Après la réforme du collège en 2016, Parcoursup et la loi ORE en 2018, le gouvernement lance sa réforme des lycées. Elle s’inscrit dans la logique de restriction budgétaire et participe au projet gouvernemental de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires.
Sous prétexte de favoriser l’autonomie et la réussite des élèves, la réforme du lycée général va imposer un « choix » de 12 spécialités aux lycéens, ainsi que de nouveaux programmes très ambitieux. Quant à la réforme du lycée professionnel, elle est annoncée comme « une nouvelle voie vers l’excellence », grâce à une « modernisation des formations ». Tant de lyrisme doit nous mettre sur nos gardes !
Ces « choix » qu’on impose
La réorganisation du lycée professionnel ramènera les 80 formations actuelles à 15 « familles » de métiers. Au passage, elle fera perdre à chaque élève l’équivalent d’un trimestre de cours sur la totalité d’une formation en CAP ou en Bac Pro. La réduction des heures de matières générales nuira à la poursuite d’études des bacheliers professionnels, et même à leur insertion professionnelle, sachant qu’ils n’ont déjà pas accès à l’université et à bons nombres de DUT.
Dans les lycées généraux, la réforme s’accompagnera aussi de réductions du nombre d’heures d’enseignement, d’une augmentation du nombre d’élèves par classe et de programmes qui poseront des problèmes aux élèves les plus fragiles. Concernant les spécialités à « choisir » en classe de première, nombre d’entre elles ne seront pas proposées dans tous les lycées. Le lycéen pourra « choisir », au mieux, une spécialité dans un lycée « proche » de son domicile (si celui-ci peut l’accueillir), ou dans un autre département de l’académie, ou « choisir » l’enseignement à distance via le CNED. « Cela reste un choix », comme l’a dit cyniquement un inspecteur général de l’Education nationale.
Ce choix de spécialités en première, puis en terminale, s’inscrit pleinement dans la continuité de Parcoursup et de la loi ORE. Officiellement, aucun choix spécifique n’empêchera l’accès aux universités. Mais, dans les faits, si le profil de l’étudiant ne respecte pas les « attendus » de l’université, il sera obligé de suivre un dispositif d’accompagnement – ou d’effectuer la licence en 4 ans.
Côté enseignants, ces réformes conduiront à des suppressions de postes dès l’année 2019 — et plus encore en 2020. Les enseignants concernés seront réaffectés soit sur des postes en collège, soit sur des postes de remplaçants. Cette perspective est déjà une source de tensions entre collègues : du fait de l’autonomie accordée aux établissements, chaque enseignant est tenté de lutter pour grappiller des heures afin de sauvegarder son poste. Par ailleurs, entre l’éventuelle obligation de faire 2 heures de cours supplémentaires par semaine, la charge d’organiser des épreuves de contrôles continus pour le bac, les nouveaux programmes et l’enseignement de nouvelles matières, cette réforme va entraîner une surcharge de travail.
La création des EPSF
Autre élément majeur de la réforme : la création d’« Établissements publics des savoirs fondamentaux » (EPSF). Ils seront constitués des classes d’un collège et d’une ou plusieurs écoles primaires du secteur de recrutement du collège. Ils seront dirigés par un principal de collège qui exercera à la fois cette fonction et celle de directeur d’école. Il y aura un ou plusieurs « chefs d’établissement adjoints », dont un qui dirigera les professeurs des écoles. La conséquence immédiate sera la suppression des postes de directeurs d’école.
En regroupant administrativement les classes, le gouvernement économise beaucoup de postes. Dans nombre de communes, la création des EPSF va entraîner la fermeture d’écoles et contraindre les enfants (dès 3 ans !) à de longs trajets en bus. Enfin, cela débouchera sur une augmentation du nombre d’élèves par classe, à l’école comme au collège.
La mobilisation des enseignants
Face à ces attaques menées tambour battant, la réaction des directions syndicales est souvent décevante. La CGT et SUD sont clairement opposés aux réformes. Mais les autres syndicats se contentent de souligner la dangerosité de ces réformes, tout en se félicitant de la moindre « avancée ». Pour toute action, elles invitent les personnels à signer des pétitions et à écrire aux parlementaires...
Cette situation se traduit chez l’ensemble des enseignants par deux types de comportements : la résignation ou la radicalisation. Celle-ci s’exprime notamment dans le mouvement des « stylos rouges ». Il se veut apolitique et non-syndical (bien qu’on y retrouve de nombreux syndiqués) et regroupe environ 70 000 enseignants. Il est hétérogène et formule de nombreuses revendications, dont la première est la hausse du salaire. Il y a une volonté de passer à l’action, de s’exprimer et de s’organiser. Les nombreuses actions proposées par les stylos rouges sont désormais reprises par certains syndicats.
Les réformes Blanquer touchent l’ensemble des enseignants et beaucoup veulent se battre. Il est temps pour les syndicats d’unifier les personnels dans un mouvement de grande ampleur pour un meilleur système éducatif et de meilleures conditions de travail — et donc de meilleures conditions d’apprentissage pour les élèves.