La mobilisation anti-CPE a commencé un week-end de janvier. Après l’annonce du CPE par de Villepin, l’UNEF a rapidement pris la décision de construire la mobilisation et de partir au combat contre le gouvernement. Après un moment d’euphorie chez les plus jeunes et de ferme détermination chez les plus anciens, tous les camarades se sont retroussés les manches et préparés pour une bataille de longue durée.
Les trois premières semaines furent intenses : chaque jour, on tenait des tables d’information, on intervenait en Amphi, on distribuait des milliers de tracts. Objectif : faire prendre conscience à tous les étudiants que le CPE n’était rien d’autre qu’une attaque sans précédent contre les jeunes.
Ce « bolchevisme » a payé : dès la deuxième Assemblée Générale, nous étions plus de 400, et la manif du 7 février fut un franc succès, après un débrayage des amphis réussi. Une première vague d’étudiants se mobilisa. Certains ont choisi de s’investir dans le syndicat, ce qui nous a permis de doubler rapidement nos effectifs militants.
Après la pause forcée des vacances, nous avons commencé les blocages, le 7 mars, conformément à la décision de l’Assemblée Générale précédente. Ce fut un nouveau succès : en un mois, le nombre de manifestants avait doublé !
Alors que l’AG n’avait voté le blocage que pour le mardi 7 mars, et qu’aucune nouvelle AG n’avait pu avoir lieu le jour même de la manifestation, une décision déterminante a été prise. Les militants de l’UNEF-Grenoble se sont réunis pour débattre de la reconduite ou non du blocage. Le syndicat s’est prononcé à la quasi-unanimité pour la reconduire du blocage.
Cet événement pose bien l’importance capitale de la direction syndicale : si le bureau d’AGE (section locale de l’UNEF) n’avait pas réuni les camarades et avait fait le choix du déblocage par crainte ou par fatigue, la mobilisation n’aurait eu pas la même ampleur, à Grenoble. Dès le surlendemain, nous étions plus de 1200 à reconduire le blocage, et le mardi 21 mars nous atteignions le record de 6000 étudiants en AG, avec près de 70% en faveur du blocage. La mobilisation a continué de s’amplifier, avec l’occupation de la galerie des amphis de Grenoble-2.
La mobilisation a perduré malgré la répression et la contre-attaque médiatique. L’implication des étudiants à tous les niveaux de la lutte était impressionnante. Ils intervenaient en AG, s’investissaient dans les commissions, organisaient des actions... C’est à partir de ce moment-là qu’on peut dire que le syndicat est « débordé ». L’UNEF, à Grenoble, n’en est pas moins resté l’organe central indispensable. Mais la mobilisation a dépassé le simple cadre de l’organisation.
On a aussi constaté un « élargissement des revendications » - contre le CNE, contre la loi de l’égalité des chances, et contre toutes les formes de la précarité. Si, à Grenoble, cet élargissement était souvent le fait de « gauchistes » qui empilent les revendications les unes sur les autres, il n’en reste pas moins que le retrait du CPE ne résoud en rien la précarité de la jeunesse. On pouvait peu à peu sentir que les étudiants prenaient conscience que la stratégie des directions syndicales (y compris celle de l’UNEF), consistant à se concentrer uniquement sur le CPE, n’offrait pas suffisamment de perspectives. Après tout, le CNE n’était que le prolongement du CPE. Plus généralement, l’idée a commencé à germer, dans l’esprit de la frange la plus mobilisée des étudiants, que le CPE est l’expression d’un conflit d’intérêt entre classes antagonistes, et que c’est le système capitaliste qu’il faut remettre en cause. La manifestation du 11 avril, à Grenoble, a rassemblé plus de 2000 personnes. La volonté de gagner davantage que le retrait du CPE n’était donc pas le fait de quelques militants isolés.
Quoiqu’il en soit, cette victoire a marqué une étape cruciale dans le développement du syndicalisme étudiant sur Grenoble. L’heure est à l’organisation de tous ceux qui nous ont rejoints au cours de la lutte. Car il est certain que d’autres combats nous attendent !
Jérémie G. (UNEF Grenoble)