Ces derniers mois, des témoignages de victimes d’agression ou de harcèlement sexuels se sont multipliés sur les réseaux sociaux. Ce mouvement a pris la forme d’une indignation collective.
Harcèlement et inégalité
Ces témoignages ne sont pas anecdotiques. Relayés par des milliers de femmes, ils ont rendu visibles l’ampleur et la diversité des violences subies au quotidien. En France, 16 % des femmes déclarent avoir subi un viol ou une tentative de viol au cours de leur vie. A un tel niveau de harcèlement ou de violence, il ne s’agit pas de quelques histoires personnelles, mais d’un problème systémique. Outre la souffrance qu’elles représentent pour celles qui en sont victimes, ces violences font partie de l’oppression générale que subissent les femmes dans la société.
En France, une femme peut légalement être indépendante, subvenir à ses besoins matériels, vivre seule, etc. Mais cela ne signifie pas pour autant que l’égalité entre les hommes et les femmes soit réelle. A travail égal, les salaires des femmes sont en moyenne 15,1 % plus bas que ceux des hommes, ce qui pèse lourdement sur le fait que les parents « au foyer » sont très largement des femmes. Idem pour les temps partiels subis, qui concernent surtout des femmes. Dans la période de crise actuelle, l’accroissement du chômage et les politiques d’austérité touchent en particulier les plus précaires, donc en majorité des femmes, tandis que les tensions économiques et sociales aggravent toutes les formes de violences.
L’hypocrisie des institutions
Face à cette masse de témoignages, Emmanuel Macron et la Secrétaire d’Etat Marlène Schiappa ont annoncé plusieurs mesures destinées à « détruire » le sexisme. Marlène Schiappa prévoit notamment de pénaliser le harcèlement de rue en créant un « délit d’outrage sexiste ». Ce dispositif s’appuierait sur la police de proximité, que le Ministère de l’Intérieur prévoit de réhabiliter. On peut douter que cela change quoi que ce soit. D’ailleurs, pour les victimes d’agressions sexuelles, les forces de l’ordre ne sont pas un recours évident. En effet, même si la pression sociale joue un rôle dans le fait que seulement 5 % des cas de viols débouchent sur un procès, il y a aussi de nombreuses difficultés lors des dépôts de plainte : policiers mal formés, absence de tout accompagnement psychologique des victimes, comportement souvent sexiste de la justice...
Macron a insisté sur l’importance de l’éducation. Il a annoncé une campagne de prévention, à l’école, contre la pornographie et les jeux vidéos sexistes. C’est prendre le problème à l’envers : les comportements sexistes ne sont pas le fruit de la vision de la femme présentée dans ces médias. Ils sont le fruit d’une inégalité réelle – sociale, économique et multi-millénaire. C’est cette inégalité réelle qui est à l’origine du sexisme et de la réduction des femmes à des corps ultra-sexualisés, dans les médias (publicité, cinéma, télévision).
Loin de lutter contre cette inégalité, la politique d’austérité du gouvernement l’aggrave. Par exemple, la suppression des emplois aidés touche les associations d’accueil de femmes victimes d’agression. La disparition des CHSCT, prévue par la deuxième loi Travail, aura un impact direct et négatif sur la prévention des violences sexuelles au travail. Signe du désintérêt du gouvernement pour cette question, l’enveloppe du Secrétariat d’Etat de Marlène Schiappa s’élève à 0,007 % du budget total de l’Etat.
Aux origines de l’oppression des femmes
Le gouvernement rejette la responsabilité du sexisme sur des hommes mal éduqués ou malveillants. Or l’éducation ou la répression, à l’échelle individuelle, ne pourront pas éliminer l’oppression des femmes, car celle-ci est au cœur même du système capitaliste. Les oppressions sont utiles à la bourgeoisie, car elles divisent les travailleurs et les opposent suivant des lignes de genre, d’orientation sexuelle, de couleur de peau ou de religion. Le capitalisme ne pourrait survivre une semaine sans ces divisions, s’il devait faire face à une classe ouvrière unie et consciente de son unité. En outre, le sexisme est inhérent au capitalisme, car il est étroitement lié au maintien de la famille traditionnelle, où la femme assume la majorité des tâches domestiques, c’est-à-dire ce travail impayé qui permet la reproduction de nouvelles générations de travailleurs.
Pour parvenir à une égalité réelle entre les hommes et les femmes, il faudra s’attaquer au système économique et social qui soutient l’oppression des femmes, c’est-à-dire au capitalisme – que Macron et Schiappa défendent. Bien sûr, la révolution socialiste n’éliminera pas l’oppression des femmes du jour au lendemain. Mais la baisse du temps de travail, l’élévation générale des niveaux de vie et la socialisation des tâches domestiques, via des services publics de qualité, supprimeront les bases matérielles de l’oppression des femmes, ouvrant la voie à une société vraiment libre et égalitaire.