1 - L’industrie pharmaceutique
2 - La Sécurité sociale et les complémentaires santé
3 - Les cliniques et hôpitaux
4 - Les maisons de retraite
5 - L’organisation des « soins primaires »
6 - Conséquences des conditions de vie et de travail – Financement
La course aux profits constitue le moteur du système capitaliste. Dans toutes les sphères de la société, l’obsession de la classe dirigeante est celle de la rentabilité maximale. Dans le domaine de la santé, cette recherche d’un maximum de profits prend un caractère particulièrement inhumain. Aux yeux des capitalistes, les soins et les traitements ne sont en définitive qu’une marchandise et la santé, un vaste marché.
1 - L’industrie pharmaceutique
Le but des principaux dirigeants d’un laboratoire pharmaceutique n’est pas de faire produire un médicament ou d’en développer de nouveaux, ni de rendre accessible à la population un traitement efficace en cas de maladie. Non : l’objectif premier de ces gens-là est de réaliser un maximum de profits. La santé de leurs clients n’est finalement pas la priorité : elle ne leur importe que dans la mesure où un médicament qui a des effets bénéfiques se vendra plus facilement – et rapportera plus d’argent. L’affaire du Médiator n’en est qu’une récente et tragique illustration ; c’est du moins celle qui a fait le plus de vagues. La vente de ce médicament s’est poursuivie des années après l’apparition des premières preuves témoignant de sa nocivité. Combien de médicaments nocifs sont encore commercialisés ; combien l’ont été ?
Les grands patrons de ce secteur affirment que la société leur est redevable : « sans nous, pas de médicaments ». Ils se targuent d’investir des millions et des millions dans la lutte contre les maladies – et justifient ainsi leurs bénéfices, comme un honnête retour sur investissement. On aurait tort de les croire. Si la fabrication d’un médicament, du développement à sa production, a un coût, il est loin d’être celui affiché par les grands laboratoires. De nombreuses dépenses, qui découlent du fonctionnement du système économique actuel, viennent s’ajouter à ce coût, et sont le plus souvent passées sous silence. Par exemple, leurs lobbies dépensent des millions dans des activités non productives, plus ou moins officielles, à des fins de corruption ou autre. Pour ne citer qu’un exemple, les entreprises liées à la santé font partie des premiers lobbies investisseurs dans les campagnes présidentielles américaines : plus de 40 millions de dollars lors des dernières élections [1].
La promotion commerciale : un gouffre financier
La concurrence est impitoyable et si tant d’argent est investi, il faut que cela rapporte. Et pour que cela rapporte, il faut vendre un maximum. Soit il s’agit d’un « médicament » sans ordonnance et on ira s’adresser directement aux consommateurs : on est alors dans la stratégie d’un classique produit de consommation. Soit il faut que le médicament soit prescrit, et dans ce cas-là on doit s’adresser au prescripteur : le médecin. Et pour cette tâche, une armée de visiteurs médicaux est déployée.
Le visiteur médical bien rodé dispose de plusieurs angles d’attaques. Tout d’abord, il commence par poser des questions qui n’ont rien à voir avec le produit qu’il est venu présenter. Il fait mine de s’intéresser à votre personne. Et qu’on le croie ou non, il n’est pas rare qu’un médecin prescrive un médicament tout simplement parce que le visiteur était « sympa ». Puis vient la présentation de l’étude qui a permis à leur dernier bijou d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché (AMM). On y montre les plus jolies courbes et les plus impressionnants pourcentages extraits de cette étude, qui a coûté une petite fortune.
Enfin, après ces présentations qui prouvent aussi scientifiquement que possible qu’il faut prescrire leur marchandise, un bon visiteur médical doit faire naître dans le cœur du soignant l’impression qu’il lui est redevable de quelque chose. Aussi lui donne-t-il des stylos, des blocs-notes, des échantillons, des babioles pour le laboratoire, souvent aussi pour le soignant. Aussi insignifiantes que soient ces babioles, elles ont une influence sur le prescripteur, consciemment ou pas. Pour en expliquer le mécanisme, on pourrait s’étendre sur des pages et des pages en considérations psychologiques. Contentons-nous de souligner que si ça ne marchait pas, ils auraient arrêté depuis longtemps !
Bien sûr, les cadeaux du visiteur médical ne se limitent pas à des babioles. Pour les soignants qui ont ses faveurs, c’est à dire lorsqu’il estime qu’il y a ou qu’il y aura contrepartie en terme de prescription de produits issus de la firme qu’il représente, le visiteur médical a en réserve une panoplie d’avantages : défraiement pour assister à des congrès (rarement inférieur à 100 euros rien que pour l’inscription), impression d’articles à accès payant pour les internes à la recherche de documents pour leur thèse, primes à l’inclusion de patient dans une étude (par exemple, 500 euros pour l’interne ou le médecin à chaque fois qu’il fera signer un consentement), présentations médicales systématiquement accompagnées d’un repas aux frais du labo (et soyez sûr qu’ils feront en sorte que le repas à lui seul vaille le déplacement), etc. Cette liste n’est pas exhaustive, mais une chose est sûre : être en bon terme avec un visiteur médical peut être profitable, et pas juste pour avoir de quoi écrire quand on est encore en rade de stylo.
Mises bout à bout, ces dépenses sont colossales. Une étude [2] établit qu’aux Etats-Unis, où les laboratoires peuvent s’adresser directement à la population, la somme totale des dépenses de marketing est passée de 11,4 à 29,9 milliards de dollars entre 1996 et 2005. Pour avoir un ordre d’idée, les différentes estimations concernant les investissements nécessaires pour éradiquer la faim dans le monde sont toutes inférieures à 10 milliards de dollars par an, soit trois fois moins. Pour défendre le prix de leurs médicaments, les laboratoires focalisent l’attention sur les coûts associés aux années de recherches et de développement. Mais les firmes pharmaceutiques dépensent en moyenne deux foisplus pour la promotion commerciale que pour la recherche [3] ! Et ce qu’elles ne disent pas, c’est qu’elles bénéficient en outre de nombreuses aides publiques : crédits d’impôt, subventions publiques directes, prix favorables, etc. Nous voici donc face à une monstrueuse aberration qu’on retrouve dans bien d’autres secteurs économiques : de plus grandes sommes d’argent sont employées à stimuler la demande d’un produit qu’à son développement et sa production.
Les dividendes au détriment de l’emploi
Mais on est encore loin du compte. Car sur chaque médicament vendu, le laboratoire doit se faire une marge suffisante pour que le rapport recettes/dépenses global puisse satisfaire l’appétit des actionnaires. Le prix du médicament sera calculé de façon à assurer à l’entreprise le plus gros chiffre d’affaires possible. Le cas de Sanofi, qui occupe l’actualité depuis quelque temps, illustre bien la tendance générale à l’œuvre dans les grands groupes pharmaceutiques [4]. Il s’agit de faire croître la part des bénéfices qui revient aux capitalistes. Entre 2005 et 2010, les dividendes versés par Sanofi ont augmenté de 65 %. Les dividendes de 2,65 euros par action pour l’année 2011 représentaient un taux de distribution de 40 %. Autrement dit, sur les 8,8 milliards de bénéfices réalisés en 2011, l’entreprise a distribué 3,5 milliards d’euros de dividendes. Mais ce n’est pas encore assez. La direction a pour objectif, d’ici 2015, de distribuer 50 % des bénéfices sous forme de dividendes aux actionnaires !
La part des richesses créées accaparée par les actionnaires ne peut l’être qu’au détriment des salariés et des investissements. Soit de manière relative – soit, lorsque le contexte économique menace l’augmentation du chiffre d’affaires, de manière absolue. Lorsqu’ils risquent de ne plus pouvoir augmenter leurs dividendes sur la croissance de l’entreprise, ils doivent prendre sur le chiffre d’affaires actuel – et se lancer dans de grandes restructurations visant à réaliser des économies pour préserver leurs profits. C’est pourquoi Sanofi annonce, en même temps que des bénéfices records, un plan de 2 milliards d’économies sur la période 2012-2015, avec notamment la suppression de 900 emplois d’ici 2015, alors que près de 4 000 postes ont déjà été supprimés ces trois dernières années. Mais Sanofi n’est pas un cas isolé, bien au contraire : Pfizer, MSD (Merck Sharp & Dohme), Merck KgaA, Abbott et consorts – c’est-à-dire les plus gros laboratoires du monde – suivent la même logique. Le secteur a déjà perdu 31 012 emplois entre 2008 et 2010, et la saignée se poursuit. Prise dans son ensemble, l’industrie pharmaceutique a ainsi annoncé 28 « plans de sauvegarde (c’est-à-dire de suppression !) de l’emploi » (PSE) en 2011, en France, après une vingtaine en 2010. En juin dernier, on en dénombrait déjà une quinzaine d’autres.
La recherche en panne
« Produire des médicaments, d’accord, mais à condition que cela nous enrichisse ! » : voilà le raisonnement qui oriente la recherche, définit les stratégies des laboratoires, justifie les campagnes publicitaires, pousse au lobbying pour négocier avec l’Etat les prix les plus élevés, etc. Mais l’intérêt privé (l’enrichissement de grands actionnaires) n’est pas compatible avec l’intérêt général. Des milliers d’individus meurent du paludisme : mais à quoi bon se lancer dans de vastes recherches dans ce domaine, puisque les « clients » concernés ne seraient pas solvables ? C’est ainsi que des domaines entiers de la recherche sont pratiquement abandonnés pour la simple raison que le coût de production serait supérieur aux bénéfices escomptés. Cette même règle de comptabilité, qui s’applique dans tous les autres domaines économiques, vient ici déterminer qui mérite d’être soigné – ou non. Le capitalisme est un système barbare qui laisse sur le carreau des millions de malades. Leur crime ? Ne pas être suffisamment rentables.
Les études sont chères, mais elles sont désormais la condition sine qua non pour obtenir une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). Alors, pour limiter les risques, l’objectif d’une étude se limite bien souvent à une « preuve de non-infériorité » [5]. Essayer de prouver que telle molécule est d’une efficacité supérieure au médicament de référence, ce serait prendre bien trop de risques : que d’argent perdu si l’étude ne conclut pas dans ce sens ! En conséquence, un grand nombre d’études se contentent de prouver qu’une nouvelle molécule a une efficacité d’au moins 70 % [6] équivalente à la molécule de référence. On peut alors difficilement parler de réel progrès : on ne cherche pas à démontrer une avancée, mais à prouver un non-recul, voire un recul limité ! N’est-ce pas une absurdité ? Mettons-nous à la place de quelqu’un qui souhaite acquérir un nouveau téléphone portable. Peut-on imaginer le vendeur nous expliquant : « Il vous faut absolument notre tout nouveau modèle d’I-Phone 53. Je ne peux pas vous prouver qu’il est mieux, mais je vous certifie qu’il a une très forte probabilité de ne pas faire moins bien que la version précédente » ? Cela paraît difficilement concevable. Et pourtant, dans l’industrie pharmaceutique, c’est un cas des plus courants.
Comme dans tout autre secteur industriel, les laboratoires se livrent à une véritable guerre commerciale. Puisque c’est la course au brevet, il n’y a pas de véritable coopération entre scientifiques des différents laboratoires. Leurs secteurs Recherche et Développement sont cloisonnés, les données fondamentales jalousement gardées secrètes. La recherche ne peut qu’en être ralentie – et donc le progrès. De plus, la tendance dans ce domaine est au déclin des investissements : les plans de sauvegarde des bénéfices sont loin d’épargner les centres de recherche. La polémique autour du plan de restructuration de Sanofi avec, rien qu’en France, les projets de fermeture des centres de recherches de Montpellier, Lyon et Toulouse, n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres [7].
Vient ensuite le moment où le brevet tombe dans le domaine public. Il n’est pas rare que le laboratoire, pour ne pas perdre un bon filon, modifie alors légèrement « sa » molécule sans en changer le principe actif – et pose un nouveau brevet de ce que les pharmacologues appellent un « mee too » [8] : un doublon. A coup de marketing, ils feront croire que puisque la molécule est nouvelle, c’est qu’elle est mieux !
En définitive, n’en déplaise à ceux qui nous vantent les bienfaits de l’émulation liée à la concurrence et à la compétition, le capitalisme est un obstacle au progrès scientifique. Cela se traduit par le fait que chaque année, parmi le grand nombre de nouveaux médicaments qui arrivent sur le marché, seuls quelques-uns constituent réellement un progrès, les autres ne constituant que des variantes de médicaments déjà existants ou n’apportant qu’un progrès minime. L’année 2011 a été jugée comme « un cru exceptionnel en termes de progrès thérapeutiques » par le président de la Commission des affaires scientifiques du Leem (l’organisation patronale des entreprises du médicament en France). Mais en réalité, « la meilleure année de la décennie » se traduit en France par 23 délivrances d’ASMR [9](Amélioration du service médical rendu), dont une seule avancée majeure et 17 avancées mineures. En 2009, le président de la Commission de la transparence (chargé de donner des avis sur les médicaments) avait été forcé de constater dans son rapport une « impression de tarissement ». En réalité, la recherche pharmaceutique est en panne.
Nationalisation !
« Un organisme qui se nourrit strictement aux dépens d’un organisme hôte, d’une espèce différente » : telle est la définition d’un parasite. Or, nous voici devant une classe sociale qui, sans jamais intervenir directement dans le processus de recherche et de production, s’approprie la plus grande part possible des richesses produites par les salariés, au détriment du développement et de la recherche – au détriment, finalement, du progrès. Leur enrichissement s’accompagne d’une destruction d’emplois massive et du pillage de la Sécurité sociale, c’est-à-dire d’argent public issu des richesses créées par les salariés. Les grands capitalistes du secteur pharmaceutique forment bel et bien un corps parasitaire, avec un impact des plus néfastes pour le reste de l’humanité. Il existe pourtant un remède qui permettrait l’élimination sociale de ce parasitisme : la nationalisation de l’ensemble de l’industrie pharmaceutique, sans indemnisation des grands actionnaires, en la plaçant sous le contrôle des salariés et de la population. Cela permettrait d’orienter la recherche en fonction des priorités publiques, de l’intérêt général, qui prendrait le pas sur l’intérêt privé. La cupidité n’aurait plus de place dans le processus de recherche et de production. Une telle mesure aurait les avantages suivants :
1) Elle permettrait de réduire considérablement le coût des médicaments. D’abord parce que sans actionnaires, pas de dividendes à verser. C’est autant d’argent mobilisable pour d’autres fins, dont la baisse des prix des médicaments. Ensuite, car les raisons qui expliquaient la nécessité du marketing disparaitraient : les programmes de recherches seraient entièrement transparents, l’information délivrée ne serait plus biaisée par la volonté de refourguer le médicament à tout prix. L’argent englouti dans la publicité et par les actionnaires pourrait être en partie orienté vers la formation des soignants à la balance bénéfice/risque des traitements, en toute indépendance puisqu’il n’existerait plus de conflits d’intérêts.
2) Elle dynamiserait la recherche. Non seulement parce que les programmes de recherches scientifiques seraient financés par la société, et donc à la hauteur des enjeux définis par elle-même, mais aussi parce que l’ensemble des programmes pourrait être coordonné. Les savoirs de chaque laboratoire seraient mis en commun ; les capacités de recherche déjà existantes seraient décuplées. Libérés des entraves de la rentabilité, les domaines de la recherche jusque-là quasiment inexplorés, car non « rentables », seraient ouverts aux scientifiques.
3) L’« offre » de médicaments serait également simplifiée en supprimant les médicaments dangereux, inutiles ou encore les (nombreux) doublons. Au lieu des noms accrocheurs attribués par les laboratoires dans le seul but de mieux les vendre, les médicaments seraient nommés selon leur Dénomination Commune Internationale (DCI), peut-être moins dans le vent, mais plus claire pour les professionnels de santé.
4) Enfin, si on prend le problème à l’échelle mondiale, cela permettrait de répondre en priorité aux besoins criants des pays dits « en voie de développement ». Sous le capitalisme, d’ailleurs, les mêmes pays seraient toujours « en voie de développement » à la fin du millénaire. Chaque année, ce sont des millions de personnes qui meurent, non pas de maladies dont on ne sait rien, incurables ou difficiles à prendre en charge, mais faute de soins les plus basiques et des médicaments les plus courants : antituberculeux, antipaludéens, anti-VIH, mais aussi simples poches de réhydratation, matériel stérile, antibiotiques… La santé mondiale pourrait être améliorée en quelques mois seulement sur la base de ce que nous savons déjà, mais dont sont privées des millions de personnes. Produire en quantité suffisante les médicaments qui manquent cruellement, les rendre accessibles à un prix dérisoire, pour ne pas dire gratuitement, devrait être la priorité absolue de toute société dite « civilisée ». Au passage, cela porterait un coup fatal au trafic de contrefaçons qui s’est développé sur le terreau de la misère. Enfin, dans un futur proche, cela permettrait de réorienter la recherche vers les maladies endémiques de ces pays, qui font chaque année des millions de victimes, mais qui sont pourtant loin d’être les priorités actuelles : paludisme, dengue, etc.
Notre programme :
* Tous les médicaments en DCI, suppressions des médicaments dangereux, inutiles et des doublons.
* Formation des soignants sur les médicaments par des spécialistes compétents et indépendants.
* Nationalisation du secteur pharmaceutique, sous le contrôle des salariés et de la population, sans indemnisation des grands actionnaires.
* Orientation de la recherche en fonction des réelles priorités de santé publique.
* Plan d’urgence d’éradication des maladies curables, en France et dans le monde
2 - La Sécurité sociale et les complémentaires santé
« La Sécurité Sociale est en déficit » : même en vivant dans une yourte au fin fond de la France, on ne pourrait pas prétendre ne pas être au courant. Et là aussi, nous dit-on, « il faut faire des économies ». Et il faut trouver des coupables. Alors on commence par stigmatiser les fonctionnaires, on « dégraisse » en ne remplaçant qu’un départ à la retraite sur deux [10] tout en exigeant de ceux qui restent « d’améliorer leur performance tout en maintenant, voire en améliorant, la qualité du service rendu ». Mais un seul bouc émissaire ne suffit pas : alors on part à la chasse aux fraudeurs, on se scandalise devant le nombre d’arrêts de travail prescrit. « Il y a trop d’abus, des fraudeurs qui profitent des cotisations des braves gens ! » s’écrie-t-on. Effectivement il y a des parasites. Mais, comme nous l’avons déjà dit, ce ne sont pas ceux que l’on croit !
Déficit et exonérations sociales : une fraude « légalisée »
Grâce à un certain nombre de dispositifs, les employeurs parviennent à faire l’économie d’une part importante des cotisations dont ils sont redevables. Ainsi, la part des cotisations patronales exonérées [11] s’est élevée à 18,4 % de leur montant total en 2011, soit 25,8 milliards d’euros sur les 28,3 milliards d’exonération totale, le reste étant en grande partie les exonérations sur les heures supplémentaires. Comparez vous-mêmes : la même année, le déficit de la Sécurité sociale s’élevait à 18,1 milliards d’euros ! On nous rétorquera que l’Etat compense ce manque à gagner. Ce n’est qu’en partie exact : il compense à hauteur de 90 % les exonérations. Soit un manque à gagner « net » pour l’assurance maladie de 2,8 milliards d’euros en 2011, ce qui, vous en conviendrez, n’est pas négligeable. Et puis même en admettant que l’Etat parvienne à compenser à 100 %, cela ne ferait que transférer la dette de l’assurance maladie vers le budget de l’Etat. Nous n’avons pris là que les chiffres de l’année 2011, mais il faudrait ajouter que le montant des exonérations de cotisations sociales ne cesse d’augmenter depuis les années 1990 et a plus que doublé entre 1999 et 2007. Le record a été atteint en 2008, avec 28,5 milliards d’exonérations de charge patronale. Cette même année, la dette publique nette était de 62,3 milliards d’euros. Près de la moitié aurait pu être comblée par le paiement de l’ensemble des cotisations sociales !
Le coût réel de la « bureaucratie »
On nous vante les effets de la concurrence et de la compétition, on pointe du doigt les lourdeurs de la bureaucratie. Mais à regarder la chose de plus près, l’argument ne tient pas une minute : l’analyse, par la Cour des comptes, du montant des frais de gestion des assureurs relève des taux de 5,4 % pour l’assurance maladie obligatoire contre… 25,4 % en moyenne pour les assureurs complémentaires ! Cela signifie que 100 euros de prélèvements génèrent 94,6 euros de remboursements pour l’assurance publique, contre en moyenne seulement 75,6 euros dans le secteur privé.
Comment pourrait-il en être autrement ? Du fait de son monopole, la Sécurité sociale n’a pas besoin de gaspiller de l’argent dans des campagnes publicitaires, comme doivent le faire les compagnies d’assurances, soumises à une rude concurrence. Autrement dit, elle fait l’économie de toutes les dépenses liées au marketing [12]. Le secteur privé doit de plus mettre en place des centres d’accueil sur tout le territoire – alors que le réseau de la Sécu existe déjà. Troisièmement, les compagnies d’assurances sélectionnent leurs assurés, en analysant les risques que chacun lui fait courir, ce qui représente un travail administratif lourd et donc coûteux. Le système public épargne ce travail de « tri » des cotisants. Il faut également que le secteur privé dispose de moyens informatiques quasiment identiques à ceux de la Sécu, puisqu’il complète en partie les montants remboursés par celle-ci. Et tandis que l’assurance maladie peut consacrer l’essentiel de ses ressources et de ses effectifs à la « production », c’est-à-dire au traitement des dossiers, les compagnies privées doivent embaucher de nombreux commerciaux. L’ensemble des investissements nécessaires se chiffre en millions d’euros, somme qui se répercute sur le montant des cotisations.
Désengagement de l’Etat et « transfert des charges » vers le secteur privé
Le rapport [13] du sénateur Alain Vasselle datant de 2008 est une véritable mine d’informations sur les objectifs de la classe dirigeante dans ce domaine. On peut y lire cet aveu : « la réforme de l’assurance maladie de 2004 avait pour objectif de laisser à la charge des ménages une plus grande partie de leurs dépenses de santé. » Selon la Cour des comptes, ce sont un peu plus de 3 milliards d’euros qui devaient, à ce titre, être transférés de l’assurance maladie obligatoire vers les ménages. L’idée est exprimée ici on ne peut plus clairement : les usagers doivent payer plus de leurs poches, les prises en charge publiques doivent diminuer. Ils sont même allés jusqu’à rendre impossible, pour les assurances complémentaires, le remboursement d’un certain nombre de dépenses prévues pour rester à la charge des assurés. Mais le rapporteur se voit obligé de déplorer que cette réforme « n’a pas eu les effets escomptés » : « l’examen des comptes nationaux de la santé montre que, sur la période 2004-2006, l’assurance maladie obligatoire a vu ses charges diminuer de 500 millions d’euros seulement, avec un transfert quasi intégral vers les assurances complémentaires et pratiquement nul en direction des ménages. » Ce qu’il ne dit pas, c’est que si la part directe n’a peut-être pas augmenté, ce n’est pas le cas de la somme globale qu’un ménage dédie à la santé : UFC-Que choisir a démontré [14] que lorsqu’une personne consacrait 407 euros par an à se soigner en 2001 (reste à charge et éventuelle cotisation de complémentaire) , elle devait y consacrer 618 euros 7 ans plus tard, soit une progression de 52 % !
Actuellement, « plus de 20 % des dépenses de soins et biens médicaux sont laissés à la charge des patients par la Sécurité sociale ». Et à en croire notre sénateur, ce n’est pas suffisant. Les assurances complémentaires financent plus de la moitié de ces sommes, les usagers en financent autour de 9 %. « Aussi, bien que facultative, la couverture santé complémentaire constitue aujourd’hui un élément clé de l’accès aux soins, notamment pour les soins les moins bien remboursés par l’assurance maladie obligatoire : prothèses dentaires, optique et soins de spécialistes en cas de dépassement. » A 1420 euros la journée d’hospitalisation dans un secteur « classique », il reste 284 euros à la charge du patient. Sans complémentaire santé, un patient hospitalisé va vite se retrouver avec la corde au cou. Quand ce même patient doit se payer une paire de lunettes, et que sur les 150 euros qu’il devra débourser il sera remboursé quelque chose comme 6 euros par l’assurance maladie, on comprend qu’il y réfléchisse à deux fois – et qu’il se dise que, finalement, il ne voit pas si mal que ça. Dire que le secteur privé constitue un « élément clé de l’accès aux soins », c’est du verbiage de politicien pour expliquer que, compte tenu du désengagement progressif de la Sécu, les complémentaires deviennent indispensables. Et elles s’en frottent les mains.
Mais le plus aberrant, c’est que l’Etat dépense de l’argent pour ce transfert des charges : « La Cour des comptes met en exergue, dans son rapport, le montant élevé des fonds publics consacrés à accroître le taux de couverture de la population par des assurances complémentaires. La Cour évalue ce coût à 7,6 milliards d’euros, dont 1,7 milliard d’aides en faveur des personnes à bas revenus, pour la CMU-c et l’aide complémentaire santé, 5,2 milliards pour les travailleurs indépendants et les salariés, à travers les contrats Madelin et les contrats collectifs, enfin 720 millions consacrés à l’exonération de taxe sur les assurances pour la partie santé des contrats responsables. La Cour rapproche ce montant du total des prestations versées par les assurances complémentaires santé, soit 21,8 milliards d’euros, et en conclut que ces aides représentent un coût de 35 % (!) par rapport aux prestations remboursées. » Situation incroyable : le transfert de charges de l’assurance maladie obligatoire vers les assurances complémentaires se traduit par une subvention du secteur privé par l’Etat : pour 3 euros déboursés, elles reçoivent 1 euro d’argent public !
Et pourtant, comme le rappelle notre sénateur, « le secteur des assurances complémentaires est incontestablement aujourd’hui en bonne santé. Plusieurs données le confirment. Le chiffre d’affaires global de ces organismes a atteint 27,4 milliards d’euros en 2007, en progression de plus de 5 % par rapport à 2006 et de 55,8 % par rapport à 2001, soit un taux de croissance annuel moyen de 7,6 %. Le rapport entre les prestations médicales versées et les cotisations perçues est actuellement extrêmement favorable, à 76 %, au lieu de 80 % en 2001, ce qui a permis à ces organismes d’engranger des hausses importantes de marge de solvabilité et de fonds propres. Selon des déclarations récentes de la ministre de la Santé, au cours des quatre années qui viennent de s’écouler, la marge bénéficiaire des organismes complémentaires est passée de 12 % à 23 %, soit un montant de 3 milliards à 4 milliards d’euros d’excédents. En outre, les cotisations ont augmenté de 13 % à 14 %, plus vite que les prestations. » Autrement dit : les marges augmentent au détriment des assurés, dont on augmente les cotisations plus vite que ne le justifierait l’augmentation des sommes dédiés aux remboursements. Mais surveillez votre vocabulaire : un actionnaire, en touchant ses dividendes, ne parlerait pas ici de vol, mais d’un simple « retour sur investissement ».
Une dernière conséquence, non négligeable : la difficulté pour réaliser de la recherche, notamment pour les études de santé publique, lorsque les assurances – et donc les données – sont morcelées entre secteur public et les différents organismes du « marché ». Ecoutons ce qu’a à nous dire notre rapporteur : « Ainsi, sur le sujet des assurances complémentaires, il faudrait, au minimum, connaître le nombre des assurés couverts par une assurance complémentaire, leur répartition entre les différentes catégories d’assureurs (mutuelles, assurances, institutions de prévoyance), le nombre de personnes ayant un contrat individuel, un contrat collectif facultatif ou obligatoire, ainsi que le montant des dépenses remboursées en les ventilant par catégories de revenus et de ménages. Or, ces données n’existent pas. » Ils sont incapable de donner précisément ne serait ce que le nombre de cotisants à des complémentaires santés ! Partant de là, toute étude sérieuse pour évaluer l’impact d’une réforme de santé publique, par exemple, est difficilement concevable.
Le leurre de la « couverture personnalisée »
Puisque le rendement des assurances privées est inférieur et qu’elles coûtent plus cher à l’usager que le système de la Sécurité sociale, on est en droit de se demander quels en sont les avantages. L’argument principal tient dans la « Couverture personnalisée », que l’on retrouve notamment dans un rapport de l’OCDE [15] de 2005. On peut y lire : « L’assurance maladie privée présente certains avantages [...] par rapport aux autres formes de financement de la santé, avec notamment la personnalisation des polices d’assurance et l’attractivité des primes, surtout pour les individus présentant un “bon risque”. » Surtout pour les individus présentant un bon risque : c’est là où le bât blesse. L’idée, c’est d’expliquer aux gens que, puisque vous êtes un homme de 25 ans, que votre questionnaire de santé nous apprend qu’a priori vous n’avez pas de pathologie majeure, que vous ne risquez pas d’accoucher, que vous avez une espérance de vie de tant, etc., vous faites donc partie des « bons risques ». Autrement dit, l’assurance espère que vous allez cotiser sans jamais aller l’enquiquiner avec des histoires de remboursements. On mélange donc toute cette statistique et on vous pond un contrat « adapté à vos besoins ». Par contre, si vous êtes un fumeur de 60 ans, que vous vous traînez une petite liste d’antécédents médicaux, vous ferez partie des « mauvais risques ». Et là, vous pourrez dire adieu à « l’attractivité de la prime ». La propagande officielle dira : « les assurés choisissent le niveau de dépense qu’ils souhaitent par rapport au niveau de couverture santé qu’ils souhaitent. ». Plus sournoisement, ils essaieront de monter les « bons risques » contre les mauvais : « vous qui êtes en bonne santé, pourquoi payer pour les autres ? ». Ce qu’ils essayent de cacher par cette propagande, c’est l’inégalité qui découle de ce système : plus on est malade, plus on paye.
Les « inconvénients » d’un tel système sont tellement criants que l’OCDE est obligée de les lister dans son rapport : « Les prestataires d’assurance maladie privée ont tout intérêt à sélectionner leurs futurs assurés. Outre qu’ils peuvent pénaliser les clients présentant de “mauvais risques”, les compagnies ont toute latitude pour refuser un malade à haut risque ou ayant besoin de traitements lourds (discrimination). Les cas d’exclusion de patients à mauvais risque sont nombreux et cette pratique difficile à empêcher (écrémage). Parfois, la réglementation administrative vient dégrader les performances du marché : ainsi, dans le cas des régimes d’assurances communautaires (fondés sur le profil de risque que présente la communauté et non un individu), obliger les compagnies à accepter tout le monde va surtout leur attirer les individus présentant un mauvais risque. D’où une escalade des primes, qui découragera l’adhésion des patients présentant un bon risque (sélection inversée). Enfin, quand les risques médicaux ne sont pas partagés par un large groupe, mais concentrés sur quelques individus ou étalés sur une période de temps donnée, toute défaillance de gestion peut conduire à la faillite du système. »
Discrimination, « écrémage », escalade des primes, risque de faillite du système... Pourtant, aussi incroyable que cela puisse paraître pour quelqu’un de sensé, les « experts » de l’OCDE mettent les pour et les contre dans la balance, pèsent le tout de manière « objective » et en arrivent à cette admirable conclusion : « l’assurance maladie privée est une option qui suscite un intérêt croissant chez les décideurs de par le monde. Ainsi, la question n’est pas de savoir si cet instrument sera utilisé ou non à l’avenir, mais s’il est exploité au mieux de ses capacités pour répondre aux besoins des systèmes de santé d’un pays. Les décideurs des pays en développement tout comme la communauté internationale des bailleurs ont le devoir de soutenir ce processus et d’aider les pays à améliorer leur couverture médicale. » Ils font précéder cette conclusion de quelques bémols, mais en langage capitaliste, cela signifie : la privatisation de la santé, ce n’est peut-être pas une solution pour les pauvres, mais par contre ça rapporte. Et donc le devoir des « décideurs de par le monde » est de soutenir ce processus : est-ce bien clair ?
Pour un régime unique de couverture maladie universelle publique ! Soins gratuits pour tous !
La Sécurité sociale a été mise en place en France au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. Malgré une situation économique chaotique, le programme du Conseil National de la Résistance voulait tendre le plus rapidement vers la prise en charge à 100 %. Autrement dit, ce qui fait figure aujourd’hui de cas particuliers [16], réservés à certaines pathologies chroniques, devait constituer la règle, quelle que soit la prise en charge médicale. Presque 70 ans plus tard, de plus en plus de personnes renoncent à des soins – ou les repoussent – faute d’argent. Pourtant, les richesses créées sont autrement plus importantes qu’en 1945. Les ressources pour un système de santé sans contrepartie financière directe existent. L’accès gratuit à des soins de qualité est un droit que la société doit offrir à tous.
Et pourtant, les gouvernements successifs ont financé le transfert des frais de santé vers un secteur qui entraîne l’exclusion des plus pauvres, des inégalités entre cotisants et des coûts de gestions 5 fois supérieurs à ceux de la Sécurité sociale. Il s’agit d’un système où, finalement, il faut payer plus cher pour une moins bonne couverture maladie. Dans le même temps, sous couvert d’économies, les mêmes ont graduellement saboté le service public existant : baisse des remboursements sur un nombre croissant de médicaments ou sur les consultations, non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, montant exorbitant des exonérations de cotisations sociales, etc. On ne peut comprendre cela qu’en gardant à l’esprit que le but recherché n’est pas l’intérêt général, mais de soumettre le secteur de la santé à la loi du profit. Fidèles représentants de la classe capitaliste, les dirigeants de la droite répondent à son appel. Les principaux dirigeants du PS eux, capitulent. Le désengagement progressif de l’Etat laisse le champ libre au secteur privé, qui fait pression pour enfin retrouver un marché qu’il avait dû céder temporairement après la Deuxième Guerre mondiale. La privatisation du secteur de la santé est en marche depuis des années. La crise va accroître la pression dans ce sens – et la dégradation du service public va s’accélérer.
Nous nous opposons à ce processus absurde, nous nous opposons aux « décideurs de par le monde », dont les intérêts ne sont pas les nôtres. Nous revendiquons la nationalisation, sans indemnisation des principaux actionnaires, de l’ensemble des complémentaires du secteur privé et leur intégration au service public d’assurance maladie. Les moyens nécessaires doivent être rendus disponibles pour assurer des soins sans contrepartie financière directe pour tous. Nous exigeons la fin des exonérations des charges patronales.
Notre programme :
* Fin des exonérations des charges patronales. S’ils refusent ou menacent de délocaliser : nationalisation sous le contrôle des salariés et de la population.
* Nationalisation des compagnies d’assurances et mutuelles de santé, intégration au service d’assurance maladie public.
* Création d’un régime unique, avec l’ensemble des soins pris en charge à 100 % (y compris dentaires et optiques).
Comme n’importe quelle entreprise, le but premier d’une clinique, en particulier des « chaines » comme Capio ou autres, ce n’est pas de guérir des malades mais de faire du profit. Des soins d’un niveau correct ne sont pas un but en soi : ils sont la condition pour avoir des patients – et donc des clients. Par ailleurs, pour êtres rentables, les dirigeants des cliniques optent pour des soins rapides et bien remboursés par la Sécu, au détriment des soins lourds, coûteux en journées d’hospitalisations et en personnel. Ces derniers sont laissés aux hôpitaux publics, auxquels on demande de se débrouiller pour ne pas être en déficit.
A l’inégale répartition des soins entre le public et le privé s’ajoute le fait qu’il n’y a pas de vision d’ensemble lors de l’ouverture d’une clinique. S’il y a un « marché », que la clinique peut être viable financièrement, alors on va prendre le « risque » d’y investir (oui : ces messieurs prennent le « risque » de soigner des gens). Une maternité en milieu rural, bien qu’indispensable sur le plan humain, ne sera jamais aussi rentable qu’une maternité en plein Paris. Impossible sur cette base d’assurer un égal accès aux soins pour tous : l’intérêt privé – l’enrichissement de quelques individus – est incompatible avec l’intérêt général, c’est-à-dire l’accès à des soins de qualité pour tous.
La répartition même des lits hospitaliers est en fin de compte un aveu de l’échec du capitalisme pour résoudre ce problème. En effet, l’Etat a dû intervenir pour répartir de manière plus rationnelle les lits hospitaliers sur l’ensemble du territoire, c’est-à-dire en respectant d’autres règles que celle de la rentabilité : distance par rapport à une maternité ou un service d’urgence, nombre de lits par nombre d’habitants, etc. Autrement dit, l’Etat a dû effectuer une planification de la répartition des lits hospitaliers à l’échelle nationale. C’est une tentative de résoudre la question en outrepassant les limites du capitalisme. Mais cette organisation, qui constitue un immense progrès, n’est pas une organisation « naturelle » sous ce régime. Elle repose sur les ressources de l’Etat et ne peut être viable définitivement. En période de croissance, il peut supporter un tel fardeau, voire même le développer jusqu’à un certain degré, sous la pression sociale. Dans des périodes de crise, une telle organisation est menacée, remise en cause – et nous traversons une des pires crises de l’histoire du capitalisme.
Avant même le début de cette crise, on exigeait de plus en plus des hôpitaux de se comporter comme des entreprises, d’augmenter leur « rendement », de réduire les budgets sous couvert de réduire les gaspillages, de sortir l’hôpital de son déficit coûte que coûte. De fait, les hôpitaux sont déjà en sous-effectif chronique. Les queues des urgences s’allongent dramatiquement. Le personnel titulaire est sans cesse rappelé sur ses jours de congé, amené à faire des heures supplémentaires. La souffrance au travail augmente avec la dégradation des conditions de travail : les « burn-out » sont de plus en plus fréquents. Les lombalgies frappent de très nombreux aides-soignants, les accidents du travail se multiplient. Et pas le droit de craquer : dans cette branche, le management repose volontiers sur la culpabilisation du personnel soignant. Tu es absent ? Tu sais très bien que tu ne seras pas remplacé. Ta ou ton collègue fera ton boulot si tu n’es pas là, et ce sera elle ou lui et les patients qui en pâtiront.
Des services entiers ont dû fermer ou sont menacés de l’être. Le secteur public ne peut encaisser une telle dégradation des conditions de travail sans répercussion sur la qualité des soins. Or la crise ne va faire qu’accélérer ce processus. En panne de ressources, l’Etat va poursuivre à cadence forcée son désengagement, cherchant à faire des économies à n’importe quel prix. Le secteur privé en profitera largement, lui qui était en quelque sorte « noyé » au milieu d’un service public relativement développé comparé à d’autres pays du monde, récupérera les « marchés » (comprendre « les soins ») laissés vacants. Mettre en pièce le service public de la santé, le soumettre à la loi du profit, comme n’importe quel secteur marchand : telle est la voie sur laquelle les lobbies du privé orientent la santé publique.
Le secteur de la santé ne doit pas être lucratif ! Le seul moyen de mettre fin à cette logique infernale est de mettre fin au secteur privé. Cela passe par la nationalisation de l’ensemble des cliniques et des structures de soins privées pour les inclure dans un seul et même service public de la santé, dans lequel chaque structure serait soumise au contrôle démocratique des salariés et de la population. Le ministère de la santé aurait en charge la planification des soins sur l’ensemble du territoire – lits hospitaliers, mais aussi maisons médicales. L’objectif prioritaire ne serait autre que de prodiguer des soins de qualités à tous ceux qui en ont besoin, sans contrepartie financière directe : les soins hospitaliers doivent être gratuits. De plus, parmi les millions de chômeurs on trouverait rapidement suffisamment de volontaires prêts à suivre une formation paramédicale pour mettre fin aux sous-effectifs. Enfin, les hôpitaux et les cliniques font de plus en plus appel à des prestataires de service : restauration, blanchisserie, location de matériel, etc. Or, il n’y a pas de raison que des entreprises privées s’enrichissent avec de l’argent public. L’ensemble de la sous-traitance doit être également nationalisé et intégré au service public de la santé.
Notre programme :
* Soins gratuits pour tous.
* Nationalisation de l’ensemble des cliniques et structures de soins privées et intégration dans un seul et même service public de la santé.
* Fin de la gestion imprésariale des hôpitaux, qui doivent être sous le contrôle des salariés et de la population.
* Plan d’embauche pour mettre fin au sous-effectif chronique.
* Pas de secteur privé, pas de dépassement d’honoraires. Fin des consultations privées par les médecins hospitaliers au sein des hôpitaux.
* Nationalisation des prestataires de service et intégration au secteur de la santé publique.
La vieillesse. A première vue, on pourrait dire que pour une fois, on est tous égaux : tout le monde y passe, que l’on soit riche ou misérable. Et pourtant, le temps n’a pas les mêmes conséquences sur tout le monde. Selon son niveau socio-économique, on vivra plus ou moins longtemps et en plus ou moins en bonne santé. L’espérance de vie d’un ouvrier n’est pas la même que celle des cadres : selon les chiffres de l’INSEE, en 2000-2008, l’espérance de vie des hommes cadres de 35 ans est de 6,3 années de plus que celle des hommes ouvriers. C’est donc un fait : les conséquences d’un travail pénible rongent la vie de millions de salariés. On en arrive à cette inégalité, la plus terrible s’il en est : nous ne sommes pas tous égaux devant la mort. Sauf que le déterminant essentiel n’est pas physiologique mais l’appartenance à un groupe social donné ! Et le même problème rapporté à l’échelle de la planète fait froid dans le dos : l’espérance de vie peut varier du simple ou double selon les pays (de 82 ans au Japon à 38 ans en Angola...). De plus, dans l’ensemble, les catégories sociales les plus élevées vieilliront en meilleure santé. Toujours d’après l’INSEE, les cadres ont une espérance de vie sans incapacité plus longue que les ouvriers. On est en droit de se demander : si l’écart existe avec les cadres, qu’en est-il avec les millionnaires ? Pourtant, ces inégalités ne préoccupent pas nos « élites », et pour cause : essayer de s’y attaquer en prenant le problème à la racine reviendrait à s’attaquer au système capitaliste.
Notre groupe social détermine notre niveau de vie, notre salaire, et donc, plus tard, notre pension de retraité : de bas salaires donnent droit à de basses pensions. Moins d’argent pour des problèmes de santé plus nombreux. Mais également, lorsque s’installe la perte de l’autonomie, moins de moyens pour s’offrir une maison de retraite. Selon un rapport officiel publié en 2009 par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), un résident hébergé dans une maison de retraite en France payait de sa poche, en moyenne, la somme de 2 200 euros par mois. Le montant moyen d’une pension de retraite s’élèvait à un peu plus de 1 100 euros mensuels, soit la moitié du coup de la maison de retraite ! Or à l’époque, le minimum vieillesse était 677 euros ?
Cela dit, le prix des maisons de retraite peut varier beaucoup sans que les prestations en soient véritablement différentes. Dans l’ensemble, les maisons de retraites françaises ressemblent plus à des mouroirs qu’à l’endroit idéal pour finir sa vie. Du fait des sous-effectifs chroniques, sources de maltraitance « passive », le pensionnaire n’a souvent pas grand-chose à faire, si ce n’est les cours de chant du mercredi après-midi – et d’attendre la mort. Il n’est pas rare non plus que la situation se dégrade bien plus vite dans ces résidences que ce n’était le cas à domicile, à tel point que l’idée d’un maintien à domicile le plus longtemps possible se développe. Sauf que cela demande plus de moyens que ceux proposés actuellement. Enfin, lorsque l’institutionnalisation devient indispensable, vaut mieux avoir pris les mesures nécessaires en avance devant la longue liste d’attente que présente chaque résidence.
La dépendance ne doit pas être une source de profits ! Des moyens suffisants doivent être dégagés pour assurer le maintien à domicile, en accord avec le patient. Les maisons de retraite privées, tout comme les cliniques, doivent être nationalisées sous le contrôle des salariés et intégrées au service public. Cela dans le but de planifier la répartition des chambres en maisons de retraite, du foyer de retraités jusqu’à la maison de retraite médicalisée. Un plan d’embauche doit être mis en place pour mettre un terme au sous-effectif chronique. Les institutions dédiées aux personnes âgées devraient être repensées avec pour objectif d’offrir des conditions de vie dignes à nos anciens.
Notre programme :
* Nationalisation sous le contrôle des salariés et de la population des maisons de retraite et structures apparentées et intégration au service public.
* Plan d’embauche et de construction à la hauteur des besoins.
5 - L’organisation des « soins primaires »
La liberté d’installation
Récemment à l’ordre du jour, la question de la liberté d’installation touche une corde sensible du médecin libéral. Le gouvernement est face à un problème complexe : comment résoudre le problème de démographie médicale, de ces désormais avérés « déserts médicaux », faire face à la pénurie annoncée de médecins – mais sans toucher à la sacro-sainte liberté d’installation ?
Pour faire face à la pénurie de médecins qui s’annonce, la solution parait simple : il suffit d’en former davantage. Aujourd’hui, le quota annuel d’étudiants intégrant la formation médicale (le « numerus clausus ») augmente, mais pas suffisamment pour pallier au nombre de médecins partant à la retraite. En 2008, le nombre des médecins en activité a augmenté en France métropolitaine de 1,2 % – mais le nombre de médecins retraités de 3,4 %. Et il suffit de se pencher sur la pyramide des âges des médecins en activité pour comprendre que cette tendance n’est pas près de s’inverser, bien au contraire. Sachant que la formation d’un médecin généraliste prend au minimum 9 ans, celle d’un spécialiste 11 ans, il y a urgence à augmenter le nombre de médecins formés. Sauf que cela a un coût et qu’il s’agit d’une charge supplémentaire que l’Etat ne semble pas disposé à pourvoir dans l’immédiat.
Vient ensuite le problème de la répartition des médecins sur le territoire. C’est au fond le même problème qu’avec les lits hospitaliers, que nous avons déjà abordé. La liberté d’installation engendre des inégalités, puisque les médecins sont répartis inégalement sur le territoire. Les villes concentrent le plus grand nombre de médecins ; les campagnes sont désertées. Dans une situation où le nombre de médecins diminue, ce phénomène s’aggrave, voire même s’auto-alimente : qui aurait envie de s’installer dans un endroit où le désert médical est tel que la charge de travail sera colossale ? C’est d’ailleurs un problème plus général, qui rejoint celui de la casse générale des services publics : qui aurait envie de s’installer dans un village où la Poste va fermer, où l’école supprime des classes et où la maternité la plus proche est en lutte pour sa survie ?
Les solutions actuelles : du bricolage
A l’échelle locale, des dispositifs sont mis en place pour favoriser la venue de médecins dans les zones en déficits. Aides à l’installation, cabinets mis à disposition et ne demandant qu’à être aménagés, réductions fiscales, primes : toutes sortes d’avantages sont proposés pour inciter le médecin à venir s’installer. Dans les faits, chaque localité se débrouille comme elle peut. Premièrement, car ces mesures dépendent des ressources des collectivités locales en question : or ces ressources sont inégales selon les localités. Deuxièmement, car l’Etat se désengageant sur tous les autres plans, il s’agit encore d’une charge supplémentaire qui doit être supportée au détriment d’autres services locaux.
Plus récemment se sont développés des systèmes de bourses offertes aux étudiants qui s’engagent en contrepartie, une fois formés, à exercer dans le désert médical qui les aura « sponsorisés ». Ce système non plus n’est pas acceptable : les études sont longues et véritablement rémunérées qu’à partir de la 7e année. Ceux qui ont peu de ressources sont les premiers tentés par ces bourses, pour ne pas compromettre leurs études en devant travailler. Ceux qui ont les moyens ne se lient pas les mains et gardent leur liberté d’installation.
Pour une unité de base de médecine ambulatoire
Puisqu’il s’agit d’un service public national, les dispositions doivent être prises à l’échelle nationale, sans différence entre les territoires. Par eux-mêmes, les médecins s’associent de plus en plus fréquemment pour ouvrir un cabinet. Ils n’y voient à juste titre que des avantages : travail en équipe, diminutions des frais de fonctionnement, facilités pour prendre des congés, partage des frais pour l’achat de matériel, etc. Mais il ne s’agit jusqu’à présent que d’initiatives individuelles. Il s’agirait d’étendre ce système à l’ensemble du pays, par la création de « maisons médicales » [17] (ou « pôle de santé », ou autre, peu importe le nom) financées par l’Etat. La maison médicale serait l’unité de base des soins primaires, regroupant un nombre défini de médecins, infirmières, biologistes, radiologues et autres professionnels de la santé. Elles seraient réparties de manière rationnelle sur l’ensemble du territoire, c’est-à-dire en fonction d’un nombre donné d’habitants, de la distance par rapport à ceux-ci, etc. Le personnel y serait salarié, médecins compris. Pour les soignants, si les moyens mis en place sont suffisants, c’est la garantie de meilleures conditions de travail. Pour les patients, c’est la certitude d’être pris en charge dans les meilleures conditions à une distance et dans des délais raisonnable, quel que soit leur lieu de résidence.
Pour ce qui est de la « liberté d’installation », le médecin serait libre de demander à travailler dans la maison médicale de son choix, tout comme un interne émet des vœux pour choisir l’hôpital ou il sera formé ou encore l’enseignant émet des vœux pour choisir l’école ou il exercera.
Dépassements d’honoraires, tarification à l’acte et salariat
La question du dépassement d’honoraires concerne surtout les spécialistes. Appelez aujourd’hui un ophtalmo, pour ne prendre qu’un exemple, et, sauf urgence, vous aurez rendez-vous dans 3 mois, voire plus. A moins que vous ne soyez prêt à débourser plus de votre poche : vous pouvez alors chercher un spécialiste de secteur 2, c’est-à-dire un médecin qui pratique les mêmes soins, à la différence près qu’il vous les fera payer plus cher ; rassurez-vous : « avec tact et mesure ». Etant donné que tout le monde n’a pas les moyens d’être soigné avec tact et mesure, la liste d’attente est souvent moins longue et vous aurez probablement un rendez-vous plus tôt. Ce n’est rien d’autre que de la médecine à deux vitesses : ceux qui en ont les moyens peuvent consulter (et donc être pris en charge) très vite ; les autres devront attendre. C’est inacceptable. Les moyens nécessaires doivent être investis dans les maisons médicales et l’embauche de soignants correctement rémunérés. Le secteur 2, lui, doit être aboli.
Certains chirurgiens se plaignent : « vous vous rendez compte, 170 euros à peine pour opérer une appendicite ? ». Cette remarque découle d’une vision façonnée par la tarification à l’acte. Si le chirurgien est salarié (c’est le cas en secteur hospitalier), il n’a plus à se préoccuper du « tarif » de son intervention. Il est payé pour faire son métier – et donc opérer lorsque c’est nécessaire. De plus, rendre indépendant le salaire du nombre d’actes chirurgicaux ou du nombre de consultations prévient en partie le risque de gestes inutiles et de consultations effectuées à la hâte.
Pour ce qui est de la rémunération, un médecin et un chirurgien méritent un salaire digne. Mais qui ne le mérite pas ? Si les médecins étaient salariés, les coûts des assurances, exorbitants pour les chirurgiens du privé et servant souvent de justification aux dépassements d’honoraires, ne seraient plus à leur charge, mais à celle de la structure les employant. Les charges annexes liées au fonctionnement d’un cabinet libéral n’existeraient plus. Les appareils nécessaires feraient partie intégrante des maisons médicales et seraient financés par l’Etat. De manière concertée, un salaire permettant de vivre une vie décente pourrait rapidement être établi, indexé par la suite sur l’inflation.
Notre programme :
* Soins gratuits pour tous.
* Augmentation du numerus clausus en anticipant sur les données démographiques.
* Création de maisons médicales ayant en charge les soins primaires, rationnellement répartis sur l’ensemble du territoire.
* Abolition du secteur 2, interdiction des dépassements d’honoraires, salariat de l’ensemble du personnel soignant, médecins compris.
6 - Conséquences des conditions de vie et de travail – Financement
Assurer des soins de qualités gratuits pour tous, former plus de personnel, revaloriser les salaires de tous les soignants (et pas seulement des médecins), financer les maisons médicales, etc. : toutes ces « réformes » ont un coût. Mais le problème n’est pas le manque de ressources ; le problème est qu’elles sont accaparées par une petite minorité. Pour financer un programme de réformes ambitieux, il faudra s’en prendre à la propriété capitaliste. De façon générale, seule une révolution socialiste permettra de réunir les moyens suffisants pour financer ces réformes. Il faut un changement de système économique, de façon à assurer une répartition rationnelle des richesses produites. Cela permettrait d’obtenir non seulement les moyens nécessaires pour une nette amélioration du système de santé actuel, mais bien au-delà : c’est le niveau de vie de la population dans son ensemble qui s’en verrait amélioré.
Le capitalisme, dans sa course au profit, ne se préoccupe généralement que très peu de l’état de santé des salariés. L’adage « le travail, c’est la santé » est une mauvaise plaisanterie pour de nombreux salariés, même dans les pays « développés ». Le stress, les objectifs toujours plus élevés, le management agressif, les heures supplémentaires qui s’accumulent, la flexibilité, l’incertitude à la fin d’un CDD ou autre contrat précaire, le sous-effectif, les conditions de travail difficiles, des contacts avec des produits toxiques comme l’amiante, sans même parler des conditions de travail cauchemardesques des pays du « tiers-monde » : comment tout cela n’aurait pas de répercussions sur l’état de santé des salariés ? Que cela se traduise par un accident du travail, un « burn-out », une dépression, des maladies articulaires ou autres, le mode de production capitaliste a un impact particulièrement néfaste sur l’état de santé – physique et morale – des travailleurs.
A l’échelle de la planète, nous vivons dans un système barbare. Tandis qu’une poignée a de quoi s’offrir des hôpitaux dignes des suites des plus grands hôtels, des millions d’autres sont privés des soins les plus basiques, meurent du manque d’eau potable, de maladies curables – bref, sont assassinés par la misère. La pollution, et donc les problèmes de santé qui en découlent, atteint des sommets et ce n’est pas les quelques mesures votées et non appliquées qui vont y changer quoi que ce soit. Les catastrophes « naturelles » mêmes témoignent de l’immense écart entre pays riches et pays pauvres. Pour ne prendre qu’un exemple, un tremblement de terre, catastrophe naturelle par excellence, fait bien évidemment – mais pas naturellement – plus de morts à Haïti qu’au Japon. Là où les bidonvilles font place à des immeubles respectant les normes sismiques, là où les secours organisés dans l’urgence et disposant de moyens dérisoires sont remplacés par des secours dignes de ce nom, le nombre de victimes est considérablement diminué.
Tout le monde, en particulier le personnel soignant, devrait garder à l’esprit que les conditions de vie sont déterminantes pour l’état de santé d’une population. Un bon exemple est celui de la tuberculose. En France (comme ailleurs), qu’est-ce qui a fait le plus reculer la tuberculose ? La découverte et le développement des médicaments antituberculeux ? Non. La mise en place d’une campagne de vaccination massive par le BCG ? Non plus. L’impact le plus important sur la tuberculose a été obtenu par l’extension du système du... tout-à-l’égout ! Le médecin doit modestement reconnaître qu’en dernière analyse, l’état de santé d’une population est une question politique. Certes, il faut développer les systèmes de soins, en améliorer l’accès, produire des médicaments en nombres suffisants, financer la recherche et le développement. Mais les progrès les plus spectaculaires seront liés à l’amélioration des conditions de vie et de travail de la population. Or, le seul obstacle objectif pour que, partant du niveau de développement actuel, l’ensemble des êtres humains puisse connaître des conditions de vie digne, c’est l’impasse du capitalisme.
Non seulement ce système ne permet plus l’amélioration des conditions d’existence du plus grand nombre, mais il ne peut plus tolérer les conquêtes sociales du passé. Le capitalisme n’a rien d’autre à offrir que la régression sociale permanente et la misère pour l’écrasante majorité de l’humanité. La seule issue est d’arracher le pouvoir économique des mains des capitalistes et de le placer sous le contrôle des travailleurs. Une fois maîtres de la société, ils pourront introduire la raison dans le domaine de la production, par une planification démocratique de celle-ci. Alors et alors seulement, il sera possible de produire en fonction des besoins du plus grand nombre, d’éradiquer la misère, d’en finir avec les conditions de vie épouvantables auxquelles sont condamnés des milliards d’individus.
Voilà pourquoi, d’une part, le personnel soignant qui lutte pour l’amélioration de ses conditions de travail et, d’autre part, la population qui lutte contre la casse de notre système de santé, doivent lier leurs revendications à la lutte pour le socialisme. Il faut mettre fin à la régression sociale en France et dans le monde, pour que chaque individu puisse connaître un état de « complet bien-être physique, mental et social », selon les termes de l’OMS – et s’épanouisse librement.
[1] http://www.opensecrets.org/pres12/sectorallc.php?cycle=2012
[2] A Decade of Direct-to-Consumer Advertising of Prescription Drugs :Julie M. Donohue, Ph.D., Marisa Cevasco, B.A., and Meredith B. Rosenthal, Ph.D.
[3] GAGNON, M.A., LEXCHIN, J. : PLoS Medicine 2008
[5] Les essais de non-infériorité, ou d’équivalence, « représentent une large proportion des essais cliniques menés sous l’égide des industriels. Très controversés, ils sont particulièrement préoccupants. La réalisation de ces essais, qui ne sont souvent conçus que pour répondre à des exigences réglementaires, pose à l’évidence des problèmes éthiques : on trompe les patients inclus dans ces essais en leur faisant espérer une amélioration des soins ; la recherche ne vise pas à répondre à des besoins réels, mais se plie au plan de développement marketing de la firme. » (Déclaration de La Société internationale des revues indépendantes sur le médicament, International Society of Drug Bulletins ou ISDB, 2001)
[6] Seuil fréquemment retenu dans les études pour parler d’une « non-infériorité »
[7] En 2011, l’américain Pfizer, le premier laboratoire pharmaceutique du monde, annonce la suppression de 2 400 postes au Royaume-Uni. Le centre de recherche de Sandwich, l’un des quatre plus importants du groupe, est voué à la fermeture. En ligne de mire : la réduction de 5 % de ses effectifs de Recherche et Développement (R&D). Entre 2009 et 2012, GSK ferme six centres de recherche sur le Vieux Continent : Tonbridge et Harlow en Angleterre, Poznan en Pologne, Vérone en Italie, Zagreb en Croatie ainsi que l’unité de R&D d’Évreux en France. Le groupe Sanofi fait de même et se sépare de cinq centres de R&D. En 2011, 320 postes sont supprimés dans le centre de R&D de Francfort en Allemagne, 164 postes en Hongrie et 63 emplois de chercheurs à Milan. Deux sites au Royaume-Uni et aux Pays-Bas sont menacés de fermeture. Aux Etats-Unis, le centre de recherche de Bridgewater (New Jersey) met lui aussi la clef sous la porte. Sans compter les menaces de fermeture des unités de recherche de Montpellier, Toulouse et Lyon, qui jetteraient à la rue plus de 1 000 chercheurs.http://www.lyoncapitale.fr/Journal/univers/Actualite/Economie/Recherche-pharmaceutique-la-ruee-vers-l-est
[8] « Mee-too », « moi aussi », désigne une substance développée pour pénétrer un créneau commercial déjà occupé par une spécialité à base d’une substance voisine, sans apporter de bénéfice nouveau ; la firme voulant simplement « elle aussi » une part du marché (définition de la revue Prescrire)
[9] ASMR (amélioration du service médical rendu) : cotation délivrée par la HAS. L’objectif est de répondre à la question : le médicament apporte-t-il un progrès par rapport à des traitements existants ? ASMR I : progrès majeur, médicament sauvant des vies ; ASMR II : progrès important ; ASMR III : progrès modéré, ASMR IV : progrès mineur, ASMR V : absence d’amélioration avec avis favorable à l’inscription sur la liste des spécialités remboursables. Seuls les ASMR de niveaux I et II sont véritablement significatifs.
[10] Dans une réponse du ministère du Budget, en 2009, on peut lire, sur le ton de la défensive « [...] en effet cumulé de 2005 jusqu’à la fin de 2008, le régime général a atteint l’objectif gouvernemental relatif à l’emploi public de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux. Le régime général de la Sécurité sociale a rendu 7 733 ETP (Equivalent Temps Plein, NDLA) sur 15 709 départs à la retraite. L’ensemble de ces résultats témoigne des efforts faits par les caisses de Sécurité sociale pour améliorer leur performance tout en maintenant, voire en améliorant, la qualité du service rendu par les caisses aux usagers du service public de la Sécurité sociale. »http://www.senat.fr/questions/base/2009/qSEQ090107092.html
[11] http://www.acoss.fr/dmdocuments/acoss/Acoss_stat_164.pdf La majeure partie de ces exonérations de charges (plus des 2/3), est due à « l’Allègement Fillon » : 20,8 milliards d’euros en 2010, en hausse de 33 % depuis 2003 (date de la mise en place de la réduction Fillon). Elle est accessible à toutes les entreprises. L’employeur est exonéré de cotisations patronales de Sécurité sociale sur les bas salaires, de manière dégressive jusqu’à 1,6 SMIC. Outre le manque à gagner pour l’Etat, les syndicats accusent ces allègements généraux de créer des « trappes à bas salaires ». Et pour cause : en deçà d’un certain seuil, une augmentation de salaire de 1 euro revient à amputer les bénéfices de 1 euro. Mais si cette augmentation vient faire passer un seuil amenant à payer des cotisations sociales, les bénéfices seront amputés du montant de l’augmentation de salaire plus la taxe qui y sera associée. L’employeur se sent victime d’une double peine : de la phalange on lui ampute le doigt ! Facile d’imaginer son raisonnement, qui donnerait en caricaturant à peine : « Ce salarié va se contenter du SMIC, hein. Après tout, avec tous les chômeurs qu’il y a, il peut déjà s’estimer heureux d’avoir du boulot. »
[12] C’est d’ailleurs là une illustration des économies qui pourraient être réalisées dans l’industrie pharmaceutique, par leur nationalisation.
[13] http://www.senat.fr/rap/r07-385/r07-3850.html. Il n’est pas inintéressant de signaler que le rapporteur est Alain Vaselle, qui a présidé la mission. Sénateur UMP, il est coprésident du « club Hippocrate », financé par... les sociétés Générales de Santé, Malakoff Médéric et GSK, un des plus gros laboratoires au monde ! Il est actuellement impliqué dans la mission commune d’information du sénat intitulée « Mediator : évaluation et contrôle des médicaments ». On a du mal à le croire : des parlementaires financés par l’industrie pharmaceutique travaillent sur les conflits d’intérêts concernant l’industrie pharmaceutique ! Voir l’article suivant pour plus de détail : http://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/des-parlementaires-finances-par-l-89463
[15] « L’assurance maladie privée dans les pays en développement – une solution pour les pauvres ? » http://www.oecd.org/fr/dev/35337619.pdf
[16] Et encore, on ne peut pas parler d’un véritable 100 %, comme nous le rappelle notre sénateur : « il convient de souligner que les patients en ALD ne sont pas exonérés de toute forme de responsabilisation puisqu’ils doivent s’acquitter du forfait de 1 euro, du forfait journalier hospitalier [18 euros par jour, au moins, NDLA] et respecter les règles du parcours de soins. En outre, pour faire face aux restes à charge qu’ils connaissent, principalement au titre des dépassements d’honoraires ou sur les biens médicaux, nombre d’entre eux bénéficient d’une couverture complémentaire. » Non seulement ils leur restent donc une partie à payer de leur poche, mais celle-ci est tellement importante qu’ils sont bien souvent obligés de se payer une mutuelle. Le désengagement de l’Etat, dans le langage du sénateur, on appelle ça « responsabilisation ». Au cas où ils ne se rendraient pas compte qu’ils nous coûtent cher. Parce que bon, ces patients doivent comprendre que l’hôpital, c’est pas le club med.
[17] « Maison médicale » : en fait le terme existe déjà, mais il ne s’agit pour l’instant que d’initiatives privées.