Le 16 mars 2020, le ministre de l’Education nationale annonçait la fermeture des écoles, collèges, lycées et universités pour faire face à l’épidémie de coronavirus. L’Education nationale n’avait en effet ni masques ni gel hydro-alcoolique, et ses établissements n’étaient absolument pas adaptés pour respecter les distanciations physiques. Après deux mois de confinement, ils ont finalement rouvert le 11 mai, mais dans des conditions désastreuses du fait de l’incurie du ministère. Faute de moyens adaptés ou de sécurité sanitaire, beaucoup d’élèves ne sont tout simplement pas revenus en classe. Aujourd’hui, la rentrée des classes n’apparaît pas avoir été beaucoup mieux préparée.
Un protocole sanitaire très allégé
Début juillet, le ministère de l’Education nationale avait envisagé trois scénarios possibles pour la rentrée : le premier prévoyait un reconfinement total ; le second, une reprise alternant une semaine en présentiel et une semaine en distanciel pour chaque élève ; et enfin le troisième prévoyait une rentrée pour tous dans des conditions « normales ».
C’est ce dernier scénario qui a finalement été retenu avec un nouveau protocole sanitaire publié en catimini le 5 août 2020. Ses règles sont largement assouplies et souvent assez floues. Comparé aux protocoles successifs très contraignants du printemps, ce protocole « allégé » suscite un certain nombre d’inquiétudes du côté des parents et des enseignants, car il va à l’encontre des « protocoles municipaux » qui se multiplient et imposent le port du masque dans la rue.
Suivant les recommandations du Haut Conseil de la santé publique, le document propose notamment, « dans les espaces clos », une distanciation physique, mais précise qu’elle ne sera « plus obligatoire lorsqu’elle ne sera pas matériellement possible ou qu’elle ne permettra pas d’accueillir la totalité des élèves ». Vu l’espace disponible dans la plupart des établissements, cela revient à dire que la distanciation sanitaire est abandonnée dans l’Education nationale. Le port du masque, qui reste obligatoire en intérieur et en extérieur pour les enfants de plus de 11 ans et les professeurs d’écoles élémentaires, de collèges et de lycées, n’est par ailleurs plus imposé aux enseignants de maternelle.
Si le nombre de personnes hospitalisées à cause du Covid-19 n’a pas augmenté cet été, le virus circule toujours et bon nombre de personnels de santé craignent un rebond de l’épidémie à l’automne. Pourtant, rien n’est dit dans le protocole, sur de possibles fermetures totales d’établissements en cas d’apparition de foyers de contamination.
Impréparation et aveuglement
En fait, les établissements scolaires ne sont pas mieux préparés en cette rentrée qu’ils ne l’étaient au mois de mars. Rien n’a été planifié pour mettre en place les mesures de distanciation et, en même temps, recevoir tous les élèves. Il n’y a pas eu d’investissements pour des travaux d’aménagement dans les établissements scolaires, pas plus qu’il n’y a eu d’embauche de personnels supplémentaires. Au niveau des équipements de protection, rien n’est prévu pour fournir gratuitement des masques aux élèves, alors que leur port sera obligatoire à partir du collège. Pour le ministre Blanquer, il s’agirait d’une « fourniture scolaire comme les autres », mais pour des milliers de familles aux revenus modestes, l’achat régulier de masques pour leurs enfants va s’ajouter à une facture de rentrée déjà lourde, surtout en pleine crise économique.
Au final, comme les moyens matériels manquent pour appliquer le protocole sanitaire, c’est le protocole qui « s’adapte » au manque de moyens de l’Education nationale. Le but est d’accueillir l’ensemble des élèves coûte que coûte, tout en essayant de rassurer les parents sur les bonnes conditions sanitaires.
D’un point de vue pédagogique, aucune mesure sérieuse n’a été prise pour prendre en compte les difficultés rencontrées par les élèves durant la période de confinement et de déconfinement. Les programmes (déjà lourds en temps normal) n’ont même pas été allégés, alors que la quasi-totalité des élèves a raté des pans entiers de celui de l’année dernière. Le ministre Blanquer affirme que les dispositifs déjà existants seront suffisants pour rattraper les heures perdues : les « vacances apprenantes » (établissements ouverts durant l’été) et les « devoirs-faits » (aide aux devoirs dispensée aux élèves en fin de journée durant l’année). Ces programmes sont pourtant notoirement inefficaces, car, faute de moyens, ils ne concernent que très peu d’élèves. Ce sera donc encore une fois aux enseignants d’improviser pour trouver des solutions.
La crise sanitaire a été un révélateur brutal de l’état désastreux dans lequel se trouve l’Education nationale, du fait des politiques d’austérité imposées par le capitalisme. Et ce n’est pas parti pour s’arranger. Alors que les salaires des enseignants n’ont pas été augmentés depuis 2008, il a par contre été annoncé une revalorisation de ceux du haut encadrement (directeurs académiques, recteurs, etc.). C’est que le ministère de l’Education nationale a besoin de cadres zélés pour appliquer sa politique de coupes budgétaires.