« Comme partout au tiers-monde, les femmes pakistanaises, et en particulier celles qui travaillent, souffrent d’une pauvreté extrême. Plus que quiconque, elles ont besoin d’une révolution socialiste. C’est la seule voie vers la liberté ! » (Anam Rab)
Une des sessions du Congrès mondial de la Tendance Marxiste Internationale (TMI), qui s’est tenu en août dernier, a été consacrée à la situation des femmes au Pakistan. Cette discussion s’est tenue à la demande de nombreux camarades intéressés par l’activité politique des femmes dans un pays connaissant de graves problèmes. Notre camarade pakistanaise Anam Rab s’est exprimée pendant une demi-heure, puis a répondu à de nombreuses questions sur l’engagement d’une femme marxiste au Pakistan.
Oppression économique et religieuse
Anam a expliqué comment les conditions économiques et religieuses déterminent la situation des femmes au Pakistan. Les statistiques sont sans équivoque : selon les chiffres officiels du gouvernement (qui sont trop optimistes), à peine 26 % de la population féminine sait lire et écrire, dans ce pays. Des sources plus fiables parlent, elles, de seulement 12 %. Anam a dressé le tableau d’une situation désastreuse : manque d’eau courante et d’électricité, chômage très élevé... On aurait tendance à rattacher ces conditions de vie et de travail à une histoire lointaine, mais elles sont la réalité du Pakistan d’aujourd’hui.
La grande majorité de la population vit sous la férule de normes religieuses et morales vieilles de 1500 ans, voire plus. Anam a souligné à plusieurs reprises que la situation des femmes pakistanaises doit être appréhendée dans ce contexte. Et il est très important de souligner que ces vieilles traditions féodales sont encore plus utiles pour le capitalisme, aujourd’hui, qu’elles ne l’étaient aux classes dirigeantes du passé.
Différenciation de classe
La situation des femmes au Pakistan est très différente de celle des femmes européennes. Mais comme en Europe, il existe deux types de femmes au Pakistan : les femmes pauvres des classes inférieures ; et un tout petit groupe de femmes très riches. Bien qu’en théorie le régime religieux soit le même pour toutes les femmes, les femmes de la bourgeoisie ont accès à des conditions d’éducation et de vie totalement différentes, qui les placent dans une tout autre réalité. Par exemple, les femmes de la bourgeoisie ont leurs propres esclaves.
Selon Anam, la grande majorité des femmes pakistanaises vivent dans un monde qui rend très difficile leur accès à quelque forme de bonheur que ce soit. Toutes sortes d’obstacles les empêchent souvent de développer une relation affectueuse avec leur conjoint, leurs enfants, leurs frères et sœurs. Quand un garçon naît au Pakistan, une grande fête est organisée. Pour les filles, il n’y a de place que pour la tristesse, parce que la dot est un lourd fardeau pour la famille. Les filles sont donc mariées très jeunes afin que la famille puisse se débarrasser de cette dépense. Certaines filles sont mariées à seulement cinq ou six ans...
Il en résulte qu’une fille grandit sous une répression brutale. Dans ces circonstances, il lui est quasiment impossible de se développer d’une manière saine, autant sur le plan physique que psychologique.
Les femmes sont condamnées à vivre entre les quatre murs de la maison familiale. Toute l’éducation qu’elles reçoivent n’est qu’une préparation à leur mariage. Une fois mariées, elles sont traitées comme des objets, responsables du ménage, destinées à subir les passions sexuelles et la violence de leur conjoint. Elles ne sont pas en mesure de choisir leur propre avenir. Si une femme tombe amoureuse du mauvais homme – celui qui n’a pas été choisi par la famille – elle est sévèrement punie, souvent par la mort. Chaque année, plus d’un millier de femmes sont ainsi assassinées sur l’autel de « l’honneur ». Les femmes accusées d’adultère sont communément battues en public ou brûlées vives. Leurs parents sont souvent complices de ces crimes, afin d’éviter les conséquences sociales du déshonneur.
Le rôle du travail
Des camarades ont demandé à Anam Rab quelle était l’origine de son engagement révolutionnaire. Elle a expliqué avoir eu la chance de grandir dans une famille ayant une tradition marxiste : elle a donc été gagnée à la lutte révolutionnaire par les siens. Cela prouve qu’il est encore possible, en dépit de circonstances difficiles, de développer une conscience politique et de s’engager pour changer la société. Elle a indiqué ne pas être la seule dans ce cas : surtout parmi celles qui travaillent à l’extérieur du foyer familial, des femmes réussissent à participer à la lutte politique et syndicale. Les syndicats ont ainsi une base militante féminine, notamment chez les infirmières et les travailleuses de l’éducation, qui ont mené des mouvements de grève au cours de l’année passée.
Un nombre plus important de femmes pakistanaises a aujourd’hui accès au marché du travail. C’est dû à la nécessité, pour le capitalisme, de réduire le coût du travail : à tâche égale, une femme gagne entre 30 et 70 % de moins qu’un homme. Malgré cela, pour ces femmes qui travaillent en dehors de leur maison, la situation change profondément. Elles peuvent construire leur propre vie, parler à d’autres personnes et prendre conscience du monde qui les entoure.
Anam Rab a expliqué que notre organisation fait de grands efforts pour gagner les femmes à la lutte. En général, ce n’est pas leur condition de femmes qui les incite à s’engager politiquement, mais plutôt la pauvreté extrême qu’elles et leurs enfants subissent. Après un premier contact, il est possible d’engager un dialogue sur le rôle que jouent les femmes dans la société et la nécessité de changer cette situation. Et une fois gagnées à la lutte, ces femmes vont jusqu’au bout, car elles n’ont rien à perdre.
Alors qu’un festival avec des musiciennes avait été menacé par des fondamentalistes, Anam Rab nous a expliqué avec un calme sourire que les militantes se sont approprié la phrase : « Notre musique suffit à tuer les fondamentalistes. » Elle souligne la nécessité d’avoir une perspective qui vise la transformation de la société entière. Cette session du Congrès s’est conclue sur le constat suivant : si la révolution socialiste est fondamentale pour le reste du monde, au Pakistan, elle est une question de survie immédiate.