté plusieurs avec enthousiasme. Comment expliquer cette apparente contradiction ?
C’est simple : Bruno Le Maire applique le bon vieux mot d’ordre bourgeois : « nationaliser les pertes, privatiser les profits ». Le type de « nationalisations » qu’il envisage est bien connu ; on y a déjà goûté lors de la crise de 2008 et 2009 : il s’agit de sauver de grandes entreprises de la faillite en y injectant d’énormes quantités d’argent public. Puis, une fois qu’elles sont remplumées et que la conjoncture le permet, ces entreprises sont de nouveau privatisées – pour une bouchée de pain. Bien sûr, l’addition est ensuite présentée aux travailleurs, sous la forme de politiques d’austérité et d’augmentations d’impôts.
Le mouvement ouvrier ne doit pas soutenir ce genre de nationalisations, car elles ne sont rien d’autre, au final, qu’une politique de subvention massive des grands capitalistes – à partir des caisses de l’Etat.
Le report de la privatisation des Aéroports de Paris (ADP) relève de la même logique. « Les conditions de marché ne sont pas favorables », a expliqué la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye. Traduction : la crise sanitaire et économique a balayé les perspectives de profits que cette privatisation faisait miroiter. Mais dès que les « conditions de marché » deviendront plus « favorables », le projet de privatisation sera relancé.
Expropriation, gestion ouvrière et planification
Quel type de nationalisations les marxistes défendent-ils ?
D’une part, nous revendiquons l’expropriation des grands capitalistes. Il n’y a aucune raison de les indemniser, car ils se sont déjà largement payés sur la bête, au fil des années. Rappelons, au passage, que le Capital n’est rien d’autre que du travail accumulé (le travail des salariés). En prenant collectivement le contrôle des grands moyens de production, les travailleurs ne feront que récupérer le fruit de leur labeur.
D’autre part, une fois expropriée, l’entreprise doit être gérée démocratiquement par les travailleurs eux-mêmes, et non par les anciens PDG, cadres dirigeants et managers. Les travailleurs doivent élire – et pouvoir révoquer, si nécessaire – ceux qui, dans leurs rangs, assument des tâches de direction.
Dans le cours de la lutte des classes, les marxistes insistent sur la nécessité de nationaliser telle entreprise ou tel secteur de l’économie – par exemple, aujourd’hui, les cliniques privées et le secteur pharmaceutique. Mais une fois que les travailleurs auront pris le pouvoir, ils procèderont à la nationalisation de l’ensemble des grands leviers de l’économie. Il ne sera pas nécessaire de nationaliser les centaines de milliers de petites entreprises que compte le pays. Ce serait même contre-productif. Par contre, tous les mastodontes du CAC 40 – entre autres – devront être expropriés, nationalisés et placés sous le contrôle démocratique des travailleurs. Ce sera la condition sine qua non d’une planification socialiste et démocratique de l’économie.