L’Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille (APHM) est dans le viseur du gouvernement. Le 12 décembre dernier, la ministre de la Santé Agnès Buzyn expliquait que le projet de restructuration des hôpitaux publics de Marseille devra répondre à « des critères exigeants garantissant […] la maîtrise de la dépense publique ». Avec une dette de près d’un milliard d’euros, l’APHM devrait donc se serrer la ceinture pendant des années. La suppression de plus de 1000 postes a été annoncée, soit près de 10 % des effectifs.
Guillaume Algrin, infirmier et militant à la CGT hôpitaux Sud, nous explique : « Les conditions de travail sont déjà extrêmement difficiles pour l’ensemble des catégories professionnelles : secrétaires médicales, infirmiers, aides-soignants, agents des Services Hospitaliers, cadres, médecins… On nous demande beaucoup, mais on ne nous donne pas les moyens de faire correctement notre travail.
« Avec ce plan de suppression massive de postes, tout est fait pour tuer l’hôpital public, sous le prétexte d’une dette d'ailleurs illégitime. Ce projet n’est pas d’ordre médical, mais d’ordre purement économique. L’économie de la santé, c’est des centaines de milliards d’euros. Les grands groupes privés veulent capter ce marché, avec la complicité active du gouvernement. Pour cela, ils ont une stratégie très simple : asphyxier l'hôpital public financièrement, puis lorsqu'il ne marche plus, ou mal, le gouvernement peut justifier sa privatisation. »
Le manque de moyens
Aux urgences du CHU de la Timone, le plus grand hôpital public de Marseille, il n’est pas rare qu'un patient attende plusieurs heures avant d’être pris en charge, faute d’effectifs et de moyens. Les internes en médecine sont de plus en plus utilisés pour pallier à la pénurie de médecins. Ces « docteurs juniors » peuvent prendre en charge des patients pendant 24 heures de garde, sans véritable pause pour dormir – et au détriment de leur formation. Il y a un épuisement lié à des semaines de plus de 55 heures de travail hospitalier. Tout le monde en souffre, patients comme soignants.
Selon une récente enquête réalisée par des syndicats d'internes et de médecins, les deux tiers des jeunes et futurs médecins souffrent d’anxiété. Près d’un tiers seraient atteints de troubles dépressifs. « On a des sites sur-occupés, avec du personnel en souffrance et en sous-effectif », confirme Guillaume Algrin. « Il suffit d’une épidémie de grippe, de conditions particulières, comme un incendie ou un gros accident, et on est plus en capacité de faire face.
« La qualité de la prise en charge est directement liée à l’organisation du travail et aux moyens qu’on va y mettre. Quand on voit l'état des locaux et les conditions dans lesquelles on travaille... On manque de tout. Par exemple, dans le service d'endocrinologie, il arrive que l’on manque de jus de resucrage [pour la prise en charge des diabétiques], alors que c’est la base. » Le constat est le même dans la plupart des services. On ne peut plus continuer comme ça.
Quelle riposte ?
Comment lutter contre cette régression ? Selon Guillaume Algrin, « il faut réunir les formations syndicales, politiques et associatives qui veulent se battre pour une autre société. Il faut un socle commun revendicatif et progressiste. Premièrement, le financement doit échapper à la mainmise du privé. Ça suffit, les gouvernements qui marchent pour les intérêts de leurs petits copains du CAC 40 ! Ensuite, il faut des services, des lits d’urgence, de réanimation, des lits de courts et moyens séjours gériatriques, de la médecine, de la chirurgie, de l’ambulatoire, etc.
« En prônant un syndicat de lutte, on a beaucoup d’échos favorables. A l’UD CGT 13, on est offensifs et on cherche à jouer pleinement notre rôle, pour la défense des travailleurs. C’est plus complexe au niveau fédéral et national. La solution, c’est que ça parte de la base. Il faut l’unité des travailleurs dans les différents sites hospitaliers, et que les travailleurs obligent les centrales syndicales à se mettre réellement en action ensemble. Nos élus ne doivent pas être là pour simplement discuter, négocier – mais pour construire le rapport de force, sur la base d'actions militantes : occupations, blocages, grèves… ».
En effet, pour mettre un terme à la régression sociale, il faut une puissante contre-offensive, syndicale et politique. Seul un système de santé 100 % public peut garantir une prise en charge optimale des patients. Il faut des embauches massives. La « tarification à l’activité » doit être remplacée par une planification rationnelle de l’activité, en fonction des besoins. Mais pour cela, il faut lutter pour un gouvernement vraiment de gauche, qui brise le pouvoir des banques et des grands groupes privés. Il faut rompre avec un système capitaliste qui soumet toujours plus la santé publique à la course aux profits.
Sébastien Vergan - Interne en médecine générale - Marseille