Le soulèvement des Palestiniens, à Gaza et en Cisjordanie, et les massacres perpétrés par l’armée israélienne ont capté l’attention des travailleurs du monde entier. Des centaines de Palestiniens ont été tués ou blessés par l’armée d’occupation. Sur la première cinquantaine de morts, treize étaient des enfants, dont une petite fille qui n’avait pas encore deux ans. Armés de pierres et de bouts de bois, la jeunesse palestinienne a fait preuve d’un grand courage face à un adversaire infiniment plus puissant. La mort de deux soldats israéliens aux mains d’une foule enragée a été le prétexte, pour les forces israéliennes, de raids aériens meurtriers. Clinton, cet homme de cœur qui a bombardé les Serbes et qui, avec le blocus contre l’Irak, a condamné à mort des centaines de milliers d’enfants, avait les larmes aux yeux en évoquant le sort de ces deux soldats. Il y avait là un signe sûr de l’approche des élections présidentielles.
Barak, le Premier Ministre israélien, déclare que la répression continuera jusqu’à l’arrêt de la "violence". Quelle hypocrisie ! On ne peut pas mettre la violence d’un esclave en révolte sur le même plan que celle de l’esclavagiste. Ici, nous avons d’un côté une force militaire armée jusqu’aux dents, disposant de chars, d’hélicoptères, d’avions chasseurs-bombardiers, de 175 000 actifs et de 425 000 réservistes et, de l’autre côté, des gens ordinaires, des civils, pour la plupart des jeunes, munis de cailloux et de lance-pierres. La classe dirigeante israélienne prétend que ses méthodes sont d’inspiration biblique : œil pour œil, dent pour dent. Pour un ou deux israéliens, des dizaines de Palestiniens doivent mourir. Après tout, ce ne sont que des Arabes ! Les incidents de Ramallah ont servi de prétexte pour justifier la politique de répression qui permet à Israël de maintenir son contrôle sur les territoires occupés. Car il s’agit bien de territoires occupés, malgré l’existence de la soi-disant "Autorité Nationale" palestinienne.
Le conflit actuel a été délibérément provoqué par le chef du Likoud, Ariel Sharon. Accompagné de 1000 policiers, il est venu à Jérusalem le 28 septembre dernier pour réaffirmer la suprématie israélienne dans l’ensemble de la région et dans la ville elle-même. Sharon a un passé particulièrement sanglant : il est personnellement responsable de nombreux massacres de palestiniens. Cette provocation a été l’étincelle qui a allumé la révolte, mais les causes profondes de celle-ci sont ailleurs.
Les Palestiniens aspirent à un État où ils puissent vivre en paix. Cette revendication est tout à fait légitime. Mais les territoires "autonomes" ne sont absolument pas viables. Les conditions de vie y sont affreuses et se sont nettement dégradées depuis les accords de Madrid et d’Oslo. Près de 80% de l’économie de la Cisjordanie dépend d’Israël, qui contrôle l’électricité, l’eau, les communications et d’autres ressources essentielles. En 1987, 80 000 Palestiniens avaient une autorisation de travailler en Israël. Aujourd’hui, ils ne sont plus de 8000. Cette restriction a été imposée dans le but d’humilier les Palestiniens et d’affirmer la domination d’Israël. Quelque 400 000 Palestiniens vivent encore dans des camps de réfugiés, c’est à dire dans d’atroces conditions sociales et sanitaires. Les territoires autonomes ne sont en réalité qu’une série de "cantons" dont le passage de l’un à l’autre est contrôlé par l’armée israélienne. La question de Jérusalem n’est pas résolue. Gaza est coupé de la Cisjordanie.
Dès le départ, le régime intérieur des territoires autonomes était un État policier exercé contre les Palestiniens eux-mêmes, et dont les aspects dictatoriaux n’ont cessé de s’accentuer. L’accord signé par Arafat a apporté prestige et enrichissement personnel à la clique dirigeante de l’OLP, mais n’était qu’un misérable simulacre d’autodétermination et un piège pour le peuple palestinien. C’est pour cette raison que la jeunesse en est arrivée à la conclusion que son émancipation passe par sa propre lutte. Elle n’a pas d’autre choix. Elle ne peut pas et ne doit pas faire confiance à Arafat et à son entourage d’affairistes. Les Palestiniens ne se sont pas battus pendant des décennies pour se retrouver dans la misère, avec une clique minable de capitalistes corrompus sur le dos. Cette nouvelle Intifada rappelle la nécessité d’organisations indépendantes, démocratiques, autrement dit réellement représentatives des jeunes, des travailleurs, des chômeurs et des étudiants palestiniens.
Il n’est pas exclu que la situation actuelle débouche sur une confrontation majeure entre les États de la région. Cette perspective fait trembler les régimes arabes. Les régimes arabes et une partie de la classe dirigeante israélienne souhaitent conclure un accord sur la question des palestiniens afin de pouvoir développer ses échanges commerciaux, dans la région. Les États-Unis et les puissances européennes ont eux aussi intérêt à maintenir la "stabilité" de la région. Ces intérêts sous-tendaient les accords de Madrid et d’Oslo. Cependant, les conditions matérielles dans lesquelles vivent actuellement les Palestiniens ne figuraient guère dans ces pourparlers. Pour les dictatures arabes, la cause palestinienne n’est qu’une monnaie d’échange diplomatique. Elles ont laissé les jeunes palestiniens se battre les mains nues face à l’armée israélienne. Si elles ne peuvent tolérer de droits démocratiques à l’intérieur de leurs propres Etats, il ne faut pas s’attendre à ce qu’elles se soucient de ceux des Palestiniens.
En Israël, une vicieuse campagne de haine anti-Arabe a été déclenchée par la presse et les médias. Un journal quotidien a publié le résultat d’un sondage selon lequel 60% des juifs israéliens se seraient exprimés en faveur d’un "transfert" des palestiniens, autrement dit d’un "nettoyage ethnique". Aujourd’hui, delà, les travailleurs palestiniens en Israël sont progressivement remplacés par de la main d’œuvre importée de Roumanie et de Thaïlande. Des émeutes anti-Arabe ont déjà eu lieu en Israël au cours desquelles des "citoyens israéliens" d’origine arabe ont été tués sous le regard passif des autorités militaires et policières. Les dirigeants des organisations syndicales israéliennes n’ont pas condamné ces agressions. Ce silence honteux fait d’eux des complices des racistes. En Israël, le Parti Communiste a soutenu Barak aux dernières élections. Son programme revient à réclamer une partition ethnique suivant laquelle les deux communautés vivraient "côte à côte", un peu comme un lapin et un loup affamé vivraient "côte à côte". Aussi longtemps que les organisations des salariés, en Israël, refuseront de défendre les Palestiniens contre leur répression par l’État d’Israël, elles ne pourront non plus défendre les intérêts des salariés eux-mêmes. Comme le soulignait Karl Marx à son époque, une classe ouvrière qui ne s’oppose pas à l’oppression d’un autre peuple ne peut pas accomplir sa propre émancipation.
La création d’un État fédéral, laïque et démocratique pour toute la région offre la seule issue hors de cet enfer. Mais ceci est impossible sur la base du capitalisme. L’idée de deux États, un pour les Juifs, l’autre pour les Palestiniens, n’est pas viable. Ceux qui défendent cette idée devraient aller jusqu’au bout de leur proposition : quelles en seraient les frontières ? Qui prendrait Jérusalem ? Ce programme n’est qu’une recette pour de nouvelles guerres et de nouvelles atrocités. De toute façon, la classe dirigeante, en Israël - de loin la plus grande puissance militaire de la région - ne tolérera jamais l’existence d’un État palestinien viable à ses portes. Par conséquent, la solution du problème palestinien ne peut venir que du renversement de l’État israélien, c’est-à-dire par d’une démarche révolutionnaire et internationaliste capable d’unir les classes ouvrières israélienne et arabe dans une lutte commune contre leur ennemi commun. Sur cette base, et uniquement sur cette base, il deviendra possible de débarrasser la région de la guerre, de la misère et de l’oppression.