Lancée dans les hôpitaux publics de Paris, la grève dans les services des Urgences s’étend désormais sur tout le territoire. Dans les pages de Révolution, nous avions souligné l’asphyxie de l’hôpital public et le caractère explosif de cette situation. En l’espace de deux mois seulement, plus de 80 services d’accueil des urgences ont rejoint le mouvement de grève national – à Bordeaux, Chalon, Nantes, Beauvais, Mulhouse, Aix-en-Provence, Pithiviers, Auxerre ou encore Limoges.
Pronostic vital du public engagé
Aux Urgences, plus d’un soignant sur deux souffre de symptômes liés au burn-out, d’après une étude récente menée par un chercheur des hôpitaux de Marseille. Les souffrances au travail du personnel hospitalier – en majorité féminin, salarié ou stagiaire étudiant – ne peuvent pas être soulagées en flattant le « sacerdoce » de ces soignants, aussi dévoués soient-ils. Les belles paroles ne suffisent pas devant la violence sociale croissante et la saturation chronique des services.
Faute de moyens, les Urgences ne peuvent ni accomplir leur mission de « porte d’entrée » de l’hôpital, ni assurer une prise en charge digne des patients. Malgré tout, et en connaissance de cause, la ministre Agnès Buzyn défend son plan Santé 2022 qui entérine deux milliards d’euros d’économies aux dépens du secteur hospitalier public.
Cette offensive austéritaire ne concerne pas uniquement la vie de milliers de soignants ou de leurs proches. Les slogans repris dans les manifestations et sur les piquets de grève alertent sur le réel danger pour la population en général : « Prenez soin de vous, car nous ne pouvons plus le faire pour vous » ; ou encore : « si vous voulez être soignés, prévoyez la journée ! ». Le message est clair : sans un investissement public conséquent, l’accès aux soins urgents et au système de santé en France va baisser drastiquement.
Le droit à une prise en charge optimale est de plus en plus réservé à une minorité qui peut se la payer, dans le secteur privé. Si les soins ont un « prix », c’est qu’ils deviennent un marché à mesure que l’hôpital public et la Sécurité sociale se désengagent. Cette tendance est une source de profits pour les capitalistes, qui font du business sur la souffrance des patients – comme sur celle des soignants.
Stopper l’agonie organisée
Dans un communiqué publié le 9 mai, la fédération CGT de la Santé et de l’Action sociale demande l’ouverture de négociations nationales pour une augmentation des effectifs, une augmentation des salaires de 300 euros et l’ouverture de lits pour atteindre l’objectif de zéro « hospitalisation brancard » (autrement dit, une place pour chaque patient qui relève d’une hospitalisation.)
Dans le même temps, un collectif Inter-Urgences s’est formé pour regrouper les services en grève, à l’échelle nationale. Leur première Assemblée Générale s’est tenue le 25 mai dernier. A ce stade, le collectif vise à faire la lumière sur les organisations de travail aberrantes, toutes liées à des années de coupes budgétaires dans le secteur hospitalier public. Entre autres, des endroits inappropriés sont transformés en zones de soins ; des soins (comme la thrombolyse) se font aux Urgences alors qu’ils relèvent d’autres services ; de nombreux parcours de soins sont insensés (par exemple, des patients « post réa » se retrouvent en service de soin classique).
Dans leur mobilisation, les soignants grévistes sont limités, de facto, par leur mission et les réquisitions pour « assurer la prise en charge des patients ». Mais ils sont déterminés à lutter pour l’obtention d’un plan d’investissement digne de ce nom pour les Urgences.
« La santé n’a pas de prix ! »
Le gouvernement Macron programme la soumission des Urgences et de l’ensemble du secteur de la santé aux lois du marché. C’est ce qu’ont bien compris les « marchands de santé » de la Fédération de l’Hospitalisation Privée. Son président, Lamine Gharbi (qui est aussi à la tête du groupe Cap santé) appuie le gouvernement pour « mieux utiliser le privé sur les Urgences ».
Tout le monde devrait pouvoir bénéficier de soins publics et d’une prise en charge optimale. Mais cela suppose de bonnes conditions de travail pour les soignants et un puissant système de santé public. C’est pour cela que la grève des soignants des Urgences mérite le soutien actif de l’ensemble du mouvement ouvrier. Et c’est pour cela, aussi, que Révolution défend l’idée d’un système de santé 100 % public et gratuit, ce qui suppose de nationaliser le secteur pharmaceutique, les mutuelles et les cliniques privées, en les plaçant sous le contrôle démocratique des salariés et des usagers.