Contrairement à une idée reçue, les marxistes sont favorables à la lutte pour des réformes. Nous combattons le réformisme, ce qui n’est pas la même chose.
Qu’est-ce qu’une réforme ? C’est « une amélioration dans la situation des travailleurs qui laisse comme par le passé le pouvoir entre les mains de la classe dominante » (Lénine) [1]. La lutte des travailleurs pour de telles améliorations est à la fois inévitable et indispensable. Sans la lutte quotidienne pour de meilleurs salaires, de meilleures conditions de travail, des services publics de qualité, etc., la révolution socialiste serait impossible. En effet, c’est à travers la lutte pour des réformes, à travers l’expérience de cette lutte (et de ses limites) que la masse des travailleurs s’organise, mûrit, élève son niveau de conscience – et tire finalement la conclusion que la lutte pour des réformes ne suffit pas, qu’il faut un changement radical : une révolution.
Qu’est-ce que le réformisme ? C’est une « duperie bourgeoise », écrivait Lénine, qui consiste à « limiter aux réformes les aspirations et les activités de la classe ouvrière », alors que les travailleurs « resteront toujours des esclaves salariés, malgré des améliorations isolées, aussi longtemps que durera la domination du capital ». Autrement dit, au lieu de lier la lutte pour des réformes à la nécessité d’une révolution socialiste, comme le font les marxistes, les dirigeants réformistes expliquent aux travailleurs qu’ils doivent se contenter de réformes, que le renversement du système capitaliste n’est ni nécessaire, ni souhaitable. En ce sens, le réformisme reflète la pression idéologique et matérielle de la classe dirigeante sur les sommets du mouvement ouvrier.
Contre-réformes
Historiquement, le réformisme a eu ses heures de gloire. Par exemple, lors des trois décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale (les « Trente glorieuses »), le capitalisme était en pleine expansion, du moins en France et dans d’autres puissances industrielles. Alors, la vigoureuse croissance de l’économie permettait à la classe dirigeante de faire des concessions aux travailleurs. Les conditions de vie de la classe ouvrière – ou au moins d’une fraction de celle-ci – s’amélioraient. Il n’y avait pratiquement pas de chômage. Chaque génération de travailleurs pouvait espérer vivre mieux que la précédente. Dans ce contexte, les idées réformistes semblaient raisonnables. Il semblait possible d’élever indéfiniment le niveau de vie des masses sans renverser le capitalisme.
A l’inverse, dans les périodes de profonde crise du capitalisme, comme aujourd’hui, non seulement la classe dirigeante ne concède aucune nouvelle réforme progressiste, mais elle s’attaque brutalement à toutes nos conquêtes sociales (exemple : la destruction de notre système de retraites). Les bases matérielles (économiques) du réformisme ayant disparu, ce dernier entre en crise. Les réformistes les plus modérés (Hollande, Berger) passent sans coup férir de la réforme à la contre-réforme – et en sortent discrédités aux yeux des masses. Quant aux « réformistes de gauche » (Mélenchon, Martinez), ils s’opposent aux contre-réformes, ce qui est une bonne chose, mais n’expliquent pas la nécessité de renverser le capitalisme. C’est leur carence majeure, dont toutes les autres découlent.
[1] : Marxisme et réformisme. Tome 19 des œuvres complètes, p.399.