C’est l’un des arguments préférés des théoriciens de la gauche réformiste : « du temps de Marx, ses idées étaient sans doute valables et utiles ; mais le capitalisme a beaucoup changé, depuis, de sorte que le marxisme est désormais dépassé, obsolète, périmé. »

Il est vrai que le monde a beaucoup changé depuis le XIXe siècle. C’est d’ailleurs conforme à cette idée centrale de la philosophie dialectique, chère aux marxistes : tout change en permanence – y compris, donc, le capitalisme. Mais précisément, Marx a découvert et exposé les lois du développement de ce système. Dès lors, la seule question qui vaille est celle-ci : le capitalisme a-t-il changé conformément aux lois exposées par l’auteur du Capital – ou non ?

L’actualité du Manifeste

Pour y répondre, il suffit de lire le Manifeste du Parti communiste, que Marx a écrit en 1848. Les tendances fondamentales du capitalisme y sont brillamment décrites : concentration indéfinie du capital, inégalités sociales croissantes, développement quantitatif du salariat (au détriment de la paysannerie), constitution et domination d’un marché mondial (« mondialisation »), crises de surproduction toujours plus dévastatrices, explosions récurrentes de la lutte des classes...

C’est un fait remarquable et exceptionnel dans l’histoire des sciences sociales : en un sens, le Manifeste est plus actuel aujourd’hui qu’il ne l’était à l’époque de sa rédaction, précisément parce que Marx a exposé les tendances générales du développement du capitalisme.

Pour tenter de réfuter les prédictions de Marx, nos adversaires en sont souvent réduits à nier les faits. Par exemple, ils affirment que la classe ouvrière – c’est-à-dire le salariat – a « disparu », ou tout au moins « diminué ». Cette affirmation ridicule est facilement réfutable. En France, par exemple, les salariés – dont les revenus proviennent de la vente de leur force de travail – constituent désormais plus de 90 % de la population active, contre moins de 30 % à l’époque du Manifeste. On pourrait citer des chiffres équivalents pour tous les pays les plus riches. Mais même dans les pays pauvres, dominés par l’impérialisme, la classe ouvrière s’est développée au détriment de la paysannerie. Cette « prolétarisation » de la société est inhérente aux lois du capitalisme.

Il arrive aussi à nos adversaires de parler un peu trop vite. Au début des années 2000, ils affirmaient qu’« il n’y aura plus de grandes crises économiques, car le capitalisme a trouvé son équilibre interne ». La récession mondiale de 2008 a douché cet enthousiasme. Ne désarmant pas, des économistes expliquaient alors : « ce n’est pas une crise de surproduction ; c’est une seulement crise financière, etc. » Là aussi, les faits eux-mêmes réfutent cette objection. Certains économistes bourgeois sont obligés de le reconnaître, d’ailleurs, même s’ils préfèrent parler de « surcapacité » que de « surproduction » : cela revient exactement au même, mais sonne moins marxiste (l’honneur est sauf).

Le programme marxiste

L’analyse marxiste de la société est donc toujours d’actualité – mais aussi, dès lors, le programme révolutionnaire du marxisme. Les deux sont étroitement liés. Notre programme ne tombe pas du ciel ; il n’est pas une invention arbitraire de Marx ; il s’appuie sur les contradictions inhérentes au capitalisme et indique les moyens de les résoudre. Comment ? En levant les deux principaux obstacles au progrès de l’humanité : d’une part, la propriété privée des grands moyens de production ; d’autre part, la division du monde en Etats-nations concurrents. D’où l’axe central du programme communiste : l’expropriation de la bourgeoisie, la collectivisation des grands moyens de production et la planification démocratique de l’économie à une échelle toujours plus large (nationale, puis internationale et, finalement, mondiale).

Quelle classe sociale est capable de réaliser un tel bouleversement historique ? Marx répond : c’est la classe ouvrière, le salariat, que le capitalisme lui-même prépare sans cesse à la réalisation de cette tâche grandiose. De fait, les travailleurs produisent l’écrasante majorité des richesses. Pas une roue ne tourne et pas une lumière ne brille sans leur aimable permission. A la différence des petits paysans, le salariat est aussi une classe sans propriété, habituée à la coopération au sein de l’entreprise capitaliste – et donc naturellement « collectiviste ». Comme le soulignait Marx dans le Manifeste, en développant la classe ouvrière, « la bourgeoisie produit ses propres fossoyeurs ».

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