Du fait du développement massif d’internet et des réseaux sociaux, diverses organisations se réclamant du marxisme ont tiré la conclusion qu’elles pouvaient se passer d’un journal politique (en format papier). Elles considèrent que le journal est un outil « dépassé », car elles peuvent toucher du monde au moyen d’un site internet et d’une intense activité sur Facebook, Twitter, Instagram, etc.
Il serait évidemment absurde de négliger internet et les réseaux sociaux. Révolution ne cesse de développer son travail et sa visibilité en ligne. Mais renoncer à la publication régulière d’un journal est une grave erreur, surtout pour une organisation qui prétend « construire le parti révolutionnaire ». En effet, diverses tâches politiques et organisationnelles ne peuvent être assumées que par un journal en bonne et due forme.
Lénine et le journal
Au seuil du XXe siècle, lorsque se posait la question d’unifier le mouvement révolutionnaire russe dans un grand parti centralisé, Lénine insistait sur l’urgence de mettre sur pied « un journal politique pour toute la Russie ».
Nous savons bien qu’internet n’existait pas, à l’époque. Mais cette considération passe à côté de l’essentiel. Dans son article Par où commencer ?, écrit en 1901, Lénine expliquait : « Le journal ne borne pas son rôle à la diffusion des idées, à l’éducation politique et au recrutement d’alliés politiques. Il n’est pas seulement un propagandiste collectif et un agitateur collectif ; il est aussi un organisateur collectif. On peut à cet égard le comparer à l’échafaudage dressé autour d’un bâtiment en construction ; il ébauche les contours de l’édifice, facilite les communications entre les différents constructeurs, à qui il permet de répartir la tâche et d’embrasser l’ensemble des résultats obtenus par le travail organisé. Avec l’aide et à propos du journal se constituera d’elle-même une organisation permanente, qui ne s’occupera pas seulement d’un travail local mais aussi général et régulier, habituant ses membres à suivre de près les événements politiques, à apprécier leur rôle et leur influence sur les diverses catégories de la population, à trouver pour le parti révolutionnaire la meilleure façon d’agir sur ces événements. »
« Organisateur collectif »
Il est vrai que cette idée de Lénine était liée au contexte particulier du mouvement révolutionnaire russe, qui était alors fragmenté en cercles, tracts et journaux locaux. Mais il y a dans cette citation de Lénine une idée très profonde, qui dépasse le contexte concret de l’époque, et dont Révolution fait l’expérience au quotidien : le journal papier est un excellent « organisateur collectif », qui nous oblige à organiser en permanence sa production et sa diffusion, et qui permet à nos militants d'intervenir– avec, en main, un outil politique de qualité – sur les manifestations de jeunes et de travailleurs, dans les universités et les lycées, dans la gauche politique et syndicale, etc.
La production du journal exige de former de bons rédacteurs. Sa régularité et la diversité de ses rubriques obligent à écrire sans cesse sur toute une série de sujets : l’actualité politique, les luttes sociales, le mouvement syndical, les conditions de travail dans tel secteur, la situation internationale et la théorie marxiste (entre autres). Quant à la diffusion du journal, elle structure en profondeur l’activité militante. La vente du journal est une activité centrale de notre organisation ; elle est l’occasion de discuter avec les jeunes et les travailleurs (en chair et en os) que nous abordons – alors que nous pouvons rarement savoir qui lit notre site internet, sans parler d’engager un dialogue avec nos lecteurs en ligne.
Par exemple, concrètement, il est tout de même plus facile d’intervenir sur une manifestation avec un journal qu’avec l’adresse d’un site internet – ou avec un simple tract, qui dès lors fait office de « journal »… d’une page.
Enfin, l'achat de notre journal a une signification politique particulière, car c'est une façon de financer notre organisation, et donc de la soutenir.
Dans cette perspective, le développement du parti révolutionnaire peut se mesurer à la qualité de son journal, à la fréquence de sa parution et à la croissance de son lectorat, mais aussi du nombre de jeunes et de travailleurs qui lui envoient des contributions écrites. A ce propos, cher lecteur, on attend la vôtre !