Le ministère de l’Education nationale a publié un nouveau protocole « renforcé » pour accompagner l’annonce, par Macron, des nouvelles mesures de confinement. Ce protocole ne comporte aucune mesure drastique et ne se distingue du précédent que par une formule encore plus hypocrite, répétée pour chaque mesure suggérée : éviter le « brassage », garder les distances, nettoyer, ventiler... « quand c’est matériellement possible ».
Puisqu’il est « matériellement impossible » d’éloigner les murs, le brassage des élèves aura fatalement lieu dans les cantines ou dans des salles accueillant jusqu’à 35 élèves. A défaut de moyens humains et matériels supplémentaires, le pic de l’épidémie prévu pour la mi-novembre fera des ravages dans les établissements, mettant en danger la santé de centaines de milliers de personnels et d’élèves, ainsi que leurs familles. Mais pour le gouvernement et le Medef, c’est secondaire. L’important, c’est que les élèves aillent à l’école pour que leurs parents aillent travailler, à n’importe quel prix.
La fameuse « deuxième vague » était annoncée par le conseil scientifique depuis la mi-juin, mais le Ministère n’a rien anticipé. Pire : le nouveau protocole est encore moins protecteur que lors du déconfinement. En outre, le signalement des cas de Covid est revu à la baisse, voire étouffé. Les hiérarchies locales accompagnent cette opacité, tandis que des infirmières scolaires s’alarment, en privé, des nombreux cas symptomatiques renvoyés chez eux sans être signalés officiellement. Après avoir cassé le thermomètre, Jean-Michel Blanquer peut claironner qu’il y a peu de contaminations en milieu scolaire...
Mépris et autoritarisme
Après l’abandon des enseignants à eux-mêmes, lors du premier confinement, puis la campagne médiatique de « prof bashing » sur les « enseignants décrocheurs » orchestrée par le ministre lui-même, cet épisode est la goutte de trop, après une série continue de maltraitances institutionnelles.
Le ressentiment contre les hiérarchies, locales et nationale, s’est fortement accentué pendant les vacances, en se cristallisant autour de la gestion calamiteuse de l’assassinat de Samuel Paty. Alors que notre collègue menacé avait été laissé sans protection par sa hiérarchie, le ministre a refusé de reconnaître la moindre défaillance. Il s’est contenté de lancer des diversions médiatiques contre « l’islamo-gauchisme » et d’imposer la lecture en classe d’une lettre de Jean Jaurès « aux instituteurs », après avoir censuré les passages qui critiquent l’institution scolaire.
La colère des professeurs a été portée à ébullition par l’annulation des réunions prévues le jour de la rentrée, pour laisser les personnels discuter de cet événement. Derrière les motifs sécuritaires avancés, cette annulation a été dictée par la peur que ces discussions organisées simultanément, dans tous les établissements, débouche sur l’expression d’un ras-le-bol général.
C’est pourtant ce qui s’est produit : des échanges, voire des AG improvisées par visioconférence, ont eu lieu le week-end, et des débrayages ont commencé dès la rentrée. La colère liée au cas de Samuel Paty s’est mêlée à la contestation du protocole sanitaire. Les lycéens ont été aussi à l’initiative de blocages, qui ont été fortement réprimés, avec des blessés au LBD et des élèves gardés à vue sans motifs. La violence policière a été systématique, exercée sans distinction dans des lycées de banlieue comme de centre-ville ou de zones rurales.
Face à cette colère, le gouvernement a fini par accepter les demi-groupes pour les seuls lycées, dont les élèves n’ont pas besoin d’être gardés. La réforme du lycée et ses classes sans cesse recomposées, dans la semaine, rend cette mesure d’autant plus nécessaire. Il est probable que Blanquer n’ait fait cette concession que pour désamorcer une mobilisation lycéenne qui prenait de l’ampleur.
Mobilisation générale !
La mobilisation doit se continuer au-delà de la revendication du dédoublement des classes dans tous les établissements. Les personnels mobilisés font aussi émerger des revendications sur la construction de nouveaux établissements et de recrutement de personnel enseignant, de surveillance et d’entretien, tant le manque est déjà chronique hors pandémie.
Il faut tirer les leçons des nombreuses mobilisations récentes, en commençant par souligner qu’encore une fois les syndicats n’ont pas préparé sérieusement cette bataille, alors qu’ils en avaient largement le temps pendant les vacances scolaires. Ce n’est qu’après que la lutte ait éclaté à la base, dans certaines académies, qu’ils ont appelé à une grève nationale avancée dans l’urgence au 10 novembre.
La coordination entre les établissements mobilisés doit se poursuivre, en y intégrant les parents. Ceux-ci sont des travailleurs soumis eux aussi à la gestion désastreuse de la crise sanitaire, économique et sociale – d’où l’importance d’élargir les revendications et de politiser la lutte. Comme l’ont montré les mobilisations de toute la dernière période, il est impossible de remporter une victoire sérieuse dans la situation actuelle sans une mobilisation large, dirigée contre l’ensemble de la politique du gouvernement. La préparation d’une telle lutte doit être mise au centre de la mobilisation actuelle.