Depuis plusieurs semaines, de nombreux enseignants et parents d’élèves se sont lancés dans l’action contre la réforme Blanquer, à travers le pays. De nombreux articles de cette loi sont contestés. De son côté, le ministre de l’Education nationale se permet d’affirmer que les professeurs sont « instrumentalisés » et, au fond, ne comprennent pas la réforme. Le chef des députés macronistes, Gilles Le Gendre, nous avait déjà expliqué, en décembre, que la politique du gouvernement était « trop subtile » pour l’intelligence du peuple.

Contre-réforme

En réalité, c’est très clair.

Concernant les écoles, un article de la loi envisage la création d’Etablissements publics des savoirs fondamentaux (EPSF), qui a pour conséquence de rattacher des écoles primaires à un collège. Ces écoles seraient alors dirigées par les principaux des collèges. Des postes de directeurs d’écoles seraient supprimés. Ce serait la fin du lien de proximité entre les mairies, les parents et les écoles.

En outre, la création des EPSF ouvre la possibilité de regrouper certaines classes du primaire dans les locaux du collège et supprime le principe des « écoles de secteur ». A terme, cela obligera des parents à scolariser leurs enfants dans des écoles beaucoup plus éloignées de leur domicile.

L’école publique est attaquée par une autre mesure – qui à première vue, pourtant, semble positive : rendre obligatoire la scolarité dès l’âge de 3 ans. Mais le projet de loi implique que les municipalités contribuent désormais au financement des écoles maternelles privées au détriment des écoles publiques !

Concernant les collèges et les lycées, deux heures supplémentaires d’enseignement hebdomadaire pourront être imposées (dans le seul but de supprimer des postes d’enseignants). Par ailleurs, lorsqu’ils seront absents, les professeurs pourront être remplacés par des étudiants non formés au métier.

La réforme du lycée professionnel et la suppression des Bacs S, ES, L (remplacés par un « choix » de spécialités finalement limité) vont augmenter le nombre d’élèves par classe et réduire le nombre d’heures d’enseignement. En lycée professionnel, les élèves perdront environ un trimestre de cours sur leur cycle. En première et en terminale générales, les mathématiques disparaitront du « tronc commun »…

Le mécontentement perdure aussi contre la réforme Parcoursup : des milliers d’élèves se sont retrouvés sans aucune affectation ; d’autres, encore plus nombreux, ont été envoyés dans des filières qui ne correspondent pas à leurs vœux. Nouveauté de Parcoursup, cette année : la fin de la prise en compte de la proximité géographique. Un élève pourrait être envoyé dans une fac très éloignée de son domicile. De plus, pour certaines filières, des frais de candidature seront exigés.

Dès le premier article du projet de loi Blanquer, l’esprit de provocation prédomine. Il comporte une définition du métier visant à imposer à tous les enseignants un « devoir de réserve » qui, jusqu’alors, ne concernait que les cadres du système éducatif. C’est une attaque contre la liberté d’expression des enseignants, jusque dans leur sphère privée.

La mobilisation

Face à toutes ces attaques, de nombreux enseignants du primaire et du secondaire s’organisent.

Malgré les consignes de fermeté du Ministère, des enseignants du primaire n’ont pas fait remonter les résultats des évaluations de CP, pour marquer leur mécontentement. Cela a permis d’impulser le mouvement de protestation et d’informer les parents. Parents et enseignants se mobilisent autour de dispositifs d’« écoles mortes » : les élèves ne se rendent pas en cours.

Dans les collèges et lycées, les modalités d’actions sont diverses : les enseignants distribuent des tracts aux parents lors des journées portes ouvertes. Des réunions sont aussi organisées pour informer les parents et les élèves sur les enjeux des contre-réformes. Pour protester contre le fait qu’on leur demande de faire le travail des psychologues de l’Education nationale, des enseignants démissionnent de leur rôle de professeur principal. De nombreux établissements se sont aussi lancés dans une action qui consiste à donner des notes de 20/20 sur les bulletins, afin de provoquer une désorganisation de l’administration.

Toutes ces actions témoignent d’un ras-le-bol généralisé. Mais aussi nombreuses soient-elles, elles restent trop souvent isolées. Les syndicats majoritaires ont appelé à des journées de grèves déconnectées les unes des autres (19 mars, 30 mars, 4 avril, 12 avril, 9 mai) et à des journées de mobilisation les samedis. La question est posée de faire grève le jour du bac.

La stratégie de jours de grève espacés dans le temps montre ses limites. Les professeurs en lutte subissent des pressions des proviseurs, des principaux et des inspecteurs : les plus revendicatifs sont mutés d’office, d’autres perdent des journées de salaires…

Dans le contexte de crise du système capitaliste, les syndicats de l’Education nationale doivent unir leur lutte aux autres secteurs de l’économie pour amplifier le mouvement et, ainsi, contraindre le gouvernement à reculer.