Le 28 janvier dernier, le projet de loi sur « l’égalité femmes-hommes » a été adopté par l’Assemblée Nationale. Cette loi vient conclure un cycle d’initiatives en faveur de l’égalité de genre lancé il y a un an par la ministre des droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem. Celle-ci affirme que désormais « en France, c’est le 8 mars toute l’année », en référence à la journée internationale de lutte pour l’émancipation des femmes instaurée il y a plus d’un siècle par le mouvement ouvrier. Qu’a donc fait concrètement la ministre que le mouvement ouvrier aurait échoué à imposer ?
L’attention médiatique s’est portée sur la suppression, dans la loi Veil de 1974, de la notion rétrograde de « détresse » pour justifier le recours à l’avortement. Au même moment, ce droit est de nouveau attaqué en Espagne par le gouvernement conservateur. Mais pour le reste, son projet de loi sur l’égalité femmes-hommes se résume à un ensemble de mesures administratives et culturelles qui ne touchent qu’à la marge le problème de l’égalité : une réforme du congé parental (incitant les pères à le prendre), des obligations de parité dans un grand nombre de structures publiques et des pénalités financières renforcées pour le non-paiement des pensions alimentaires et pour le non-respect de la parité en politique.
Cette politique de « la carotte et du bâton » financiers ne touche pas à la racine de l’exploitation des femmes, qui est inhérente au système capitaliste. Par exemple, sur l’égalité professionnelle, la loi « donne aux acteurs les moyens d’y parvenir ». Autrement dit, elle formule le vœu pieux d’inscrire la question de l’égalité salariale dans le cadre des négociations annuelles en entreprise. C’est faire complètement abstraction de la grave crise actuelle du capitalisme. Lorsque l’ensemble des droits de tous les travailleurs est attaqué dans les faits par les capitalistes, que peut bien signifier la « négociation » ? Hypocrisie ou simple naïveté, la ministre affirme que « la France est engagée sur un chemin sans retour, celui de l’égalité entre les femmes et les hommes ». Or en réalité, sous l’impact de la crise, nous sommes engagés sur le chemin de la régression sociale permanente des conditions de vie de la majorité de la population. Et les femmes en sont les premières victimes.
Double exploitation
D’après les données du ministère sur la situation actuelle des femmes en France, nous sommes très loin de l’égalité femmes-hommes. Les inégalités commencent à l’école et se prolongent à l’université. Elles expliquent la plus ou moins grande réussite scolaire dans certains domaines et surtout les choix d’orientation vers telle ou telle filière. Les filles représentent 70 % des étudiants en lettres et sciences humaines, mais sont moins de 30 % dans le domaine des sciences fondamentales. Majoritaires dans les prépas littéraires (75 %), elles ne sont que 30 % dans les prépas scientifiques.
Les femmes représentent 47 % des travailleurs, mais gagnent globalement toujours 25 % de moins que les hommes. En moyenne, leur salaire et leur retraite sont inférieurs de 500 euros à ceux des hommes. 59 % des femmes ont un CDD et 80 % travaillent à temps partiel.
Les femmes consacrent en moyenne 4 heures par jour aux tâches familiales, contre 2h13 pour les hommes. 85 % des personnes vivant seules avec un ou plusieurs enfants sont des femmes. L’État s’appuie donc sur les femmes pour combler ses lacunes en services sociaux, sanitaires et éducatifs. Le double fardeau travail/foyer génère des conditions de vie particulièrement dures pour les femmes des classes populaires. La fermeture de nombreux services publics ne peut qu’aggraver cette situation.
Selon un récent rapport du Forum Économique Mondial de Davos sur les aspects économique, social, sanitaire et politique des conditions des femmes, la France se positionne à la 45e place sur les 136 États du monde – derrière la Namibie (44e), la Bulgarie (43e) ou même l’Espagne (30e).
Le gouvernement Hollande n’a rien apporté de concret aux femmes. Il ne se donne aucun moyen pour attaquer leur double exploitation. Les initiatives culturelles d’une ministre acceptant cette situation ne pourront pas étouffer la colère qui couve parmi les femmes des classes populaires. Alors, cette année encore, faisons du 8 mars une journée de revendications et de lutte contre un système pourrissant qui frappe tous les pauvres – à commencer par les travailleuses. La lutte pour l’émancipation des femmes est donc la bataille de tous dans ce pays : les hommes et les femmes de notre classe doivent s’unir sur ce terrain et exiger de leurs organisations politiques et syndicales une bataille commune qui les libère définitivement de l’exploitation capitaliste.